Effet du couplage endommagement thermique – mécanique sur la perméabilité

Effet de la charge mécanique

Impact de l’endommagement mécanique sur la résistance en compression et le module E
Les trois grandes phases du comportement du béton en compression simple sont illustrées par la Figure 3.2. Elle présente l’évolution de la contrainte en compression (notée ) en fonction de la déformation. Les trois phases sont décrites comme suit :
– Première phase : phase élastique OA. Dans cette phase le comportement est quasi linéaire jusqu’à 30 % de la charge de rupture (Mehta, 1986). D’autres auteurs considèrent que cette première phase linéaire se poursuit jusqu’à 40 voire 60 % de la contrainte maximale avec une microfissuration qui évolue peu (Ramtani et al., 1992). La loi de Hooke est applicable dans ce domaine de déformation.
Figure 3.2. Illustration de la fissuration du béton chargé en compression
– Deuxième phase : phase non linéaire. Cette phase est elle-même divisée en deux sous-phases. La première sous-phase, correspond à l’initiation d’un réseau de microfissures dans les auréoles de transition. Cette microfissure de l’ITZ intervient à 85 % (Shah et Sankar, 1987) ou 75 % (Mehta, 1986) de la contrainte maximale. Mazars de son côté a montré qu’à l’échelle microscopique, cette microfissuration se développe en mode d’ouverture (I) et en mode de cisaillement plan (II) combinés aussi bien à l’interface que dans la pâte (Mazars, 1984). La seconde sous-phase correspond à la propagation de la microfissuration aux interfaces pâte-granulats (Shah et Sankar, 1987). Par effet Poisson, des microfissures parallèles à l’axe du chargement et à travers la pâte apparaissent du fait de la prépondérance des extensions perpendiculaires à l’axe de chargement (Mehta, 1986). Au fur et à mesure que le chargement se poursuit, ces microfissures rejoignent celles des interfaces pour former des microfissures connectées dans le béton. Les microfissures se généralisent alors et se propagent en macro fissures dans la pâte de ciment.
– Troisième phase : phase post-pic. C’est la phase de rupture complète du matériau. Des macro fissures apparaissent, avec une orientation préférentielle normale aux directions d’extension principale. En opposition à la contraction volumique observée dans la phase linéaire, Picandet observe une dilatation du béton à partir de 85 % de la contrainte maximale puis dans la phase post-pic ; en effet, une nette augmentation du volume global du matériau y est notée (Picandet, 2001). Cette phase post pic n’est visible que lorsque l’essai de compression est mené à déplacement imposé. En vitesse de chargement imposée, l’essai se termine au point C.
Impact de l’endommagement mécanique sur la porosité et la perméabilité.
En l’absence de méthodes de mesures standardisées, les techniques élaborées pour étudier l’impact d’une contrainte mécanique sur la perméabilité du béton peuvent être classées selon le perméamètre, la configuration de charge, le moment de mesure de la perméabilité, sous chargement ou après chargement, et le type de fluide (Hoseini et al., 2009). Cependant, il est possible d’observer une tendance similaire quels que soient les auteurs. La Figure 3.3 montre l’évolution de la perméabilité sous charge par rapport à la perméabilité de référence mesurée sans chargement. En effet, la porosité et la perméabilité évoluent au cours des trois phases décrites ci-dessus.
