Formation enzymes exogènes (Xylanases), tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
Effets de la xylanase en production porcine
La littérature scientifique déborde d’informations concernant l’utilisation d’enzymes dans l’alimentation des animaux d’élevage et la xylanase n’en fait pas exception. En effet, on rapporte plusieurs répercussions de la xylanase, entre autres, sur la viscosité intestinale, la digestibilité des fibres et de l’énergie, son effet sur les performances de croissance des porcs, la digestion et l’absorption des AA, du calcium, du phosphore et des lipides ainsi que son interaction avec la phytase et ses effets prébiotiques. Les sections suivantes ont pour but d’approfondir chacun de ces aspects afin de faire une synthèse de l’information existante sur les effets observés de la xylanase chez le porc en croissance qui, malgré tout, ne sont pas très bien connus.
Viscosité intestinale
Comme il a été mentionné dans la section 1.3.3 Propriétés des fibres alimentaires, certains ingrédients peuvent augmenter de la viscosité du digesta ce qui diminue la digestibilité du bolus alimentaire. Bien que la viscosité intestinale soit plus dommageable chez les espèces aviaires que chez le porc, ce dernier peut tout de même en ressentir les méfaits. Afin de contrer les effets néfastes de la viscosité, il est possible d’ajouter de la xylanase à la ration alimentaire. Cependant, les porcs qui reçoivent une alimentation supplémentée en xylanase ne montrent pas une amélioration constante de la digestibilité et des performances de croissance comme c’est le cas chez la volaille. Ces différentes réponses aux carbohydrases entre les deux espèces peuvent être dues notamment aux particularités distinctes de leur système digestif (Partridge, 2000).
Toutefois, les résultats observés chez les espèces aviaires montrent bien qu’une hydrolyse partielle des carbohydrates des parois cellulaires, suite à l’ajout de xylanase dans l’alimentation, pourrait être suffisante afin de diminuer la viscosité du substrat. C’est entre autres pour cette raison que l’ajout de xylanase chez les poulets est efficace (Bedford et Partridge, 2010). Chez le porc, une étude de Zijlstra et al. (2004) a montré une diminution de 30 % de la viscosité du digesta dans la partie terminale du petit intestin en réponse à l’ajout de 0,4 % de carbohydrases dans une ration à base de blé et de tourteau de canola. Comme un petit changement de viscosité peut avoir une influence importante sur les effets antinutritionnels engendrés (Fengler et Marquardt, 1988; Bedford, 2002), cette diminution peut en partie expliquer l’augmentation des performances de croissances observée dans cette expérience. De plus, la diminution de la viscosité peut augmenter le taux de passage du bolus alimentaire et influencer à la hausse la CMJ des animaux, ce qui augmente le potentiel de croissance (Cadogan et al., 2003; Barrera et al., 2004; Zijlstra et al., 2004; Kiarie et al., 2012; Cho et al., 2016; Lu et al., 2016).
Digestibilité de l’énergie et des fibres
Dans la littérature, les effets de la xylanase sur la digestibilité de l’énergie et des fibres sont disparates et de nombreuses études échouent à montrer une amélioration de la DIA des composants nutritionnels. De manière générale, suite à l’ajout de carbohydrases dans un aliment à base de céréales visqueuses, on observe une augmentation de l’ATTD des fibres ADF et NDF (Atakora et al., 2011) ainsi que la DIA des NSP (Yin et al., 2000b; Pedersen et al., 2015b), de la fibre NDF et de l’énergie (Yin et al., 2001). À titre d’exemple, Pedersen et al. (2015b) a observé une diminution allant jusqu’à 25 % de la quantité de NSP solubles au niveau de l’iléon distal chez le porc en croissance après l’ajout de xylanase à une ration composée de DDGS de blé. De plus, l’ajout de xylanase peut augmenter la DIA et parfois l’ATTD de l’énergie et de la matière sèche (Yin et al., 2000b; Nortey et al., 2007; Nortey et al., 2008; Emiola et al., 2009; Kiarie et al., 2012).
