Autrefois considérées comme des blessures sportives bénignes, les séquelles à long terme des commotions cérébrales sont maintenant bien démontrées. D’une part, le fait de subir une commotion cérébrale augmente le risque de subir une commotion cérébrale subséquente ainsi que la sévérité des signes cliniques et de la symptomatologie (Collins et al., 2002; Broshek & Freeman, 2005; Guskiewicz et al., 2003). Les effets à long terme des commotions cérébrales multiples sont de plus en plus exposés dans la littérature scientifique. Une étude financée par la Ligne nationale de Football a révélé une prévalence jusqu’à 20 fois plus élevée chez les athlètes professionnels en comparaison à la population générale de développer des troubles cognitifs, démences ou des troubles affectifs (Weir, Jackson, & Sonnega 2009).
Sur le plan cognitif, il a été largement démontré que les athlètes ayant subi de multiples commotions cérébrales s’exposent à un risque accru de subir des atteintes cognitives. En 2005, Guskiewicz et ses collègues rapportent un risque cinq fois plus élevé chez les athlètes retraités qui ont subi de multiples commotions cérébrales de développer un trouble cognitif léger en comparaison à leurs homologues qui n’ont jamais subi de commotion cérébrale. Un historique de TCC multiples est également considéré comme un facteur de risque majeur au développement de la maladie d’Alzheimer (Heyman et al., 1984; Sivanandam & Thakur, 2012). Certaines études rapportent également un risque plus élevé de souffrir de parkinsonisme et de maladies affectant le système moteur, notamment la sclérose latérale amyotrophique chez les individus ayant subi de multiples traumatismes cranio-cérébraux (Bower et al., 2003; Chen, Richard, Sandler, Umbach, & Kamel, 2007; Goldman et al., 2006).
Des atteintes permanentes des commotions cérébrales multiples sur le plan psychoaffectif sont également rapportées dans la littérature scientifique, la dépression étant le trouble affectifle plus étudié chez les athlètes commotionnés (Iverson et al., 2017). De nombreuses études rapportent un risque accru de développer des affects dépressifs chez les athlètes qui ont subi de multiples commotions cérébrales (Kerr, DeFreese, & Marshall, 2014; Kerr et al., 2014; Montenigro et al., 2017). Cette vulnérabilité est également observée à long terme, chez les athlètes retraités. En 2007, Guskiewicz et collaborateurs rapportent que les athlètes retraités qui ont subi trois commotions cérébrales ou plus sont jusqu’à trois fois plus à risque de souffrir d’une dépression, alors que ceux qui ont subi jusqu’à deux commotions cérébrales sont 1,5 fois plus à risque de souffrir d’un tel trouble psychoaffectif. Ces atteintes persistantes sur le plan affectif sont également associées à des altérations des fonctions cognitives supérieures et corrélées à des anomalies des patrons d’activation cérébrale, notamment une hypo-activation du cortex préfrontal dorsolatéral et du striatum ainsi qu’une désactivation atténuée des régions temporales et frontomédiales (Chen, Johnston, Petrides, & Ptito, 2008). Ces anomalies corrèlent avec une perte de la matière grises dans ces régions.
Certaines études suggèrent que les athlètes qui subissent plusieurs impacts à la tête, sans signe clinique de commotion cérébrale, sont à risque d’en subir des déficits à long terme. Par exemple, selon une étude de Koerte et al. (2015) effectuée auprès d’athlètes de soccer retraités, les athlètes qui ont subi de nombreux impacts à la tête (sans signe clinique de commotion cérébrale) présentent un amincissement cortical plus important que les athlètes non exposés à de tels impacts. Ces différences sont observées principalement dans les régions temporale, occipitale et pariétale droite et seraient associées à des performances moindres en mémoire visuelle et une vitesse de traitement ralentie.
Le syndrome de l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC) a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs au cours des dernières années. Décrite pour la première fois en 1928 dans une étude effectuée auprès de boxers professionnels, (Martland, 1928), ce syndrome, alors appelé « punch drunk », est caractérisé par une atrophie des hémisphères cérébraux et un élargissement des ventricules latéraux (Costanza et al., 2011; McKee et al., 2009). Cette pathologie du système nerveux provoque des enchevêtrements neurofibrillaires et une accumulation de protéines tau qui accélère le processus d’apoptose du neurone atteint dans les lobes temporal et frontal (Stem et al., 2011). Les manifestations cliniques incluent des problèmes en mémoire à court terme, des troubles dysexécutifs, des affects dépressifs ou de l’apathie, une instabilité émotionnelle, des problèmes d’inhibition, et un comportement suicidaire. Les manifestations cliniques tardives de l’ETC sont caractérisées par des problèmes graves en mémoire et sur le plan exécutif, des difficultés de langage, un comportement agressif et de l’irritabilité, de l’apathie, des troubles moteurs incluant du parkinsonisme et de la démence (Stem et al., 2011). L’ETC serait causée par les multiples impacts subis par le cerveau. D’autres études sont toutefois nécessaires pour établir une relation directe entre de tels dommages cérébraux et les commotions cérébrales.
L’habileté à identifier et à discriminer les expressions faciales émotionnelles (EFE) serait également affectée chez les patients ayant subi des traumatismes cranio-cérébraux, en phase aiguë (Green, Turner, & Thompson, 2004; Henry, Phillips, Crawford, Ietswaart, & Summers, 2006) ainsi qu’en phase chronique (Croker & McDonald, 2005; Ietswaart, Milders, Crawford, Currie, & Scott, 2008; Léveillé, Guay, Blais, Scherzer, & De Beaumont, 2017). La reconnaissance des émotions négatives telles que la colère, le dégoût, la peur et la tristesse serait plus altérée que la reconnaissance des émotions positives, notamment la joie et la surprise (Callahan, Ueda, Sakata, Plamondon, & Murai, 2011; Croker & McDonald, 2005; Ietswaart et al., 2008; Williams & Wood, 2010) .
Les déficits en reconnaIssance des émotions suite à un TCC pourraient résulter d’atteintes des structures cérébrales impliquées dans le traitement des émotions. Les structures telles que l’amygdale, le cortex préfrontal, le cortex occipital, le cortex somatosensoriel droit, l’insula, les ganglions de la base, le thalamus, l’hypothalamus et le cervelet sont particulièrement impliquées dans la reconnaissance des émotions (Adolphs, 2002; Adolphs, Damasio, Tranel, & Damasio, 1996; Adolphs, Damasio, Tranel, Cooper, & Damasio, 2000; Adolphs & Tranel, 2003). Une atteinte de ces structures pourrait engendrer un déficit en reconnaissance des émotions (Adolphs, Baron-Cohen, & Tranel, 2002; Adolphs et al., 2000).
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