EFFETS BIOLOGIQUES DES RAYONNEMENTS IONISANTS EN ONCOLOGIE

EFFETS BIOLOGIQUES DES RAYONNEMENTS
IONISANTS EN ONCOLOGIE

Les évolutions technologiques de la radiothérapie

Les avancées

 La radiothérapie, qui est maintenant plus que centenaire, est devenue un des moyens thérapeutiques incontournables du traitement du cancer. Le patient se voit ainsi proposer des techniques dont on aurait difficilement imaginé la possibilité à la fin du siècle dernier [6]. Les avancées de la radiothérapie reposent en grande partie sur les progrès de l’informatique qui occupe une place grandissante dans la chaîne thérapeutique. Introduite dès l’apparition des ordinateurs dans les années 1960 pour le calcul de la distribution des doses, l’informatique est maintenant omniprésente, que ce soit pour l’acquisition des données anatomiques (imagerie tomodensitométrique, par résonance magnétique nucléaire ou par émission de positrons [TEP]), pour la planification et l’optimisation dosimétrique du traitement, pour le contrôle de la position du patient, pour le pilotage de l’irradiation (par exemple celui du collimateur multilames pour la modulation d’intensité), pour le contrôle et l’enregistrement des paramètres de traitement ou pour la gestion globale du système d’information propre à la radiothérapie [72]. Parmi lesquelles nous pouvons décrire entre autres:  La radiothérapie conformationnelle en modulation d’intensité (RCMI) La radiothérapie conformationnelle en modulation d’intensité (RCMI) ou Intensity Modulated Radiation Therapy (IMRT) est une évolution de la radiothérapie conformationnelle 3D qui constitue le standard technique actuel de la radiothérapie des cancers ORL. La modulation de l’intensité de l’irradiation pour chaque faisceau utilisé par l’interposition dynamique des lames d’un collimateur asservi par ordinateur permet d’obtenir des distributions de dose particulièrement bien adaptées aux volumes tumoraux cervico-faciaux. Il est ainsi possible de prescrire a 10 priori un niveau de dose à atteindre pour chaque élément concerné, la dose minimale que l’on peut délivrer aux zones tumorales, et la dose maximale que l’on peut délivrer sans danger aux organes à risque [45]. La conformation de l’irradiation au volume de la tumeur et la protection des organes à risque est obtenue après la délinéation des organes à risque et des volumes cibles sur une imagerie moderne, scanographie, remnographie ou TEP. Grâce à des systèmes informatiques très perfectionnés et rapides, il est possible de générer des histogrammes dose-volume (HDV) qui permettent de définir la dose que doit recevoir chaque volume d’organe à risque afin de limiter le taux de complications (figure 2). La protection des organes à risque est obtenue grâce au collimateur multilames intégré dans la tête de l’accélérateur linéaire. Les lames s’interposent entre la source de rayonnements et le patient . Cependant, le système n’a pas de possibilités de contrôler en temps réel les mouvements d’organes durant l’irradiation. Ces variations doivent encore être étudiées. Figure 2: La radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité par faisceaux statiques. Rouge : volume tumoral macroscopique ; parme : vagin ; bleu : vessie ; bleu clair : utérus ; vert foncé : intestin ; marron : rectum ; jaune : N0 obturateur droit ; bleu foncé : N0 obturateur gauche ; vert clair : N0 iliaque droit ; rose : N0 iliaque gauche ; violet : N0 présacrées . Au total, la radiothérapie conformationnelle en modulation d’intensité constitue selon toute vraisemblance une avancée majeure dans la prise en charge thérapeutique des cancers de la tête et du cou. Sa généralisation reste encore malaisée compte tenu du niveau qualitatif et quantitatif de ressources tant humaines que techniques nécessaires à sa réalisation optimale [77].  Arcthérapie volumétrique avec modulation d’intensité (IMAT) En 2008, Otto et al. ont introduit une évolution de l’IMAT avec la possibilité de faire varier en plus de la vitesse de rotation du bras de l’accélérateur et des lames du collimateur multilames, le débit de dose. Nouvellement appelée arcthérapie volumétrique modulée ou volumetric modulated arc therapy (VMAT®), cette dernière technique s’est imposée par ses capacités dosimétriques et sa rapidité de délivrance [62]. L’arcthérapie volumétrique modulée est une nouvelle technique de RCMI qui conjugue la capacité de délivrer des doses élevées à des volumes cibles tumoraux complexes tout en réduisant le risque de toxicité aux organes à risque et un mode de délivrance optimisé avec un temps d’irradiation court et un nombre d’unités moniteur plus faible que les techniques classiques de RCMI. Ses