Élaboration du programme de réflexion
Vu que l’élaboration d’un programme d’enseignement est un processus complexe qui dure plusieurs mois, et doit suivre plusieurs étapes avant d’être validé et valable, je n’ai pas élaboré ici un programme d’enseignement mais trois unités d’enseignement basées sur le programme de réflexion. Il s’agit des activités basées sur les habilités de réflexion d’ordre supérieur (l’analyse, l’évaluation et la synthèse). Dans cette optique, les sous- habiletés d’expression orale sont considérées comme des objectifs à atteindre à travers une méthode d’enseignement. Pour autant, avant de montrer la façon utilisée pour élaborer les trois unités d’enseignement, il convient de préciser certaines définitions autour desquelles une typologie comparatiste peut être établie. Une connaissance se construit généralement selon une modalité de cumul d’expériences empiriques en fonction d’un besoin ou d’une problématique (Blanchet, 2011 : 10) : elle résulte d’un traitement cognitif de ce cumul d’expériences en utilisant explicitement certains outils d’analyses. Elle s’apprend et se manifeste lors de sa mise en œuvre (Richer, 2012 : 73). De plus, elle ne se réduit pas à un corpus de connaissance ou de savoir-faire, elle désigne plutôt un savoir-faire, un savoir-être et un savoir-agir basés sur une connaissance (Scallon, 2004 : 104).Le manuel scolaire se définit traditionnellement comme un outil imprimé, intentionnellement structuré pour s’inscrire dans un processus d’apprentissage, en vue d’en améliorer l’efficacité (Gerard et Roegiers, 2009 : 10). À cet égard, le manuel scolaire sert essentiellement à transmettre des connaissances en possédant également une fonction de véhiculer, implicitement ou explicitement, les valeurs sociales et culturelles d’une société. Or, la réalisation d’un manuel scolaire a quatre fonctions principales (Chopin, 2005 : 39- 40) :
Le manuel scolaire ne peut donc pas être considéré comme un programme d’étude, mais plutôt comme une sorte d’indicateur intermédiaire : les programmes prescrits déterminent généralement le contenu des manuels qui influencent les pratiques des enseignants et conditionnent fondamentalement les apprentissages des élèves (voir figure 17) : le manuel parle à la fois à l’enseignant et à l’élève. Cependant, il parle plus à l’enseignant qu’à l’élève (Vargas, 2006 : 22). Quant au terme « curriculum », auparavant, il n’était pas utilisé de la même façon qu’aujourd’hui (Wiles, 2009 : 2) : les spécialistes dans le domaine du curriculum ne se sont pas mis d’accord sur une définition pour ce terme. Certains le considéraient, selon Wiles, comme une ou des séries de matières scolaires, d’autres comme un ensemble des expériences scolaires. En revanche, ce terme est aujourd’hui considéré comme un plan d’étude lié aux objectifs et aux méthodes. En ce sens, le curriculum est une construction qui exige des prises en compte de l’enseignement et de l’apprentissage effectif des apprenants et des conditions réelles de mise en œuvre dans les écoles. Il est une construction plus large que le programme d’enseignement : le curriculum assure une cohérence externe entre les différents niveaux des fonctions éducatives (objectifs à atteindre, manuels scolaires, évaluations, examens, etc.) et une cohérence interne entre les différents niveaux disciplinaires (Forquin, 2008 : 73-74). Curriculum fait donc référence à la dimension cognitive et culturelle de l’enseignement. C’est pourquoi, je préfère, dans cette étude, utiliser le terme « curriculum » parce que « curriculum » est didactiquement plus cohérent que le terme de « programme d’études ». Cette préférence se réfère au fait que cette étude vise à développer des sous-habiletés socioculturelles qui sont, selon l’hypothèse de cette étude, inséparables des habiletés d’expression orale.
Programme de réflexion « thinking curriculum »
En 1989, et grâce à Resnick qui est spécialisée en science cognitive, le terme de « thinking curriculum » commence à être utilisé. Dans son livre « Education and learning to think », Resnick estime que la méthode de «out-of-school learning » ou (l’apprentissage hors de l’école) est très bénéfique pour les élèves. Cette méthode vise à développer chez les apprenants les capacités de réflexion en faisant des liens entre ce que l’on apprend à l’intérieur de l’école et ce que l’on peut appliquer dans la vie quotidienne. Les expériences de « out-of-school learning » peuvent être organisées en partenariat avec des communautés culturelles (musées, cinémas, exposés, etc.). En fait, l’objectif de « out-of-school learning » est de développer chez les élèves les habiletés de réflexions d’ordre supérieur « higher order skills » qui se définissent, selon Resnick (1987 : 3),