Elaboration et caractérisation de phases cristal liquides de suspensions de rutile (TiO2)
Diffraction des rayons X et microscopie électronique en transmission
Une partie du produit est destinée à être examinée en Diffraction des Rayons X (DRX). Pour cela, nous récupérons une petite quantité de suspension qui est centrifugée puis séchée sous flux d’azote. Le solide ainsi isolé est ensuite broyé en poudre et placé dans le diffractomètre. Le diagramme de diffraction montre (Figure 3a), que la phase obtenue est unique et correspond au rutile. L’absence de trace des autres polymorphes, l’anatase et la brookite, permet de valider le premier aspect de la synthèse qui vise à obtenir exclusivement la phase thermodynamiquement stable. 14 Figure 3: a) Diffractogramme du produit. Images en MET des particules b) avant et c) après ensemencement Les observations en Microscopie Electronique à Transmission (MET) permettent d’effectuer une étude structurale plus détaillée des particules et d’obtenir une distribution de taille, voir Figure 3b) et c). Pour pratiquer cette observation, une goutte de suspension très diluée est évaporée sur une grille de cuivre recouverte d’un film de carbone. Nous pouvons dire à partir des images réalisées que les particules sont de taille nanométrique, d’une anisotropie marquée avec un rapport d’aspect, défini par le rapport longueur (L) sur le diamètre (D), de l’ordre de 11 et d’une assez forte polydispersité. Les particules ont une longueur L de 160 nm ± 40 nm, pour une largeur D de 15 nm ± 3 nm. La constance notable du rapport d’aspect mérite cependant d’être soulignée. 2.2.MET en haute résolution Une étude de microscopie électronique à haute résolution (Figure 4) a permis de confirmer que la direction de croissance des particules (leur axe principal) est la direction [001] ainsi que la nature des plans latéraux (110). 15 Figure 4: Cliché en haute résolution d’une particule Une nanoparticule présente donc sélectivement, comme faces latérales, des plans identiques, de la même famille réticulaire. La surface exposée, relativement importante et toujours de cette même nature (110), détermine donc en grande partie la réactivité des particules. Pour obtenir des nanoparticules encore plus anisotropes, il est nécessaire de procéder à une étape supplémentaire qui consiste en l’ajout d’un volume faiblement concentré en précurseurs hydroxylés à la solution de germes synthétisés durant les premières 24 heures. En effet, l’étape de croissance est favorisée pour les faibles concentrations (Figure 2) (si la concentration limite n’est pas atteinte) les germes en formation ne sont pas stables, alors que les particules qui grandissent le sont. Avant cette étape de croissance, les particules avaient une forme de bâtonnets, définis par une longueur moyenne L = 100 ± 20 nm et un diamètre moyen de D = 12 ± 2 nm, soit un rapport d’aspect de l’ordre de 8. Cette famille de particules n’a pas conduit à une phase cristal liquide stable et l’amélioration du processus de synthèse a été indispensable. 3. Reproductibilité Cette synthèse a été réalisée au total six fois. À quatre reprises, elle a donné des résultats très comparables, permettant de fournir le matériel nécessaire à la bonne réalisation de cette thèse. 4. Stabilité en suspension et conservation L’étude d’une suspension de nano-objets en solution nécessite de s’assurer de sa stabilité. Une suspension ne doit pas présenter de gradient de concentration ou pire d’agrégation. Une simple observation visuelle peut être suffisante. Une suspension de rutile diffuse fortement la lumière, ce qui explique sa couleur blanche. Même à très faible concentration en particules, la suspension présente un aspect opalescent caractéristique. Cette propriété est due au fort indice optique du rutile. Du fait de cette diffusion, pour une concentration élevée en particules, il est impossible d’observer la présence d’agrégats dans le tube à essais, sauf parfois sous la forme d’un dépôt en fond de tube, à la condition que ces agrégats aient une masse suffisante. Il est donc souvent nécessaire de faire une observation complémentaire en microscopie optique à l’aide de fins capillaires plats. Le contraste en lumière naturelle est suffisant pour repérer la présence d’agrégats. La microscopie polarisée permet aussi de détecter les gradients de concentration car la diffusion dépolarisée