avantages dosimétriques potentiels par rapport à la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle et aux techniques de RCMI classique sont maintenant bien évalués dans beaucoup d’études sur de nombreuses localisations tumorales différentes mais son bénéfice clinique est encore à estimer compte tenu du faible nombre d’études cliniques pour lesquelles les résultats sont actuellement disponibles. Les comparaisons avec la tomothérapie sont en revanche plus limitées. Plusieurs études prospectives dosimétriques et cliniques sont en cours, notamment en France et devraient éclairer les centres dans leurs choix de changement de machines des prochaines années. Malgré une impression de technique « clé en main», l’arcthérapie volumétrique modulée reste une technique complexe tant sur 12 le plan médical que physique qui nécessite une formation spécifique et une mise en œuvre progressive [18].  La tomothérapie Certains auteurs n’ont pas hésité à écrire que la tomothérapie représentait la plus grande avancée en radiothérapie depuis le Cobalt 60 dans les années 1950. Concernant la RCMI sans tomothérapie, aucune étude clinique n’a été identifiée. Cependant, concernant la RCMI par tomothérapie, cinq études dosimétriques ont été identifiées dont une comparant la RCMI par tomothérapie et la RTC-3D. Cette étude a montré que par la diminution des volumes et de la dose dans les organes à risque; un incrément de dose dans la tumeur jusqu’à 160 Gy pouvait être envisagé [78]. Une autre étude a montré une amélioration de la conformation tumorale avec la RCMI par tomothérapie comparative à celle obtenue avec la RTC-3D, mais les résultats sont difficilement analysables et leur présentation peu claire . La radiothérapie en conditions stéréotaxiques extracrânienne L’irradiation en conditions stéréotaxiques extracrânienne appelée « radiothérapie stéréotaxique corporelle » permet de délivrer une dose très élevée focalisée au niveau pulmonaire, abdominal ou pelvien. C’est une méthode qui se différencie par bien des points de la RTC3D ou de la RCMI bien qu’utilisant ces deux dernières. Elles permettent d’augmenter la dose d’irradiation fractionnée, mais en maintenant un risque de complication à des taux classiques. La radiothérapie stéréotaxique corporelle est une irradiation ablative tant pour la tumeur que pour les tissus sains. C’est une épée à double tranchant permettant d’espérer un taux de contrôle local jamais atteint par l’irradiation conventionnelle fractionnée, mais aussi un risque élevé de complications du fait des hautes doses délivrées dans les tissus sains. Ces traitements ont pour objectif de traiter des lésions bien délimitées de diamètre maximal d’environ 5-7 cm. Ce 13 traitement n’a pas pour objet de traiter prophylactiquement des volumes et nécessite une adaptation des accélérateurs linéaires classiques .Un appareil a été développé, à savoir le CyberKnife®, accélérateur linéaire permettant d’effectuer une radiothérapie en conditions stéréotaxiques sans cadre. Au lieu d’utiliser une immobilisation rigide, le CyberKnife® (figure 3) utilise une corrélation algorithmique de comparaison d’images pour localiser la cible. tumorale. Quand la cible bouge, le système détecte le changement et corrige la direction du faisceau quasi en temps réel (moins de 1 seconde). C’est dans cette capacité à « traquer » la tumeur que le CyberKnife® trouve son intérêt majeur [46]. Figure 3:Architecture du CyberKnife ® de quatrième génération : table de traitement, robot et sa section accélératrice, tubes à rayons X et détecteurs. : 1brasrobotisé, 2- accélérateur, 3-collimateur, 4-imagerie par rayons X, 5-laser, 6 caméras infrarouges (Synchrony™), 7-table «Robocouch™ . L’équipe de radiothérapie de Pékin, a utilisé une irradiation stéréotaxique corporelle via un système d’irradiation par source de 60Co (body gamma-knife radiosurgery). Quarante trois patients d’âge médian 71 ans atteints de cancer broncho-pulmonaire de moins de 5 cm de plus grand diamètre et de stade I ou II ont reçu une irradiation stéréotaxique corporelle. Le volume tumoral macroscopique a reçu une dose totale de 70 Gy en 10 fractions de 7 Gy. Le taux de réponse complète était de 63 % pour un taux de réponse global de 95 % [93]. Le Cynerknife® offre de nouvelles capacités à la radiothérapie de précision, car il permet de s’affranchir de la limite des doses reçues par les structures sensibles. Les tumeurs pulmonaires et rachidiennes solides sont des indications reconnues pour ce nouveau type de traitement. Ces nouvelles techniques de traitement devraient permettre de proposer une irradiation à visée curative à des patients inopérables ou âgés.

