ELABORATION ET CARACTERISATION DE FIBRES CRISTALLINES DE NOUVEAUX MATERIAUX
Cristaux optiques non linéaires
Depuis la découverte de la génération de second harmonique (GSH), de nombreux cristaux ont été synthétisés. Les premiers cristaux élaborés étaient des cristaux ayant des liaisons P-O, I-O et Nb-O tels que le dihydrogénophosphate d’ammonium NH4H2PO4 (ADP) et ses isomorphes (KH2PO4 (KDP)9,10, NH4H2AsO4 (ADA),…), l’iodate de lithium LiIO3 11,12 , le niobate de lithium LiNbO3 (LN)13. Avec l’augmentation du nombre d’applications dans l’UV et donc l’intérêt grandissant pour des dispositifs optiques non linéaires performants, la recherche pour des cristaux performants s’est intensifiée et de nouveaux cristaux avec des liaisons B-O sont étudiés. Ces derniers cristaux sont reconnus pour leurs nombreuses propriétés qui sont uniques et parfois supérieures aux autres types de matériaux telles que la capacité de conversion, le seuil de dommage optique élevé, et la large zone de transparence5,8,14 . Compte-tenu de ces propriétés intéressantes pour la conversion de fréquences, nous avons focalisé notre travail sur l’étude des matériaux possédant des liaisons B-O : les ‘borates’.
Les borates : histoire
Le premier cristal de borate décrit pour la génération d’un rayonnement UV était KB5O8.4H2O 15. Cependant, la recherche intense sur des cristaux à base de borate n’a été lancée qu’après le développement de -BaB2O4 (BBO) par Chen et coll. dans les années 198016. Après BBO, le professeur C.T.Chen et son équipe ont mis au point plusieurs cristaux de la famille des borates comme LiB3O5 (LBO)17 , KBe2BO3F2 (KBBF)18 et Sr2Be2BO7 (SBBO)19. Par la suite, de nombreuses recherches ont été menées sur l’étude et l’élaboration de nouveaux borates pour la conversion de fréquence comme CsB3O5 (CBO), CsLiB6O10 (CLBO)20,21,22, YCa4O(BO3)3 (YCOB)23,24, GdxY1-xCa4O(BO3)3 (GdYCOB)25,26, K2Al2B2O7 (KABO)27,28 et Ca5(BO3)3F 5 (CBF). Egalement, le tétraborate de lithium Li2B4O7 (LTB)29,30 a été signalé comme ayant un potentiel pour la génération de lumière UV en plus de ses applications dans les ondes acoustiques de surface (OAS). Eléments bibliographiques
Propriétés optiques des borates
Les propriétés optiques des cristaux à base de borate sont étroitement liées à la structure des groupes anioniques contenant le bore. L’atome de bore ayant la configuration électronique 1s2 2s2 2p1 (3 électrons de valence placés dans quatre orbitales de valence), peut s’hybrider pour créer des structures sp2 et sp3 . Les atomes de bore d’hybridation sp2 se lient à 3 atomes d’oxygène et forment des unités ou groupes [BO3] 3- de structure trigonale bidimensionnelle alors que les atomes d’hybridation sp3 en se liant à 4 atomes d’oxygène forment des structures tétraédriques tri-dimensionnelles d’unités [BO4] 5- . Ces deux groupes ([BO3] 3- , [BO4] 5- ) sont les unités structurales de base des différents cristaux de borates. Ils peuvent former des organisations particulières en anneaux tel que [B3O6] 3- , [B3O7] 5- … La figure I.1 présente un schéma de quelques groupements structuraux de borates31 . Figure I.1. Schématisation de diverses unités structurales des borates : (a) [BO3] 3- , (b) [B3O6] 3- , (c) [B4O9] 6- , (d) [BO4]5- , (e) [B3O7]5- . Comme les deux unités structurales de base sont non-centrosymétriques, la plupart des borates existants ne présentent pas de centre d’inversion et sont par conséquent utilisables pour des applications d’optique non linéaire du deuxième ordre. Le tableau I.1 présente les propriétés structurales et physiques de différents cristaux de borate . Eléments bibliographiques 15 Tableau I.1. Propriétés cristallographiques et physiques de différents cristaux de borates8 Cristaux Groupe d’espace Domaine de transparence [nm] Coefficient non linéaire [pm/V] Birefringence Δn GSH le plus court [nm] Unité structurale de base β-BaB2O4 (BBO) R 3c 190-3300 d11= 1,844 0,12 à 1064 nm 205 [B3O6] 3- LiB3O5 (LBO) Pna 21 160-2600 d31= 0,94 d32= 1,13 d33= 0,256 0,04 à 1064 nm 277 [B3O7] 5- CsB3O5 (CBO) P212121 167-3400 d14= 0,863 0,053 à 1064 nm 273 [B3O7] 5- KBe2BO3F2 (KBBF) R 32 155-3660 d11=0,8 ~0,072 à 589 nm 185 [BO3] 3- Sr2Be2BO7 (SBBO) P 63 155-3780 d15~2 ~0,062 A 589 nm 200 [BO3] 3- CsLiB6O10 (CLBO) I 42 d 180-2750 d36= 0,95 0,050 0 1064 nm 237 [B3O7] 5- Selon la théorie du groupe anionique les propriétés optiques non linéaires macroscopiques des matériaux telles que les coefficients ONL et l’absorption ou la transparence sont calculées en se basant sur les propriétés microscopiques des molécules. Les coefficients ONL des cristaux de borate dépendent de la contribution non linéaire intrinsèque Eléments bibliographiques 16 des liaisons B-O. Ils