de la lumière est fonction de la concentration en particules. Une observation entre polariseurs croisés permet donc d’observer ces gradients qui engendrent un signal lumineux. Les particules de rutile en suspension sont réputées être assez délicates à stabiliser. Les forces d’attraction de van der Waals contribuent à mettre en interaction les particules en les attirant tandis que les forces électrostatiques font qu’elles se repoussent. Equilibrer les forces attractives n’est pas aisé, et la floculation se produit et est fréquente. Néanmoins les suspensions de rutile que nous avons synthétisées ont montré une stabilité colloïdale sastisfaisante. C’est un apport de la Chimie Douce qui permet de contrôler à la fois le milieu de synthèse mais aussi le milieu de dispersion de la suspension. Ces suspensions ont présenté des agrégats de taille non négligeable en MET qui semblent être issus des étapes de lavages, puisqu’ils apparaissent en petit 17 nombre durant le dernier lavage. Cependant, une courte centrifugation permet de les éliminer. La mise en capillaire des suspensions permet en outre de tester leur stabilité à long terme. Une fois scellé convenablement, le capillaire pourra être observé régulièrement. A ce jour, aucun capillaire n’a présenté une évolution laissant penser que la suspension avait perdu sa stabilité. Entre deux périodes de manipulations sur une suspension, il a été préférable de diluer la solution mère pour la reconcentrer ensuite, juste avant les expériences afin d’éviter l’évaporation du solvant et le séchage irréversible des particules. Entre deux séries d’expériences, nous conservons la suspension isolée de l’atmosphère (en entourant le bouchon du tube de films de téflon et de paraffine) mais aussi à l’abri de la lumière, pour éviter tout vieillissement incontrôlé induit par une absorption du rayonnement UV naturel, qui pourrait faire évoluer le système par la décomposition des composés organiques (provenant des tubes, poussières, etc.).
Mesures optiques
Le rutile est un matériau semi-conducteur dont il est nécessaire ici de connaître les propriétés optiques. Cristallisant dans le système quadratique, le rutile est uniaxe positif, ce qui veut dire qu’il possède seulement deux indices distincts de réfraction et que l’indice optique extraordinaire est supérieur à l’indice ordinaire. Ce caractère uniaxe étant défini par symétrie, il prévaut sur toute la gamme du spectre électromagnétique. La différence d’indices, appelée biréfringence, demeure régulièrement comprise entre 0,25 et 0,35 dans le domaine visible. Cette biréfringence est donc très marquée.
Valeurs de la littérature
Une étude bibliographique nous a fourni différentes valeurs de ces indices optiques 18 en fonction de la longueur d’onde d’observation. Une remarque importante doit être faite à ce point. La différence d’indices de réfraction, mesurée sur le rutile massif et référencée dans le tableau précédent, est la cause de la biréfringence « intrinsèque » d’une particule de rutile. Cependant, cette biréfringence intrinsèque n’est pas la seule origine de la biréfringence de la suspension. Celle-ci provient aussi de l’anisotropie de forme des particules en suspension et de l’orientation de ces dernières. Nous discuterons ce point plus en détail dans le chapitre suivant.
Mesures de spectroscopie UV/Visible
Tout semi-conducteur possède une énergie qui caractérise l’écart séparant la bande de valence de la bande de conduction. Cette écart est l’énergie nécessaire pour qu’un électron passe directement du haut de la bande de valence jusqu’au bas de la bande de conduction. Cette énergie peut être apportée de différentes manières : thermiquement, par un rayonnement, etc. A température ambiante, l’agitation thermique fournit une énergie de l’ordre de 25 meV. Nous pouvons considérer cette dernière contribution comme négligeable par rapport à la valeur tabulée [42] de l’énergie séparant les deux bandes (désignée souvent par le terme anglais « gap ») qui est de 3,03 eV dans le cas du rutile. En irradiant une poudre compacte de nanoparticules sèches contenue entre deux lames de quartz par un rayonnement dont nous faisons varier l’énergie, il est possible d’obtenir la valeur de l’énergie de transition, largeur de la bande interdite entre les bandes de valence et de conduction (Figure 5).
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