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Les perspectives 

Le développement de la tomoscintigraphie par émission de positons (TEP) et des techniques de fusion recalage mono ou multi-modalités permettront peut-être dans un proche avenir de définir avec précision un volume cible macroscopique ou de rapporter lors de la simulation le volume tumoral préopératoire [74]. Malgré les progrès liés à son administration et à la réduction de ses effets secondaires, il reste difficile d’avoir recours à la radiothérapie quand la tumeur est située dans les tissus profonds à l’intérieur du cerveau ou à proximité des organes reproducteurs. Car les rayons X touchent aussi les tissus sains adjacents à la tumeur. Pour atteindre ces tumeurs en minimisant le plus possible les dommages collatéraux plusieurs techniques sont en cours de test: 15  L’hadronthérapie Le concept de l’utilisation en cancérologie des particules chargées, protons et ions, fondé sur leurs propriétés balistiques et radiobiologiques pour les particules de TEL (transfert d’énergie linéique) élevé, a été proposé dès 1946 par Wilson [89]. Elle semble très prometteuse. L’hadronthérapie par ions carbone est en cours de développement, notamment dans le cadre du projet Étoile [71]. Il s’agit d’une forme de radiothérapie qui projette des particules lourdes (hadrons) comme les protons ou les ions carbone. Les hadrons ont une propriété physique qui permet de déposer leur énergie en un endroit très précis, épargnant ainsi les tissus périphériques (figure 4) [91]. Figure 4: Tumeur orbitaire [91]. À gauche : radiothérapie par les rayons X « classiques » : le faisceau traverse le patient. À droite : radiothérapie par les hadrons : le faisceau s’arrête après la tumeur et la précision augmente considérablement. Il y actuellement cinq projets européens de construction d’un centre médical d’hadronthérapie par ions carbone : Autriche ; Allemagne (Heidelberg) ; Italie; Suède et France. Les projets européens reposent tout d’abord sur un rationnel biologique (EBR: efficacité biologique relative) élevé, proche de celui des neutrons et physique (pic de Bragg permettant une balistique, proche, voire supérieure à celle des protons), faisant des ions carbone, sur un plan théorique, la meilleure modalité d’irradiation (figure 5) .

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: Radiothérapie exclusive des cancers
Chapitre I: Généralités
I.1. Rappels
I.2. Les techniques d’irradiations externe des cancers
Chapitre II: Les évolutions technologiques de la radiothérapie
II.1. Les avancées
II.2. Les perspectives
DEUXIEME PARTIE: Effets des rayonnements ionisants
Chapitre I: Rappels
I.1. Les mécanismes d’action des rayonnements ionisants
I.2. Les effets biologiques des rayonnements ionisants
Chapitre II: Les progrès technologiques
II.1. Les mécanismes moléculaires
II.2. Les modèles mathématiques d’estimation
CONCLUSION
REFERENCES

 

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