Élaboration d’un réseau cyclable fonctionne
La présente section vise à cibler les principes et paramètres qualitatifs et quantitatifs de base d’un réseau cyclable fonctionnel pour un large public, et trouver une méthode permettant d’en assurer la conception.
Cette section évolue selon l’ordre d’idées suivant :
– Une revue de la littérature scientifique et grise sur le réseau cyclable, qui se caractérise par une approche théorique et dont l’apport réside principalement dans une caractérisation qualitative d’un réseau cyclable fonctionnel, ainsi que le développement de méthodes d’évaluation du potentiel des infrastructures existantes à se voir intégrer une circulation de cycliste;
– Une revue de guides techniques et d’un plan vélo d’organisations nord américaines, qui se caractérisent par une approche généralement plus technique, pratique et méthodique, et qui sont susceptibles d’être consultés par les décideurs, planificateurs et concepteurs routiers québécois;
– Une revue des références en gestion, planification et conception d’infrastructures cyclables provenant des deux organisations qui se démarquent mondialement en matière de part modale du vélo : le Danemark et les Pays-Bas.
Réseau cyclable utilitaire fonctionnel dans la littérature
Un réseau cyclable fonctionnel possède les qualités permettant à un ensemble hétérogène de cyclistes de se déplacer et d’accéder à leurs destinations de façon pratique, en toute sécurité et de façon confortable.
Comme mentionné précédemment, aucune recherche abordant spécifiquement la fonctionnalité du réseau cyclable, au même titre que pour le réseau routier, n’a été trouvée dans le cadre de cette étude, autant en termes de planification, de conception que d’opérations. Plutôt que d’aborder le réseau cyclable par ce qui, d’un point de vue technique, le rend fonctionnel pour les cyclistes et dans le système de transport, un type de recherche plus générale tente de cibler les mesures provélo prises par les organisations où le vélo connaît une popularité significative ou bien, où le taux d’accident est bas, alors qu’un autre type de recherche s’est plutôt concentré à évaluer l’effet de certaines de ses caractéristiques sur le choix modal du vélo, la fréquence d’utilisation ou le taux d’accident. À cet effet, la littérature est large, diffère en méthodologies, possède des conclusions très contextuelles ou encore relatives à la population observée, et est subjectivement catégorisable, comme en témoignent trois revues de littérature largement citées (Buehler & Dill, 2016; Handy et al., 2014; Heinen et al., 2010).
Qualificatifs du réseau cyclable fonctionnel
Études sur les mesures provélo
Dans le cas d’études plus générales, l’exercice, conduit dans plusieurs cas, par des chercheurs ou des professionnels liés à des organisations où la part modale du vélo est basse (Buehler & Dill, 2016), se base généralement sur une comparaison des éléments liés au vélo dans les endroits où la part modale du vélo est haute vs où elle est basse. Cette démarche de recherche a mené à l’élaboration d’une liste de mesures provélo dites « clefs » (key), ainsi qu’à une caractérisation qualitative des éléments d’un réseau cyclable favorisant le vélo. Par exemple, dans une collaboration largement citée, Pucher et Buehler (2008) précisent que certaines villes de pays européens où le vélo est significativement populaire, soit Amsterdam et Groningen (Pays-Bas (27 %)), Copenhague et Odense (Danemark (18 %)) et Münster et Berlin (Allemagne (10 %)), ont doublé leur réseau cyclable utilitaire depuis les années 70, et en ont amélioré les aménagements, la qualité et l’entretien. Ils écrivent également : The bicycling networks in all these cities include numerous off-street short cut connections for cyclists between streets and traversing city blocks to enable them to take the most direct possible route from origin to destination. The result of such a wide range of facilities is a complete, integrated system of bicycling routes that permit cyclists to cover almost any trip either on completely separate paths and lanes or on lightly traveled, traffic-calmed residential streets. (Pucher & Buehler, 2008).