Les rations comprenant des céréales visqueuses ou ingrédients alternatifs offrent à l’enzyme un contenu riche en fibres NSP qui sont de bons substrats d’hydrolyse. Ainsi, une fois les liens β1-4 hydrolysés par l’enzyme, le contenu interne des cellules végétales est accessible par les enzymes digestives endogènes, ce qui permet l’absorption de l’énergie et des nutriments par l’animal (Yin et al., 2000b; Diebold et al., 2004; Nortey et al., 2008). Cependant, l’augmentation de la dégradation de la fibre n’induit pas systématiquement une augmentation de la digestibilité de l’énergie (Woyengo et al., 2008; Atakora et al., 2011). Par ailleurs, la xylanase et autres carbohydrases n’ont que peu ou pas d’impact sur la digestibilité de l’énergie des aliments peu fibreux ou pour ceux ayant une faible spécificité substrat-enzyme, comme la DDGS de maïs ou de blé (Zijlstra et al., 2004; Olukosi et al., 2007; Emiola et al., 2009; Widyaratne et al., 2009; Ao et al., 2010; Atakora et al., 2011; Yáñez et al., 2011; Pedersen 2015a et b; Casas et Stein, 2016).
Dans certains cas, l’augmentation de la DIA de l’énergie, de la matière organique ou des fibres alimentaires (et NSP) ne se traduit pas par une augmentation de l’ATTD (Widyaratne et al., 2009). La constance dans l’ATTD de l’énergie est due au fait que l’ajout d’enzyme à l’aliment n’affecte pas l’utilisation des composants nutritionnels faite par les microorganismes du gros intestin (Pedersen et al., 2015b). Ainsi, comme le microbiote s’adapte à la quantité de substrat disponible, la composition des fèces demeure inchangée. Toutefois, cela ne signifie pas que le bilan métabolique de l’animal est le même, car la digestion par les enzymes endogènes peut être plus efficace pour l’animal que la fermentation microbienne.
Performances de croissance des porcs
Bien qu’il puisse y avoir une augmentation significative de la digestibilité de la fibre et de l’énergie avec l’ajout d’enzymes exogènes à l’aliment, cela n’entraîne pas systématiquement une hausse des performances de croissance chez le porc. Pour que l’enzyme puisse augmenter les performances des animaux, elle doit être en mesure d’agir sur le substrat (spécificité) afin de libérer des nutriments et de l’énergie supplémentaires ou de diminuer la viscosité du digesta (désencombrement du tractus digestif). Toutefois, ces changements doivent être suffisamment importants pour faire une différence sur le métabolisme de l’animal et subséquemment, entraîner un gain d’efficacité alimentaire, de consommation ou de croissance. Comme énoncé précédemment, une amélioration de la digestibilité de la fibre et de l’énergie n’est pas toujours observée suite à l’ajout de xylanase, et même si c’est le cas, rien n’assure qu’elle se traduise en amélioration des performances. C’est entre autres pour cela que les effets répertoriés de la xylanase sur les performances de croissance des porcs sont inconsistants.
En effet, la littérature scientifique montre des effets contradictoires de la xylanase sur les performances et l’efficacité des porcs en croissance, passant d’une amélioration marquée à un effet inexistant ou encore une détérioration des performances. Le Tableau 1.2 est un récapitulatif des effets de l’ajout de carbohydrases sur la CMJ, le GMQ et l’efficacité alimentaire des porcs tirés de plusieurs études. Comme ces études diffèrent entre elles à de nombreux niveaux, les comparaisons sont plutôt difficiles, mais il est tout de même possible d’en tirer certaines observations générales.
