EFFET DU CHLORPYRIPHOS ETHYLE (INSECTICIDE ORGANOPHOSPHORE) SUR LA FAUNE DU SOL D’UN CHAMP DE MIL
Les insecticides
L’utilisation des produits chimiques dans la lutte contre les insectes est assez ancienne (CALVET, 2005). Moyen Âge déjà, l’arsenic est utilisé contre les fourmis (RAMADE, 1974). A la fin du XVIIe siècle, l’arsenic a été utilisé comme insecticide ainsi que la nicotine dans la protection des cultures. Au cours des XIXe et XXe siècles, les propriétés biocides de nombreux produits chimiques ont été mises en évidence à cause des facteurs tels que l’apparition de graves épidémies, la nécessité de nourrir une population humaine croissante, les progrès considérables de la chimie organique de synthèse, les innovations techniques, la pratique des semis en lignes et les conflits mondiaux (CALVET, 2005). Au XIXe siècle, les insectes ravageurs ont été combattus avec des composés de l’arsenic en France, en Algérie, en Amérique (CALVET, 2005; RAMADE, 1974; DAJOZ, 1959). Ces produits sont utilisés jusqu’à la première moitié du XXe siècle. A partir de cette période apparaissent les insecticides organiques naturels (pyréthrine et rétonine) et synthétiques. Les insecticides organiques de synthèse de cette période sont surtout représentés par les composés organochlorés. Le DDT (1,1,1 trichloro, 2-2 bis (4’ chlorophényl éthane) dont les propriétés insecticides furent découvertes en 1939, est le plus connu de ces produits. On peut aussi citer l’hexachlorocyclohexane (HCH), le lindane, l’aldrine, la dieldrine et l’endrine (DAJOZ, 1959; CALVET, 2005). Malgré leurs propriétés insecticides remarquables, les organochlorés sont aujourd’hui interdits en raison de leur faible biodégradabilité et de leur bioaccumulation dans les chaînes alimentaires (CALVET, 2005). La deuxième moitié du XXe siècle est marquée par une utilisation massive des produits phytopharmaceutiques en agriculture. Les organophosphorés découverts en 1936 par G. Shaeder ont commencé à être appliqués plus tard. Le malathion, le parathion en sont des exemples (RAMADE, 1974). Le carbaryl est le premier carbamate décrit en 1957. D’autres carbamates ont suivi, des thiocarbamates en particulier comme l’aldicarbe et le carbofuran ; La resméthrine est le premier pyréthrinoïde découvert. Par la suite d’autres composés ont été synthétisés et l’un des plus connus aujourd’hui est la deltaméthrine (CALVET, 2005). II. Le chlorpyriphos éthyle Le chlorpyriphos éthyle est un insecticide de la famille chimique des organophosphorés. Son nom chimique (IUPAC) est l’o, o-diéthyl-o, 3, 5,6-trichloro-2-pyridinyl phosphothioate. Sa formule brute est C9H11Cl3NO3PS. Sa formule développée est présentée à la figure 1. Le produit pur est un cristallin blanc en grain, de point de fusion compris entre 42 et 43,5o (GADJI, 1998). Figure 1. Formule développée du chlorpyriphos éthyle Comme tous les organophosphorés, le chlorpyriphos éthyle est un insecticide à large spectre. Le chlorpyriphos éthyle agit par contact, ingestion et inhalation. Selon EXTOXNET (1996), il a une toxicité de classe II (modérément toxique). Les substances commerciales comprenant du chlorpyriphos peuvent exister en formulation liquide et/ou sous forme de granules (BRIGNON et GOUZY, 2006; EXTOXNET, 1996). Le mode d’application de cette substance (incorporation, dépôt au sol et/ou pulvérisation) dépend donc de sa forme physique. Le chlorpyriphos éthyle est commercialisé sous différents noms tels que Brodan, Detmol UA, Dowco 179, Dursban, Empire, Eradex, Lorsban, Paqueant, Piridane, Scout, Stipend (EXTOXNET, 1996). Le chlorpyriphos éthyle est efficace contre les puces, les Coléoptères, les termites, les larves, les mouches, les Diptères, les Homoptères, les Lépidoptères et les Blattidae (EXTOXNET, 1996). Peu soluble dans l’eau (2 mg/l à 25 o C), le chlorpyriphos éthyle garde, à 25 o C, une grande affinité avec les solvants comme l’acétone, le benzène, le chloroforme, le méthanol, dichlorométhane, le toluène (EXTONET, 1996). Le chlorpyriphos éthyle est peu volatile avec une tension de vapeur à 25 o C de 2,5.10-6 KPa (GADJI, 1998). Son temps de demi-vie dans l’air est faible: < 2 jours. (BRIGNON et GOUZY, 2006). Sa demi-vie dans les sols est généralement comprise entre 60 et 120 jours mais peut durer plus d’un an selon le type de sol, le climat (EXTOXNET, 1996).
