Efficacité, solidarité et croissance quelles remises en cause des principes et effets de la mise en réseau de l’urbain

Efficacité, solidarité et croissance quelles remises en cause des principes et effets de la mise en réseau de l’urbain

“New infrastructural territorialities are emerging as discursive ideals, material constructions and situated practices. Tracing their emergences as indissociably socio-technical, critically analyzing their rationales, modalities and outcomes, and (thus) unsettling (and repoliticizing) pre-conceived notions of the changes they can contribute to is one of the key tasks for urban studies in the years to come.” Les synergies énergétiques urbaines apparaissent tant comme une vision idéelle d’une des formes que pourraient prendre les systèmes énergétiques urbains que comme une réalité matérielle que l’on trouve déjà mise en œuvre dans des opérations concrètes. Bien sûr, l’une et l’autre ne sont pas indépendantes et chacune pèse dans le processus d’évolution que nous cherchons à caractériser. Comment alors rendre compte de cet ensemble de manière convaincante sans se perdre dans sa grande complexité ? L’objectif de ce chapitre est de proposer une réponse à cette question en mobilisant et discutant les résultats généraux des différents travaux dans la lignée desquels nous nous sommes placée. Ainsi, en premier lieu, nous construisons un jeu de trois hypothèses en confrontant les travaux d’analyse sociotechnique des transitions énergétiques et d’écologie industrielle à notre objet de recherche (I). En second lieu, nous y montrons que nous souhaitons développer une approche en deux temps qui commence par l’analyse approfondie d’un petit nombre d’études de cas de synergies existantes, cœur de la recherche, et termine par la construction d’une vision plus globale des modèles d’évolution des réseaux que proposent les acteurs de la fabrique des systèmes énergétiques urbains (II).

Du réseau centralisé aux synergies : trois hypothèses d’évolution du rapport entre villes et réseaux

Reprenons les réseaux là où nous les avions laissés. Lorsqu’ils sont grands et centralisés, nous avons vu que la littérature leur prête différentes caractéristiques dans leurs rapports au territoire. D’abord, la forme du réseau est justifiée par son efficacité technico-économique à fournir un service homogène sur un territoire. Ensuite, la mise en lien qu’il produit aurait pour effet de solidariser le territoire. Enfin, les stratégies qui gouvernent leur évolution sont guidées par un principe de croissance des consommations et par l’extension ou l’intensification territoriale. Le Tableau 3.1 ci-dessous récapitule ces résultats, qui sont repris pour chacun en début des sections de cette partie. Puisque c’est un changement de ces rapports que nous souhaitons interroger, la thèse se propose de remettre ces caractéristiques en question. Dès lors, il s’agit de s’interroger sur trois plans au regard de la littérature existante et sous la forme d’hypothèses de recherche : quelles sont les logiques qui sous-tendent la mise en réseau (A) ? Quels effets a-t-elle sur le fonctionnement du territoire (B) ? Quels principes guident son évolution (C) ? Au terme de ces réflexions, nous proposons une synthèse de l’appareillage problématique et hypothétique de la thèse (D).

Nous avons vu que les fondements de la construction des grands réseaux centralisés se placent dans le registre de l’universalisation. La pensée qui prévaut à leur développement est en effet celle d’offrir un service homogène sur l’ensemble d’un territoire donné, la forme réticulaire centralisée permettant alors des économies d’échelle et d’envergure qui justifient son développement par des arguments d’efficacité technico-économique (Curien, 2000 ; Hughes, 1993). La forme réseau serait ainsi la plus efficace pour amener un même service à l’ensemble des habitants d’un territoire et une forte intervention publique appuie son développement (Coutard et Pflieger, 2002). En somme, les arguments avancés sont avant tout technico-économiques et suivent la perspective de fourniture d’un service universel gouverné par la puissance publique. Or, la particularité des synergies énergétiques urbaines, telles que nous les avons définies, est de mettre directement en lien des activités qui n’appartiennent pas au secteur des services urbains. Ainsi, des systèmes sociotechniques et des acteurs très hétérogènes qui ne sont ni des opérateurs dont il s’agirait du cœur de métier, ni des acteurs publics qui en sont garants sont mis en relation au travers de circulations d’énergie. Nous pouvons donc aisément supposer que l’universalité du service n’est pas ce qui motive leur implication dans l’assemblage sociomatériel qu’est la synergie et ainsi leur mise en réseau. Dès lors, se pose la question de s logiques qui fonderaient ou non leur intérêt pour les synergies.

 

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