Cours électrochimie et corrosion, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
Potentiel en circuit ouvert
La plus simple des techniques électrochimiques est celle du potentiel en circuit ouvert. Elle précède normalement chacune des autres techniques. Elle est utilisée pour atteindre l’équilibre électrochimique d’un système particulier. La différence de potentiel est mesurée entre l’électrode de travail et l’électrode de référence jusqu’à l’obtention du régime permanent. Le potentiel en régime permanent d’un système électrochimique se nomme le potentiel de corrosion. Le potentiel de corrosion est le potentiel que prend spontanément une électrode qui subit une corrosion lorsque la vitesse de la réaction cathodique devient égale à celle de la réaction anodique. La formation des couches d’oxydes stables est étudiée par cette technique. La Figure 18 est un exemple de la formation d’une couche d’oxyde lors d’un test OCP sur des échantillons de titane dans une solution de Hanks. La stabilisation du potentiel de corrosion, ici, est un signe de la formation d’une couche d’oxyde stable.
Figure 18 : Résultats d’un test OCP sur des échantillons de titane montrant la stabilisation de la couche d’oxyde.
Polarisation potentiodynamique
La technique de polarisation potentiodynamique est l’une des principales techniques électrochimiques utilisée pour en apprendre davantage sur les comportements de corrosion d’un matériau dans un électrolyte spécifique. Cette technique est rapide, précise et reproductible. Comme son nom l’indique, cette technique s’effectue en imposant un potentiel sur l’électrode de travail et en faisant un balayage de celui-ci pendant un intervalle de potentiel désiré. L’intervalle de potentiel est choisi en fonction de l’information que l’on cherche à extraire. Il existe deux méthodes expérimentales pour la détermination de la vitesse de corrosion :
(1) la mesure de la résistance de polarisation en faisant un balayage de ± 20 mV par rapport au potentiel de corrosion, et (2) l’extrapolation des droites de Tafel qui elle nécessite un balayage de quelques centaines de mV par rapport au potentiel de corrosion. L’extrapolation des droites de Tafel vers le potentiel de corrosion donne la valeur du courant de corrosion icorr [67]. La Figure 19 montre un graphique typique, son extrapolation ainsi que toutes les valeurs extraites pendant l’analyse.
Une fois le balayage terminé, les pentes des deux parties linéaires de la courbe sont tracées. Le point de croisement de ces deux courbes est associé à deux valeurs importantes; le potentiel de corrosion, c’est-à-dire la même valeur qui est obtenue pendant la technique de potentiel à circuit ouvert, et le courent de corrosion.
Figure 19 : Extrapolation de Tafel, courbe et valeurs [68].
La vitesse de dégradation est ensuite calculée à l’aide de cette dernière valeur.
L’équation de la vitesse de dégradation est la suivante : = 1 (2) ρ = la densité g/cm³, K1 = 3,27×10-3 mm g/µA, EW = le poids équivalent du métal et icorr = la densité de courant µA/cm².
Les techniques traditionnelles pour déterminer la vitesse de dégradation, par exemple la technique de perte de masse, sont plus simples, mais souvent longues à réaliser, surtout lorsqu’il est question d’analyser des matériaux résistants à la corrosion. La technique de perte de masse peut prendre plusieurs semaines à réaliser alors que la PDP ne prend que quelques heures. Comme toute chose, la technique de PDP possède certaines limitations. McCafferty a répertorié cinq limitations concernant cette technique [69]. Premièrement, au moins une des branches de la courbe de polarisation doit être sous le contrôle d’activation. Deuxièmement, il existe une région de Tafel anodique et cathodique bien définie, et ce sur au moins une décade de courant. Troisièmement, les réactions anodiques et cathodiques qui font leur apparition au potentiel de corrosion sont les seules réactions présentes pendant la détermination de la courbe de polarisation.
Quatrièmement, la corrosion est uniforme et il n’y a aucune corrosion localisée.
Cinquièmement, la courbe de polarisation est déterminée pendant le régime permanent, c’est-à-dire à Ecorr.
La technique de PDP peut aussi être utilisée pour visualiser le comportement actif-passif de l’électrode de travail si le balayage est prolongé dans la région anodique. Les régions correspondantes à ces phénomènes ont été mises de l’avant à la Figure 20 qui a été modifié à cet effet.
Figure 20 : Polarisation potentiodynamique d’un alliage de chrome-cobalt, montrant les différentes régions de la courbe [71].