Sur la Figure 3.3, on peut voir que la perméabilité n’est vraiment impactée par le chargement qu’à partir d’un certain seuil de contrainte. Ce seuil de contrainte varie selon les auteurs. En effet, jusqu’à environ 30 % de fc (force de rupture), les différents auteurs observent une légère diminution de la perméabilité. Cette diminution correspond au comportement linéaire du béton sous un chargement de compression simple (Mehta, 1986). En effet, l’étude de l’évolution de la structure poreuse sous chargement montre que durant cette phase du chargement, une fermeture des pores et des microfissures préexistantes du béton a lieu (Haniche, 2011). Pour (Ramtani et al., 1992), cette phase linéaire va jusqu’à 40 % voire 60 % de la contrainte maximale avec une microfissuration qui évolue peu jusqu’à un seuil de 60% fc. Sous ce seuil, la perméabilité ne fait que diminuer (Choinska, 2006).
Au-delà de la phase linéaire, la fissuration en compression comme en traction, crée des vides au sein de la matière. Jusqu’à un taux de chargement de 85% (Shah et Sankar, 1987) ou de 75 % (Mehta, 1986), il y a initiation d’un réseau de microfissures dans les auréoles de transition. Ce réseau de microfissures participe à l’augmentation de la porosité totale du matériau. Le volume de fissures, dont le diamètre est compris entre 1 μm et quelques mm s’ajoute au volume des pores initiaux (Choinska, 2006). C’est ce qui explique l’augmentation de la perméabilité. La poursuite de cette phase non linéaire se traduit par la connexion des microfissures aux pores initiaux qui s’interconnectent entre elles pour former des macro fissures (Haniche, 2011; Mehta, 1986). La tortuosité quant à elle diminue considérablement pour tendre vers 1 (Wang, 1994; Wang et al., 1997). Ainsi, la perméabilité enregistre une forte augmentation pour des taux de chargement au-delà de 90% de la contrainte de rupture (Picandet, 2001).
Il existe également un effet de l’historique du chargement mécanique sur la perméabilité (Banthia et al., 2005; Saito et Ishimori, 1995). La série de données représentée par des ronds verts sur la Figure 3.3 met en avant un résultat important quant au mode opératoire qui sera utilisé lors des campagnes d’essais ENDE pour caractériser les dalles de béton sous chargement mécanique. Il s’agit de l’impact de l’historique du chargement sur la perméabilité. En effet, lorsqu’on suit la perméabilité sous charge d’un corps d’épreuve qui au préalable a subi plusieurs cycles de chargement initial jusqu’à 30% de fc, le seuil de contrainte au-delà duquel la perméabilité augmente est de 30% de fc pour des éprouvettes initialement endommagé à jeune âge (Banthia et al., 2005) ou de 50% de fc (Saito et Ishimori, 1995). Un chargement initial du matériau réduit donc considérablement ce seuil de contrainte au-delà duquel la perméabilité augmente fortement, ce que nous avons pu vérifier dans cette étude.

