Effets du traitement combiné par toxine botulique et
rééducation assistée par Lokomat sur la marche chez des patients en phase chronique d’AVC
INTRODUCTION
L’AVC est la première cause de handicap au monde. En France, 150 000 personnes sont victimes d’un AVC tous les ans, et on estime à 750 000 le nombre de survivants . Les patients gardent un handicap à la marche dans 45 à 65% des cas3 . Celui-ci est fréquemment engendré par une exacerbation du tonus musculaire physiologique appelée spasticité, liée à une lésion des voies pyramidales. Elle s’installe chez 17 à 38% des patients dans la première année suivant leur AVC4 . L’une de ses conséquences les plus fréquentes est le pied varus équin spastique lié à une spasticité focale du triceps sural, souvent responsable d’un accrochage à la marche. Le principal traitement de la spasticité focale est l’injection intramusculaire de toxine botulique de type A (BONT-A), classiquement réalisée sous contrôle électromyographique ou échographique. Ce traitement a prouvé son efficacité et sa sécurité d’emploi (Grade A selon la Haute Autorité de Santé) 5 et est largement utilisé en pratique clinique quotidienne. En soins courants, il est de pratique usuelle d’associer après traitement par BONT-A, lors du pic d’efficacité, une rééducation intensive afin d’en potentialiser le gain. Afin de lutter contre le handicap à la marche post-AVC, une rééducation spécifique est indiquée6 . Les méthodes modernes favorisent les approches répétitives orientées vers une tâche.7 8 Il a été montré qu’une rééducation plus intensive (avec un plus grand nombre de répétitions du cycle de marche) produit de meilleurs résultats pour les patients atteints d’AVC.9 10 Les dispositifs d’assistance robotisée à la marche tels que les exosquelettes robotisés associent un entraînement en décharge du poids du corps sur tapis roulant et un système de guidage des membres par des orthèses motorisées. En permettant un effort modulé pour chaque patient, ces systèmes peuvent permettre ce type de rééducation (intensive et orientée vers une tâche) avec des répétitions plus importantes du cycle de marche qu’une kinésithérapie conventionnelle chez des patients fortement limités dans leur périmètre de marche11. Parmi ces dispositifs, on compte le Lokomat (Hocoma AG, Zurich, Switzerland). La méta-analyse de la Cochrane12 retrouvait ainsi une supériorité significative des exosquelettes combiné à une rééducation par kinésithérapie versus une kinésithérapie simple (pour le même temps total de rééducation) dans les AVC en phase subaiguë c’est-à-dire à moins de 3 mois de l’évènement initial. Les patients avaient deux fois plus de chances d’être indépendants d’une aide humaine à la marche s’ils avaient bénéficié d’un dispositif de rééducation robotisé par exosquelette. Il n’y avait pas de différence significative pour les 3 AVC en phase chronique ou sur les paramètres spatio-temporels de marche. Concernant un traitement combiné par BONT-A et exosquelette robotisé du membre inférieur, il n’existe à notre connaissance qu’une seule étude qui se soit intéressée à cette association13, qui retrouvait une amélioration significative de la distance parcourue au test de marche de 6 minutes. Nous formons l’hypothèse qu’un traitement combiné par BONT-A dans le triceps sural et Lokomat serait supérieur à un traitement combiné par BONT-A et kinésithérapie conventionnelle à la marche, sur les gênes fonctionnelles causées par le pied varus équin spastique, chez les patients présentant une hémiparésie spastique dans les suites d’un AVC en phase chronique (à plus de 6 mois de l’évènement initial). Pour cela, nous avons conçu une étude prospective, ouverte, randomisée en deux bras parallèles selon un schéma séquentiel avec période de wash-out afin de comparer d’une part la supériorité des deux traitements et d’autre part le timing optimal pour la réalisation de cette rééducation intensive (précocement ou au pic d’efficacité connu du traitement par BONT-A). Dans cet objectif, nous avons donc réalisé une série de cas préliminaires afin d’étudier précisément les effets du traitement combiné en fonction des phénotypes des patients.
MATERIEL ET METHODES
Nature de l’étude et recrutement Il s’agit d’une série de cas. Les critères d’inclusion étaient : sujets adultes âgés de plus de 18 ans et moins de 80 ans ; présentant une hémiparésie droite ou gauche secondaire à un seul AVC hémisphérique unilatéral à plus de 6 mois de sa survenue, de nature ischémique ou hémorragique ; présentant une spasticité focale du triceps sural gênante à la marche justifiant d’un traitement local de la spasticité par BONT-A et ayant déjà bénéficié au cours de leur vie de ce même traitement. Par souci éthique, aucun patient ne pouvait être soumis à une injection expérimentale de BONT-A dans le cadre de l’étude. Les critères de non-inclusion étaient : impossibilité de marcher 6 minutes avec ou sans aide technique (test de marche de 6 minutes non réalisable) ; impossibilité d’obtenir un consentement éclairé ; première injection de toxine botulique dans le cadre de l’étude ; 4 spasticité supérieure ou égale à 4/5 sur l’échelle d’Ashworth modifiée sur le triceps sural ou le quadriceps (risquant de bloquer le fonctionnement de l’exosquelette) ; toute contre-indication à l’effort notamment affection cardiaque ou respiratoire non stabilisée ; toute contreindication à l’utilisation du Lokomat : lésions cutanées entrant en conflit avec les sangles, fracture récente (< 3mois) non consolidée, atteinte sévère de l’équilibre du tronc ne permettant pas une posture correcte dans le Lokomat, poids > 135kg, volet crânien intraabdominal. Les critères d’exclusion étaient : survenue d’un effet indésirable sévère ou d’une pathologie intercurrente nécessitant l’arrêt du protocole ; modification posologique d’une thérapeutique antispatique. Le recrutement a eu lieu de manière unicentrique dans le service de médecine physique et de réadaptation pour adultes de l’Hôpital universitaire de la Timone (Marseille, France). Il a eu lieu de manière prospective sur 6 mois, de février 2019 à juillet 2019. Les critères d’inclusion des dossiers des patients programmés pour injection de BONT-A ont été systématiquement vérifiés. Les patients éligibles répondant à ces critères étaient alors contactés par téléphone par un investigateur, leur proposant de participer à l’étude. Ils disposaient alors d’un délai de réflexion de plusieurs jours avant le rendez-vous programmé d’injection de BONT-A. Le jour du traitement, si le patient était toujours favorable à l’étude, l’inclusion avait lieu. Le patient recevait la notice d’information et signait le formulaire de consentement éclairé. Paramètres étudiés Les paramètres étudiés avaient pour objectif d’étudier plusieurs aspects fonctionnels de la marche. Pour évaluer l’endurance, nous avons choisi la distance au test de marche de 6 minutes (TM6) exprimée en mètres, ainsi que la vitesse calculée à partir de celui-ci (que nous appellerons « vitesse en endurance ») exprimée en mètres/seconde. Pour évaluer la marche à vitesse usuelle, nous avons choisi le temps au test de marche de 10 mètres (TM10) exprimé en secondes, ainsi que la vitesse calculée à partir de celui-ci (que nous appellerons « vitesse confortable ») exprimée en mètres/seconde. Pour chacun de ces deux tests les vitesses étaient calculées à partir des données brutes de manière à faciliter les comparaisons et l’interprétation des résultats. Pour évaluer l’équilibre dynamique, nous avons choisi le temps au Timed up and Go Test (TUGT) exprimé en secondes.
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