La point annoté (A) correspond au potentiel de corrosion. La zone (B) est celle de dissolution active. C’est à ce moment que le métal est le plus actif et que les échanges entre la surface de l’électrode et de l’électrolyte sont faits. C’est une zone où la corrosion est forcée. Les différents produits de corrosion commenceront à se former. Ces produits se forment à la surface de l’électrode, mais s’ils sont solubles ils se solubiliseront directement dans la solution d’électrolyte. Aussi, parfois les ions peuvent diffuser directement dans la solution d’électrolyte sans former de produits en surface. Lorsque le courant critique est atteint en (C), c’est le début de la région de transition (D). Dans cette zone, les échanges ralentissent, l’électrode est de moins en moins active ce qui entraîne la diminution du courant. La région suivante est celle de la passivation (E). Ici, une couche passive recouvre complètement l’électrode. Cette couche passive est en fait une couche uniforme d’oxyde qui aide à la protection de l’électrode et qui empêche la dégradation de se poursuive. La zone de passivation est plus ou moins longue et sa longueur dépend de la nature du métal étudié. Lorsqu’on poursuit le balayage dans le sens positif, la couche passive commence à se dégrader par attaque localisée ou par dissolution active. La couche protectrice se brise et la région transpassive commence (F). La valeur du potentiel à l’endroit où le courant augmente drastiquement se nomme le potentiel de piqure. Cette région est caractérisée par une augmentation du courant (G) et parfois, une deuxième région passive apparaît. À un potentiel si élevé, ces couches passives ont tendance à être de courte durée. Ce comportement se reproduira aussi longtemps que le potentiel de l’évolution de l’oxygène n’est pas atteint. À ce moment, le balayage est arrêté. L’évolution de l’oxygène est le procédé d’oxydation de l’eau qui formera de l’hydrogène et de l’oxygène [72] suivant la formule suivante : 2 2 → 4 − + 4 + + 2.
Une polarisation potentiodynamique démarre normalement quelques millivolts sous le potentiel de corrosion, mais si l’extrapolation de Tafel est aussi désirée, il est possible de commencer plus bas dans la région cathodique sur le même balayage. Par contre, il faut se méfier, car s’aventurer trop profondément dans la zone cathodique peut modifier les résultats obtenus dans les zones subséquentes. La vitesse de balayage est aussi un facteur à considérer qui peut affecter la forme des courbes résultantes [73]. L’aspect qualitatif de la polarisation potentiodynamique est idéal pour visualiser les variations entre différents alliages et les effets des impuretés dans les métaux.
Spectroscopie d’impédance électrochimique
Contrairement aux autres méthodes, la spectroscopie d’impédance électrochimique est une technique utilisant le courant alternatif. Pour réaliser cette technique, un signal d’excitation est envoyé à la surface de l’électrode de travail pour la perturber. Cette technique est décrite par Kirkland et al. : « Cette excitation permet de mesurer l’impédance en appliquant à une fréquence précise un courant ou une tension sur l’interface et en mesurer le déphasage et l’amplitude, ou la partie réelle et imaginaire, du courant résultant à cette fréquence [74]. »
Un potentiostat capable de superposer une modulation sinusoïdale de faible amplitude au potentiel de corrosion et de mesurer la réponse de l’électrode en fonction de la fréquence. Le courant résultant sera influencé par la fréquence du signal d’excitation. La gamme de fréquences doit être choisie minutieusement en tenant compte du métal étudié et des limitations physiques du potentiostat. Le balayage commence à des fréquences de l’ordre du kilo ou mégahertz et termine à des fréquences de l’ordre du millihertz. Plus la fréquence est faible, plus il est difficile pour le potentiostat de faire des mesures précises.
La spectroscopie d’impédance électrochimique, contrairement à la polarisation potentiodynamique, est une technique non destructive. Cela est un avantage permettant la prise de plusieurs mesures sur le même échantillon sans que celui-ci n’est besoin de préparation supplémentaire. La spectroscopie d’impédance électrochimique permet de déterminer les propriétés électriques d’un matériau et de son interface [75]. Cette technique permet d’en apprendre davantage sur plusieurs phénomènes microscopiques qui se produisent à la surface de l’électrode. Par exemple, le transport d’électrons à travers un conducteur électronique, le transport d’électron à l’interface de l’électrode et de l’électronique vers ou venant, d’espèces atomiques chargées ou non-chargées venant de la cellule du matériau et de son environnement atmosphérique (réactions d’oxydation ou de réduction), et l’écoulement d’atomes chargés ou d’agglomérat d’atomes via les défauts de l’électrolyte [76].
Les résultats sont interprétés sous la forme d’un graphique de Nyquist utilisant les parties réelles et imaginaires de l’impédance et sous la forme d’un graphique de Bode utilisant la fréquence d’excitation. Avec les résultats obtenus et un modèle mathématique adéquat, il est possible de représenter les résultats obtenus en utilisant un circuit équivalent. Dans ce circuit, chacune des différentes composantes représente un élément réel à l’intérieur de la cellule électrochimique. La Figure 21 permet de mieux visualiser ce qui se passe à l’interface de l’électrode. Cette correspondance avec un circuit électrique est une arme à double tranchant. D’un côté, ceci permet de bien visualiser les différentes couches à la surface de l’électrode en plus d’expliquer leur fonction individuelle. Par contre, il est possible de faire correspondre les courbes expérimentales à plus d’un circuit électrique. Il est de la responsabilité du chercheur de choisir le meilleur modèle correspondant à la situation.