MODALITE D’APPLICATION DU STRESS:
Les études publiées abordant la notion de stress selon deux modalités d’application possibles : application prolongée d’une contrainte modeste ou application brutale d’un stress létal.
Stress prolongé:
Cette modalité d’application du stress consiste à inoculer dans un milieu modérément hostile, c’est-à-dire permettant une croissance. Il s’agit ici de suivre l’adaptation progressive (ou acclimatation) de la bactérie face à un stress prolongé (Kempf et Bremer, 1998). L’évaluation de l’impact du stress prolongé sur la croissance est classiquement réalisée par turbidimétrie en mesurant les effets des variations des paramètres de croissance. Il peut s’agir de l’augmentation du temps de latence ou de la diminution du taux de croissance et de l’absorbance finale (Baliarda, 2003).
Différentes approches protéomiques ont montré que l‟acclimatation au stress s‟accompagne de profondes modifications du métabolisme cellulaire (Marceau et al., 2003; Prasad et al., 2003). Ces auteurs ont montré que Lb. sakei voit sa survie augmenter lorsque la bactérie est cultivée en présence de sel. La perte totale de viabilité est observée après 10 jours lorsque la croissance est réalisée en milieu minimum contenant 9% de NaCl (p/v) au lieu de trois dans la culture sans NaCl. Le même phénomène est observé pour une croissance à basse température (perte totale de viabilité après 16 jours à 4°C au lieu de 3 à 30°C (Marceau et al., 2003).
Stress de type choc:
Le stress peut également prendre la forme d‟une contrainte intense et de courte durée (chocs) (Piuri et al., 2003). La réponse de la bactérie sera évaluée en terme de survie après que la contrainte ait été supprimée, et ceci principalement par numération sur milieu gélosé. Plusieurs facteurs influencent le taux de survie d‟une population bactérienne après un stress de type choc : l‟état physiologique des cellules, le genre, l‟espèce et parfois même la souche considérée (Kim et al., 1999).
Lorsque la résistance est évaluée sur des cellules en phase exponentielle de croissance, des différences apparaissent entre les cellules d‟une même population (Booth, 2002; Kim et al., 2002). Selon Kim (2002), les cellules d‟une même culture bactérienne ne sont pas toutes exactement dans le même état physiologique. Chacune possède un contenu protéique donné et présente, par conséquent, un niveau de résistance au stress létal différent (Poolman et al., 2004). Ainsi, les cellules d‟une même population de Lc. lactis ayant survécu à un stress intense (99,99% mortalité) sont toutes capables de croître ultérieurement en absence de stress, tandis que seule une proportion peut survivre à un stress intense ultérieur (Kim et al., 2002). Les cellules survivant au premier stress ne possédaient donc pas toutes le même équipement de réponse au stress.
Différentes hypothèses permettent d‟expliquer pourquoi des cellules en phase exponentielle de croissance issues d‟une même population ne possèdent pas toutes le même contenu protéique : (i) il existe des variations génétiques au sein de cette population, (ii) des altérations transitoires de la transcription et de la traduction apparaissent, (iii) l‟activité des protéines chaperonnes et des systèmes protéolytiques varie (Booth, 2002) .
Ce modèle d‟hétérogénéité intra-population est présenté comme une stratégie permettant à une bactérie de survivre au stress. Il garantit ainsi qu‟au moins une partie de la population survivra face un stress donné. Dans ce modèle, la population ayant survécu au stress possède les mêmes potentiels génétiques que la population originelle. Lorsqu‟elle sera cultivée en absence de stress, elle générera à nouveau l‟apparition d‟un mélange de cellules présentant des profils protéiques similaires à ceux de la population initiale (Korber et al., 2000).
EFFET DU STRESS SUR LES BACTERIES:
Effet sur la croissance / survie / morphologie:
Les effets du stress dépendent des modalités d‟application de ce dernier (acclimatation ou choc). Ils entraînent surtout des défauts de croissance et/ou de viabilité chez les bactéries.
