Effets des ensemencements sur l’alimentation et la croissance de l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis)

Plusieurs stocks de poissons sont dans une situation critique actuellement partout à travers le monde (Beddington et al., 2007; Dunham, 2011; Ogutu-Ohwayo, 1990; Paul G Fernandes et Cook, 2013). Le dépassement du seuil de rendement maximal durable et la diminution de la productivité rendent l’industrie de la pêche vulnérable. (Dunham, 2011). Tant au niveau de la pêche commerciale que de la pêche sportive, des mesures ont été prises pour pallier la diminution des stocks de poissons. Le suivi des stocks et l’application du principe de précaution sont parmi les solutions proposées pour la pêche commerciale (MPO, 2013). Pour la pêche sportive, l’ensemencement est une méthode souvent utilisée pour faire face à la demande croissante des pêcheurs et à la diminution de la productivité (MFFP, 2013). Cette pratique peut toutefois engendrer des impacts négatifs qui n’améliorent pas nécessairement le sort de cette industrie à long terme.

Au Québec, le poisson le plus touché par les ensemencements est l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) (MFFP, 2013). Cette espèce est très prisée par les pêcheurs sportifs, entre autres, pour sa combativité et la qualité de sa chair. Victime de son succès, approximativement 5 millions d’ombles de fontaine adultes sont ensemencés au Québec chaque année pour supporter la pêche sportive (MDDEFP, 2013). Les réserves fauniques et les zones d’exploitation contrôlée établissent des plans d’ensemencement de mise en valeur pour maintenir les succès de pêche stables. Les plans actuels suivent des lignes directrices prônant la conservation des écosystèmes (MRNF, 2008). En contrepartie, cette pratique n’est pas encore soumise à une stratégie de gestion uniformisée et établie à travers le Québec, malgré les impacts négatifs potentiels que pourraient avoir ces ensemencements (MFFP, 2013). L’établissement d’une telle stratégie de gestion des ensemencements doit être appuyé sur des connaissances scientifiques qui représentent le portait actuel de ladite ressource et les impacts potentiels des mesures mises en place sur cette dernière. Les connaissances actuelles ne permettent pas d’évaluer de façon globale l’impact des ensemencements sur cette espèce. Des connaissances supplémentaires sont donc nécessaires pour mieux refléter la situation actuelle de la ressource au Québec.

Les ensemencements impliquent l’introduction de poissons de souche domestique issus des piscicultures (MFFP, 2013). Des études ont montré que l’ensemencement de poissons élevés en pisciculture avait un impact négatif sur les populations sauvages de salmonidés (Allendorf, 1991; Lamaze et al., 2013; Marie et al., 2010; Milot et al., 2012; Valiquette et al., 2014). Au niveau génétique, Marie et al. (2010) et Valiquette et al. (2014) ont montré que l’introduction de poissons issus de piscicultures diminuait la différentiation et l’intégrité génétique des populations sauvages, ce qui diminue leur capacité d’adaptation au milieu. Au niveau physiologique, l’interaction entre les populations sauvages et domestiques diminuent l’aptitude phénotypique (fitness) qui se traduit par une réduction de la survie, de la croissance, du succès reproducteur et de la compétitivité des poissons (Allendorf et al., 2001; Dewald et Wilzbach, 1992; Fausch et White, 1986; Griffith Jr, 1972; Harvey et Nakamoto, 1996; McGinnity et al., 2003; Mesa, 1991; Milot et al., 2012; Peery et Bjornn, 1996). La réduction de la compétitivité se manifeste par la perte de la capacité à gagner des combats (Griffith Jr, 1972; Mesa, 1991), occuper des habitats favorables (Fausch et White, 1986; Griffith Jr, 1972; Peery et Bjornn, 1996), prendre de la masse (Dewald et Wilzbach, 1992; Harvey et Nakamoto, 1996) et survivre (Kocik et Taylor, 1994).