Cette observation révèle que, selon ces chercheurs, un réseau cyclable incitatif à l’usage du vélo chez un nombre significatif d’individus se définit comme un système possédant des caractéristiques quantitatives et qualitatives précises en lien avec l’accessibilité, l’efficacité, la connectivité et la sécurité des déplacements des cyclistes.
D’autres études soulèvent des caractéristiques similaires, complémentaires ou supplémentaires. Par exemple, dans une publication recensant différents projets en infrastructures cyclables entrepris aux Pays-Bas et au Danemark, van Goeverden, Nielsen, Harder, et van Nes (2015) soulignent :
Cyclists prefer:
– Direct routes,
– Connectivity; cyclists appreciate for instance coloured pavement that marks their route, No or minimal exposure to hindrance of motorized traffic. Cyclists prefer dedicated infrastructure, and routing through a traffic calming area is more appreciated than routing along a main arterial.
– Sufficient width of bicycle paths, depending on the traffic flow and on one- or bidirectional use,
– Smoothness and quality of pavement.
Études plus spécifiques à certaines caractéristiques
Certaines études se sont plutôt concentrées sur certaines caractéristiques spécifiques du réseau cyclable et leur influence dans le choix modal du vélo.
Dans leur revue de littérature, Heinen et al. (2010) citent plusieurs chercheurs ayant conclu que la densité du réseau cyclable, liée ou non à la forme urbaine et/ou à la perméabilité de la trame, favorise le vélo utilitaire en créant de courtes distances de parcours pour les cyclistes. D’ailleurs, selon les statistiques de 2010 du gouvernement néerlandais sur la part modale du vélo, 41 % des déplacements à vélo correspondent à des déplacements entre 1 et 2,5 km, 33 % correspondent à des parcours entre 2,5 et 5 km, et 23 % correspondent à des trajets entre 5 et 7,5 km. En revanche, selon une étude de cas sur cinq municipalités néerlandaises par van Goeverden et Godefrooij (2011), ce ne serait pas la distance à parcourir qui inciterait à l’utilisation du vélo par rapport à celle de l’automobile, mais plutôt le temps de parcours.
Des études ont tenté de comparer l’influence de certaines caractéristiques du réseau cyclable sur l’utilisation du vélo. Selon une analyse des réseaux cyclables de 74 municipalités américaines, la densité et la connectivité d’un réseau de voies cyclables réservées ont des effets positifs plus marqués sur une utilisation du vélo à des fins utilitaires que l’étendue de ce réseau (Schoner & Levinson, 2014). Une recherche réalisée sur Bogota par Cervero, Sarmiento, Jacoby, Gomez, et Neiman (2009) conclut pour sa part que la densité et la connectivité du réseau routier, ainsi que sa proximité aux voies cyclables (ciclovia) a un effet positif plus marqué sur l’utilisation du vélo à des fins utilitaires que la densité de l’aménagement du territoire. Similairement, une recherche menée dans 66 villes néerlandaises a également conclu en l’effet positif de la perméabilité du réseau de rues locales partagées sans circulation de transit et sans infrastructure cyclable réservée sur l’utilisation du vélo (Paul Schepers, Heinen, Methorst, & Wegman, 2013). Selon cette étude, environ 60% de la longueur des déplacements des cyclistes néerlandais en milieu urbain sont réalisés sur ces rues locales partagées de 30 km/h et moins, où il n’y a pas d’aménagements cyclables réservés, mais où la circulation véhiculaire de transit est faible. Dans un même ordre d’idées, dans leur revue de littérature, Buehler et Dill (2016, p. 3) déclarent : « revealed-preference studies from the USA and Canada indicate that roadways without separate cycling facilities accounted for 50–90 % of kilometers cycled and that most cyclists rode on roadways without separate facilities at least for parts of their trips ». Par ailleurs, la présence de voies cyclables permettant la circulation des cyclistes à contresens sur des rues à sens unique accroîtrait également la perméabilité du réseau cyclable, et l’efficacité du vélo face à celle de l’automobile, cependant qu’aucune étude ne conclurait en un effet positif de cet aménagement sur l’utilisation du vélo (Buehler & Dill, 2016).
INTRODUCTION |