Modélisation de l’impact de l’endommagement mécanique sur la perméabilité

Il existe plusieurs modèles de description de la perméabilité sous endommagement mécanique. La Figure 3.7 présente une évolution comparée de certaines de ces modèles (Rahal et al., 2016). Figure 3.4. Comparaison des modèles de perméabilité – endommagement (Rahal et al., 2016)
On remarque que la perméabilité relative par rapport à l’état non endommagé du béton évolue peu pour des endommagements de l’ordre de 0,1 avec une légère augmentation jusqu’à un endommagement de 0,3 puis on observe une forte augmentation de la perméabilité au-delà.
Avec 0 : perméabilité du matériau sain : perméabilité « ultime » correspondant au matériau complètement endommagé
S’inspirant des travaux de Bourdarot, Bary a proposé une relation de type exponentielle d’évolution anisotrope de la perméabilité dans la direction j avec l’endommagement positif dans la direction i, noté f+i (Bary, 1996) : =  0   ∑  ≠    +  (Eq. 3.6) Avec 0 : perméabilité du matériau sain (m/s) et coefficients à ajuster expérimentalement
L’intérêt de cette dernière loi par rapport à celle de Bourdarot est qu’elle est mieux adaptée pour décrire l’évolution de la perméabilité lorsque la fissuration est localisée ce qui entraine un comportement anisotrope de la perméabilité. On définit alors un seuil de percolation qui correspond à une valeur de D de l’endommagement pour lequel la perméabilité commence à augmenter effectivement.
Effet du couplage endommagement thermique – mécanique sur la perméabilité
Des résultats de la littérature révèlent que les effets des chargements mécaniques et de la température peuvent être découplés pour l’estimation de l’évolution de la perméabilité du béton (Choinska, Khelidj, Chatzigeorgiou et Pijaudier-Cabot, 2007). Sur la Figure 3.5, on remarque que l’évolution de la perméabilité est peu dépendante de la température. En effet, pour 20°, 105° et 150°C, la perméabilité relative diminue légèrement entre 40 et 60 % de la contrainte maximale. Lorsque le chargement atteint une valeur supérieure à 60 % de la contrainte maximale, la perméabilité augmente, d’abord légèrement, puis de manière significative à partir de 80 % de la contrainte maximale. Cette augmentation de la perméabilité est la conséquence du changement du comportement volumique du béton sous la compression uniaxiale (Choinska, 2006; Haniche, 2011).
Figure 3.5. Variation de la perméabilité relative sous chargement avec la contrainte relative maximale subie pour trois températures (Choinska, 2006)
Il existe des modèles pour coupler l’effet des endommagements thermiques et mécaniques sur la perméabilité. Dans la littérature, les modèles proposés traitent de l’effet de très grandes températures (jusqu’à 700°C) sur la perméabilité du béton. Gawin et al. ont ajusté une relation phénoménologique proposée initialement par Bazant et Thonghutai (Bažant et Thonguthai, 1978; Gawin et al., 2005) .
Avec 0 : perméabilité initiale à la température de référence  0 : coefficient du matériau à calibrer expérimentalement ; et = [log(  )]−1
Pour prendre en compte l’endommagement et l’effet de la pression de percolation du gaz P1 (pression à l’entrée de l’échantillon lors de la mesure de débit) sur la perméabilité mesurée sous une température élevée, la relation suivante est proposée par (Gawin et al., 1999, 2002).
Avec : AP un paramètre du matériau et a pression atmosphérique : endommagement tel que (1 −   ) = (1 −   ℎ    )(1 −    ℎ      )
Dans la relation précédente, l’endommagement D qui prend en compte la perte de la raideur du béton ayant lieu à la suite de la déshydratation chimique de la pâte de ciment et la fissuration thermique.   ℎ     et   ℎ       sont respectivement l’endommagement thermo-chimique (déshydratation) et thermo-mécanique (fissuration thermique).
Synthèse de l’étude bibliographique et résultats attendus de notre étude
A l’issue de cette étude bibliographique, on retient essentiellement :
– L’évolution hydrique (séchage) du matériau entraine une diminution du module d’élasticité et une augmentation de sa perméabilité. L’objectif de notre étude est de relier de manière quantitative l’évolution de la perméabilité et cette baisse du module d’élasticité au moyen d’une variable d’endommagement qui rendrait compte de l’évolution physico-chimique du béton causée par un séchage.
– L’évolution  thermique,  liée  à  une  élévation  importante  de  la  température,  entraine également une baisse du module instantané et une augmentation de la perméabilité. Des lois d’évolution sont proposées pour relier la perméabilité à la température. Cependant peu d’études relient l’évolution de la perméabilité à cette baisse du module d’élasticité du fait de la sollicitation thermique (sans chargement mécanique). C’est ce que nous ferons dans notre étude. En plus, notre travail doit permettre de mieux comprendre la réponse du béton à un état de saturation autre que le sec vis-à-vis d’une montée en température.
– La question de la perméabilité en fonction de l’endommagement mécanique a été suffisamment étudiée. L’évolution de la perméabilité retranscrit donc généralement les trois phases d’endommagement mécanique du béton. La charge mécanique de compression entraine d’abord une augmentation du module et une diminution de la perméabilité jusqu’à un certain seuil suivi par une diminution du module et une augmentation de la perméabilité. Dans notre étude, nous proposons de déterminer les paramètres expérimentaux des modèles qui correspondent au béton étudié ici au moyen d’une nouvelle approche simplifiée de mesure de la perméabilité avec la technique de la double-cloche sous charge.