L‟observation de cellules stressées par microscopie révèle différents types de modifications morphologiques (Derzelle et al., 2000). Ainsi, un phénomène d‟allongement cellulaire a été décrit chez Lb. acidophilus en présence d‟un stress hypo-thermique (Lorca et Font de Valdez, 1999), chez Lb. alimentarius en présence d‟un stress acide (Lemay et al., 2000), chez L. monocytogenes en presence d‟un stress acide, basique ou hyper-osmotique (Isom et al., 1995) et chez S. aureus en présence d‟un stress hyper-osmotique (Vijaranakul et al., 1995). Au contraire, le raccourcissement cellulaire est observé chez Lb. sakei en présence d‟un stress hypo-thermique ou hyper-osmotique. L‟association de ces deux stress a pour conséquence de lisser la surface externe des cellules de Lb. sakei (Marceau et al., 2003).
Le stress peut également provoquer un événement d‟agrégation cellulaire, comme c‟est le cas chez Lb. alimentarius en présence d‟un stress hyper-osmotique (Lemay et al., 2000).
Effets sur la virulence des bactéries pathogènes :
Certaines contraintes ont un effet direct sur la production de toxines. Ainsi, la production des entérotoxines A et B par S. aureus est réduite dans un environnement dont l‟aw est faible (Qi et Miller, 2000). Chez L. monocytogenes, la présence de sels (NaCl ou KCl) entraîne une production accrue de catalase, superoxyde dismutase et de listeriolysin O (Amegaza et al., 1995).
Les acteurs principaux de la réponse au stress salin (osmoprotectants, systèmes de transport et de synthèse d‟osmoprotectants, régulateurs transcriptionnels) semblent représenter d‟importants facteurs de virulence chez plusieurs bactéries pathogènes (Kazmierczak et al., 2003 ; Sleator et Hill, 2002 ).
Ainsi, la carnitine semble être le principal osmoprotectant utilisé par L. monocytogenes pour vivre durant l‟infection (Sleator et al., 2001). L‟inactivation de certains transporteurs d‟osmoprotectants réduit la virulence des bactéries comme E. coli (Culham et al., 1998), Listeria monocytogenes (Sleator et al., 2001) ou Salmonella (Lindgren et al., 1996). Chez L. monocytogenes, une exposition au stress acide augmente la virulence de la bactérie (Bolton et Franck, 1999 ; Gaillot et al., 2001).
Adaptation au stress:
Les cellules en phase exponentielle de croissance sont capables de développer des mécanismes d‟adaptation au stress. Lorsque ces cellules sont placées en contact avec un agent de stress modéré, elles deviennent plus résistantes à ce stress (protection homologue) et parfois à d‟autres types de stress (protection hétérologue ou croisée ; Streit, 2008). L‟importance du phénomène peut être évaluée en calculant le « taux de survivants », puis le « facteur de tolérance » (Lou et Yousef, 1997).
Pour une espèce donnée, toutes les combinaisons de stress ne sont pas susceptibles d‟activer les mécanismes de protection croisée. La plupart des connaissances sur l‟adaptation au stress au sein de la famille des BL concernent Lc. lactis , cependant certains stress (biliaire, acide, chaud ou salin) ont fait l‟objet de travaux sur plusieurs BL. Lorsqu‟ils sont employés en tant que stress adaptatifs, ils induisent des phénomènes de protection homologue et/ou hétérologue (Baliarda, 2003).
Ainsi, une adaptation acide protège d‟un stress ultérieur acide, chaud, éthanolique, osmotique (salin ou dessiccation) ou oxydatif. Une adaptation saline protège d‟un stress biliaire, chaud, ou d‟un stress de dessication. £ elles ne peuvent donc pas être extrapolées à l‟espèce (Laplace et al., 1999 ; Richmond et al., 1999). En effet, Kim et al. (1999) ont montré que chaque espèce et même chaque sous espèce de Lc.lactis possède ses propres capacités d‟adaptation.
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