Tout d’abord, certains auteurs n’observent aucun changement significatif des performances de croissance des porcs après à l’ajout de carbohydrases à l’aliment (Barrera et al., 2004; Kim et al., 2005; Feoli et al., 2006; Olukosi et al., 2007; Woyengo et al., 2008). L’absence de réponse des animaux peut difficilement être expliquée par un niveau insuffisant de fibre puisqu’Ao et al. (2010) et Lu et al. (2016) ont montré une augmentation des performances de croissance suite à l’ajout de carbohydrases dans des aliments à faible teneur en fibres (maïs-grain et tourteau de soya). Cependant, l’absence de changement des performances des animaux peut être due à la faible spécificité enzyme-substrat. Notamment, Widyaratne et al. (2009) a observé une interaction entre la xylanase et le blé, mais pas avec la DDGS malgré des niveaux de fibres plus élevés, ce qui témoigne bien de l’importance de la spécificité de l’enzyme à son substrat. Toutefois, une enzyme active et adaptée au substrat n’assure pas une amélioration des performances puisque l’impact métabolique de l’enzyme peut ne pas être assez puissant. En effet, plusieurs auteurs ont observé une amélioration de la digestibilité des composants nutritionnels et de l’absorption des nutriments, mais sans pouvoir l’associer à une augmentation des performances de croissance de ces animaux (Barrera et al., 2004; Widyaratne et al., 2009; Kiarie et al., 2012).
À l’encontre de ce qui précède, d’autres études ont signalé une amélioration de l’efficacité alimentaire, du GMQ ou de la CMJ (Omogbenigun et al., 2004; Zijlstra et al., 2004; Nortey et al., 2007; Emiola et al., 2009; Widyaratne et al., 2009; Ao et al., 2010; Hanczakowska et al., 2012; Kiarie et al., 2012; Cho et al., 2016; Lu et al., 2016). Encore une fois, les études sont difficilement comparables entre elles, mais il est possible d’en faire quelques déductions. Tout d’abord, une augmentation de la CMJ est particulièrement observée chez les jeunes animaux (Zijlstra et al., 2004; Kiarie et al., 2012; Cho et al., 2016; Lu et al., 2016), ce qui pourrait indiquer que les enzymes diminuent la viscosité, le temps de passage et l’encombrement stérique du tube digestif. Comme la capacité du tube digestif est souvent limitante à la consommation et que l’encombrement stérique est lié de manière intrinsèque au sentiment de satiété, sa diminution pourrait augmenter la consommation des jeunes porcs (Kiarie et al., 2012). D’autres auteurs ont plutôt noté une diminution de la CMJ des porcs en croissance (Nortey et al., 2007; Widyaratne et al., 2009). Selon leurs hypothèses, le fait que la xylanase diminue la consommation, mais n’affecte pas le GMQ peut indiquer que la réduction de l’ingestion est balancée par l’augmentation de la digestibilité (Widyaratne et al., 2009). Ainsi, une augmentation de l’énergie digestible de l’aliment diminuerait l’ingestion d’aliments des animaux (Nortey et al., 2007).
Par ailleurs, il est aussi possible d’observer dans certains cas une amélioration de l’efficacité alimentaire ou de la CMJ pour une période de temps restreinte, c’est-à-dire pour la ou les premières semaines après l’ajout d’enzymes à la ration (Kim et al., 2005; Kiarie et al., 2012; Cho et al., 2016). Une hypothèse à ce phénomène serait que la xylanase permettrait de compenser les effets néfastes de la consommation de fibres durant la période d’adaptation de l’animal. Une fois que le tractus digestif et son microbiote se sont adaptés (Castillo et al., 2007; Urriola et Stein, 2012), l’ajout de xylanase ne semble plus nécessaire pour compenser la diminution d’efficacité alimentaire due aux fibres alimentaires.
Bien que les études sur les impacts de l’ajout de carbohydrases sur les performances de croissance des porcs soient relativement nombreuses, il est encore difficile pour le moment d’établir une ligne directrice d’utilisation afin de maximiser ses bienfaits. Toutefois, les résultats du Tableau 1.2 indiquent qu’il y a bel et bien un potentiel à l’utilisation d’enzymes fibrolitiques exogènes dans un contexte commercial.