Objectifs spécifiques et structure du chapitre

Pour permettre au lecteur de comprendre notre démarche, nous proposons de définir et préciser dès maintenant les variables d’endommagements auxquelles la perméabilité est reliée dans ce chapitre.
On a vu précédemment que des lois d’évolution de la perméabilité sont proposées en fonction du degré de saturation et de la température. Quant à l’effet de l’endommagement sur la perméabilité, il est généralement quantifié à travers des fonctions la reliant à une variable d’endommagement mécanique (notée DM dans cette étude). Dans le cas d’évolutions hydriques et thermiques, la baisse du module d’élasticité peut également être analysée et quantifiée au moyen de variables d’endommagement. De manière générale, dans la suite de ce travail, nous souhaitons quantifier l’évolution de la perméabilité uniquement en relation aux différents endommagements thermique (T), hydrique (H) et mécanique (M). Les différents endommagements sont définis comme suit :
– DH est la variable d’endommagement hydrique. Cette variable ne traduit pas uniquement l’endommagement mécanique traditionnel du matériau. DH est définie pour quantifier la baisse du module E induit par le séchage du matériau quelles qu’en soient les origines : physico-chimiques ou mécanique. DH rend ainsi compte de tous les effets combinés des phénomènes en jeu lors du séchage du matériau dont notamment le départ d’eau du matériau, le retrait de dessiccation, la microfissuration… Nous ne cherchons pas à identifier la contribution individuelle de chacun de ces phénomènes : DH sera analysée comme une variable globale d’endommagement hydrique.
Ainsi définie, on pourrait penser que DH est causée uniquement par le séchage naturel du matériau. En réalité, au laboratoire, nous avons séché en étuve les éprouvettes (à 40 et 80 °C) pour les porter aux états de saturation d’étude. La température pourrait donc également avoir un impact sur cet endommagement. Nous verrons que le protocole de séchage défini au Chapitre 1 permet de réduire l’effet de la température sur la perméabilité nous permettant de parler d’endommagement hydrique même si cela reste en toute rigueur une approximation.
– DT est la variable d’endommagement thermique. Le principe de la définition de DT est le même que pour la variable précédente. DT quantifie la baisse du module E du fait des mécanismes mis en jeu lors d’une sollicitation thermique : dilatations différentielles, fissuration, déshydratation des C-S-H qui conduisent à une baisse du module. Comme pour l’évolution hydrique, DT sera analysée comme une variable globale d’endommagement thermique. Dans cette étude, l’endommagement thermique n’est jamais découplé de la sollicitation hydrique du matériau, avec des variations importantes du degré de saturation pour les cas étudiés dans ce travail. Pour cela, nous utiliserons la variable DTH qui quantifie donc la baisse du module du fait du séchage suivi de la sollicitation thermique en fonction de l’état hydrique du matériau au moment du choc thermique (ce point n’est pas encore proposé dans la littérature).
Tout comme il est possible de relier l’évolution de la perméabilité à l’endommagement mécanique DM, nous souhaitons relier la perméabilité aux nouvelles variables d’endommagement définies (DH et DTH).
Pour chaque état d’endommagement considéré, l’approche générale consiste donc à quantifier l’évolution de la perméabilité du matériau et à la relier à la variable d’endommagement en jeu. Cette méthodologie est applicable dans la mesure où, pour suivre l’évolution de l’enceinte, la donnée du module instantané initial et de son évolution dans le temps est généralement connue. Le chapitre est structuré autour de trois thématiques principales afin de comprendre les phénomènes en jeu et de compléter la littérature existante. Il s’agit de :
– Analyser et quantifier l’évolution des propriétés mécaniques du béton sous diverses contraintes (mécanique, hydrique et thermique),
– Analyser et quantifier l’évolution des propriétés de transfert du béton sous contraintes (mécanique, hydrique et thermique),
– Analyser et relier l’évolution de la perméabilité et les différents endommagements.
Afin d’atteindre ces objectifs, deux campagnes d’essais ont été réalisées :
– Une campagne portant sur la mesure de la perméabilité dans différentes configurations.
– Une campagne portant sur la mesure du module E dans ces mêmes configurations.
Ces deux campagnes devraient nous permettre de répondre aux questions spécifiques de ce chapitre. Nous présentons le calcul théorique des indicateurs avant de présenter les essais.

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