sont reliés à la susceptibilité non linéaire gouvernée par l’aptitude qu’ont les électrons pour réagir à l’influence d’un champ électrique externe. Les cristaux de borate construits sur l’unité de base [B3O6] 3- ont une susceptibilité non linéaire plus forte que les cristaux formés à partir des groupements anioniques [B3O7] 5- et [BO3] 3- . Ceci peut s’expliquer par le fait que le groupement [B3O6] 3- ayant une structure hexagonale plane, il possède le système π conjugué le plus fort offrant une grande polarisabilité des électrons et donc une forte susceptibilité non linéaire. Cependant, le seuil d’absorption UV des matériaux borates contenant l’unité [B3O6] 3- (par exemple BBO) est situé à une longueur d’onde plus longue que ceux construits à partir des groupes [B3O7] 5- tels que LBO, CBO, et CLBO du fait que les orbitales π conjuguées du plan [B3O6] 3- tendent à déplacer le seuil d’absorption UV vers le rouge33 . Le passage d’un des atomes de bore dans [B3O6] 3- de l’hybridation sp2 à l’hybridation sp3 correspond à la formation d’un groupe cyclique bidimensionnel [B3O7] 5- . Le système orbital π conjugué est donc affaibli entraînant une diminution de l’anisotropie (biréfringence) et une diminution de la susceptibilité non linéaire d’ordre 2. Ainsi, le seuil d’absorption UV est décalé de 160 à 170 nm. Le plus petit groupement anionique [BO3] 3- a la biréfringence la plus faible. Lorsque ses oxygènes terminaux se lient aux cations, le seuil d’absorption peut descendre dans l’UV. Le groupement [BO4] 5- , possédant une configuration spatiale tridimensionnelle, a la plus petite susceptibilité non linéaire parmi les différents groupements anioniques8 . Les susceptibilités non linéaires et les largeurs des bandes interdites des groupes anioniques sont donc classées comme suit35 : (2) [(B3O6) 3- ] ≈ (2) [(B3O7) 5- ] > (2) [(BO3) 3- ] >> (2) [(BO4) 5- ] avec (2) : susceptibilité non linéaire d’ordre 2. ΔEg [(BO4) 5- ] > ΔEg[(BO3) 3- ] ≈ ΔEg [(B3O7) 5- ] > ΔEg [(B3O6) 3- ] avec ΔEg : largeur de la bande interdite.
Techniques de croissance cristalline des borates
Le choix de la technique de croissance est conditionné par la nature et le type de fusion du cristal à élaborer. Le composé est dit à fusion congruente si la composition de la phase liquide et de la phase solide en équilibre sont identiques. Dans ce cas, la croissance peut être initiée directement à partir du matériau fondu par différentes techniques telles que la méthode de Czochraslki, Kyropoulos, Bridgman…… Le matériau peut aussi se décomposer Eléments bibliographiques 17 avant la fusion (décomposition péritectique) et celle-ci n’est donc plus congruente. La cristallogenèse de ce type de composés nécessite alors l’utilisation d’un flux (ajout d’un composé différent) afin d’obtenir, dans le nouveau système ainsi formé, un large domaine de cristallisation du matériau, situé à température inférieure à celle de décomposition et de cristalliser le matériau désiré. Dans les paragraphes suivants, nous décrivons les techniques les plus utilisées pour élaborer les cristaux de type borate. 1/ Méthode de tirage Czochralski La cristallogenèse par tirage Czochralski est une des méthodes industrielles les plus employées. Elle a été inventée par Jan Czochralski en 1916. Cette méthode permet d’obtenir des cristaux de grande dimension et de bonne qualité optique. Plusieurs matériaux à base de borate ont été élaborés par cette méthode tels que : ß-BaB2O4 39 , YCa4O(BO3) , La2CaB10O19 40…. Cette technique est adaptée pour les matériaux à fusion congruente. Dans cette méthode, la poudre source des cristaux est placée dans un creuset en platine (pour les matériaux ayant un point de fusion inférieur à 1500°C) ou en iridium (Tfusion=2446°C) et chauffée par induction jusqu’à fusion. Le creuset choisi doit être chimiquement inerte vis-à-vis du matériau fondu. Un germe monocristallin (ou à défaut une tige d’iridium), fixé sur une tige en alumine animée d’un mouvement de rotation et de translation, est amené au-dessus de la surface du bain fondu, avec lequel il est mis en contact. Le liquide remonte par capillarité le long du germe et reste accroché, créant ainsi une interface triple liquide/solide/gaz. Ensuite, le germe est tiré lentement (vitesse de rotation de l’ordre de 1mm/h) vers le haut pour obtenir un monocristal. Afin de limiter les pertes de chaleur et contrôler les gradients thermiques, des réfractaires enveloppent le creuset et le cristal au cours de la croissance (figure I.2). La technique Czochralski est adaptée à une grande diversité de matériaux. De plus, la croissance se passe en surface libre ce qui permet d’obtenir des cristaux de grande taille.
Introduction |