Les spécimens ont été prélevés lors de trois campagnes d’échantillonnage. Les deux premières ont eu lieu en juin 2007 et 2008 dans les réserves fauniques de Portneuf et Mastigouche. Les quatre lacs ont été échantillonnés et 174 ombles ont été capturés en 2007 et 189 en 2008. La troisième campagne a eu lieu en mai 2014 dans les lacs Méthot et Des Amanites et un total de 121 spécimens ont été capturés. En considérant toutes les campagnes, 484 ombles de fontaine ont été prélevés pour le projet. Les poissons ont été capturés grâce à des filets maillants expérimentaux selon le protocole d’échantillonnage normalisé du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MRNF, 2011). Chaque filet maillant était composé de six panneaux de 3.8 mètres (m) de longueur et 1.8 m de hauteur contenants des mailles de 6 tailles différentes . Les filets maillants étaient installés simultanément perpendiculaires à la rive en gardant les mailles plus fines près de la rive. En 2007 et en 2008, le poids et la longueur standard ont été mesurés alors qu’en 2014, le poids et la longueur totale ont été utilisés. Pour les trois campagnes, les poissons étaient congelés entiers après échantillonnage pour en faire une analyse approfondie ultérieurement. Un indice de proportionnalité a été utilisé pour convertir les longueurs standards en longueur totale (Carlander, 1977) .

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ANALYSE EN LABORATOIRE

IDENTIFICATION GÉNÉTIQUE

Une portion de muscle dorsal de 1 cm³ a été prélevée sur chaque spécimen pour l’analyse génétique. L’identification génétique a eu lieu à l’Université Sherbrooke. La méthode d’identification génétique décrite dans Gossieaux et al. (2018) a été utilisée. Les allèles des individus capturés ont été comparés aux allèles témoins d’un omble de fontaine issu de pisciculture. Les résultats étaient exprimés en pourcentage de correspondance entre l’échantillon et le témoin. Les poissons ayant obtenu des pourcentages entre 0% et 15% étaient considérés sauvages, ceux entre 15% et 85%, des hybrides issus d’une reproduction en milieu naturel entre un individu sauvage et un individu ensemencé et ceux entre 85% et 100%, ensemencés. Certaines souches croisées d’ombles ensemencés (croisement de gamètes d’individus sauvages et domestiques) ont pu être identifiées comme étant hybrides.

NICHES ALIMENTAIRES ET NIVEAU TROPHIQUE

Un second échantillon de chair dorsale a été extrait des ombles de fontaine pour déterminer leur niche alimentaire et leur niveau trophique grâce à l’analyse des isotopes stables. Pour chaque lac, les échantillons de zooplancton ont été triés au genre et Daphnia sp. a été utilisé comme consommateur primaire. Les échantillons de chair et de zooplancton ont été séchés à 60°C pendant 48 heures. Un mortier et un pilon ont été utilisés pour réduire les échantillons séchés en poudre. Les échantillons de poudre ont été encapsulés dans des capsules d’étain (5 × 9 mm). La masse de matière sèche encapsulée était de 1 ± 0,005 mg. Trois réplicas de zooplancton ont été utilisés pour chaque lac.

ANALYSE DES OTOLITHES

Les deux otolithes sagittaux ont été extraits, nettoyés et séchés. L’otolithe droit de chaque spécimen a été incorporé dans de la résine transparente. Une scie à diamant a été utilisée pour scier des tranches transversales des otolithes au niveau de leur noyau préalablement marqué sur la résine. Les sections transversales ont été polies à l’aide de papier 200 à 1000 μm. Les structures calcifiées ont été analysées grâce à un microscope stéréoscopique (Leica MZ7.5) sous lumière transmise. Des images calibrées ont été prises avec une caméra (Leica DC300 FX) montée sur le microscope et reliée à un ordinateur. L’estimation d’âge a été réalisée à l’aide du logiciel d’analyse d’image TNPC (Traitement Numérique des Pièces Calcifiées, www.tnpc.fr). La largeur des otolithes a été mesurée sur l’axe dorsoventral et le rayon de lecture a été fixé du noyau jusqu’à la bordure de la section dorsale de l’otolithe .

Table des matières

1. INTRODUCTION
2. MATÉRIEL ET MÉTHODES
2.1. AIRE D’ÉTUDE
2.2. ÉCHANTILLONNAGE
2.3. ANALYSE EN LABORATOIRE
2.3.1. IDENTIFICATION GÉNÉTIQUE
2.3.2. NICHES ALIMENTAIRES ET NIVEAU TROPHIQUE
2.3.3. ANALYSE DES OTOLITHES
2.4. ANALYSES STATISTIQUES
2.4.1. NICHES ALIMENTAIRES ET NIVEAU TROPHIQUE
2.4.2. CROISSANCE
3. RÉSULTATS
3.1.1. NICHES ALIMENTAIRES ET POSITION TROPHIQUE
3.1.2. CROISSANCE
4. DISCUSSION
4.1.1. NICHES ALIMENTAIRES ET POSITION TROPHIQUE
4.1.2. CROISSANCE
4.1.3. RECOMMANDATIONS POUR LA GESTION
CONCLUSION

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