La faune du sol : classification et rôle
Plusieurs embranchements du règne animal ont d’importants rameaux adaptés à la vie dans les sols. Abstraction faite des formes juvéniles, on peut classer la faune du sol selon la taille. Sans valeur systématique, cette classification permet de différencier la microfaune, la mésofaune, la macrofaune et la mégafaune (BACHELIER, 1963).
La microfaune
Animaux dont la taille est inférieure à 0,2 mm de longueur, ce groupe comprend une faune très diverse. Les protozoaires et les nématodes constituent l’essentiel de la microfaune avec comme groupes secondaires les rotifères, les turbellariés, les tardigrades. Ces animaux de forme très effilée vivent dans les pores ou films d’eau de la matrice du sol, ce qui leur permet de résister à la dessiccation (BACHELIER, 1963). La microfaune joue un rôle dans la protection des plantes. Les nématodes sont utilisés en lutte biologique contre les vers blancs, les charançons, les mouches des fruits et les sirex (Hyménoptère). Les nématodes sont également efficaces contre plusieurs champignons infectant les racines (ANONYME, 2000a). Cette faune participe à la dégradation des litières (BACHELIER, 1963).
La mésofaune
Ce sont des organismes mesurant 0,2 à 4 mm. Ils vivent essentiellement dans la litière dont ils se nourrissent et dans les pores du sol où ils se déplacent au sein des espaces existants, sans creuser de manière significative. Ces animaux dépendent ou non de l’humidité. Les deux grands groupes de microarthropodes que sont les collemboles et les acariens forment l’essentiel de cette mésofaune (BACHELIER, 1963; ANONYME, 2000a; CHOTTE et al., 2001). D’après BACHELIER (1963), les Enchytréides, les petits Myriapodes Symphyles, les plus petits insectes ou leurs larves, les Protoures, les Diploures et les Thysanoures font partie de ce groupe. Comme la microfaune, la mésofaune participe aussi à la dégradation des litières (BACHELIER, 1963). La mésofaune épigée, avec la microflore associée, assurent le développement d’une épaisse couche d’humus superficielle (DISNAR et BRUAND, 2007). Ces organismes fractionnent de façon active les matières végétales. Dans les structures qu’ils créent, une forte activité de la microflore se développe. Les structures qu’ils produisent sont uniquement organiques, elles ont des durées de vie plus courtes que celles qui sont issues de l’activité des macro organismes (CHOTTE et al., 2001).
La macrofaune
La macrofaune regroupe les individus de taille comprise entre 4 et 80 mm (BACHELIER, 1963). Ces organismes sont abondants au niveau des 10 premiers centimètres du sol (DIOP, 2007). Ce sont des invertébrés dont certains construisent des structures organominérales de grande taille qui peuvent persister pendant de longues périodes (de quelques mois à plusieurs années). En Afrique tropicale, ces organismes comprennent principalement les termites (Isoptères), les vers de terre (Oligochètes, Lombricidés) et fourmis (Hyménoptères, Formicidae) d’après CHOTTE et al. (2001). En raison de l’impact de leur activité sur les caractéristiques du milieu, ces organismes sont aussi appelés les «ingénieurs du sol» (CHOTTE et al., 2001; ANONYME, 2000a). Les ingénieurs du sol constituent, avec les Arachnides (Aranéides, Pseudoscorpions, Scorpions), les Myriapodes (Diplopodes et Chilopodes) et les Coléoptères, les principaux groupes de la macrofaune. Sont associés à ces groupes, les larves de Diptères, les larves de Lépidoptères, les Mollusques, quelques Crustacés terrestres (Isopodes), les Dictyoptères, les Homoptères, les Hétéroptères et les Onychophores . La macrofaune du sol peut être définie selon la source de nourriture et la localisation en organismes épigés, anéciques et endogés. Les organismes épigés se nourrissent exclusivement de la litière à la surface du sol et y vivent en permanence. Il s’agit de vers de terre, de Diplopodes, de Chilopodes, de Coléoptères (LEE et FOSTER, 1991; HERVE, 1958; PONEL, 1993). Les organismes anéciques se nourrissent de la litière de surface qu’ils enfouissent dans les galeries généralement verticales : Vers de terre pigmentés et Termites; Les organismes endogés se nourrissent exclusivement de l’humus du sol qu’ils ingèrent sur leur passage, créant ainsi de vastes réseaux de galeries sans jamais remonter à la surface du sol: Vers de terre, Termites humivores, Coléoptères (LEE et FOSTER, 1991; PONEL, 1993; HERVE, 1958). La macrofaune du sol constitue une ressource qui remplit au sein d’un écosystème des fonctions essentielles pour le maintien de la qualité des sols (LAVELLE et FRAGOSO, 2000). Les termites par exemple, jouent un rôle important dans la réhabilitation des sols au Sahel (ANONYME, 2000b). Par les transports verticaux de sol qu’ils effectuent, les Vers de terre assurent un mélange des débris végétaux avec la fraction minérale du sol qu’ils ingèrent (BACHELIER, 1963). Par le processus de redistribution de la matière organique lors de la construction de leurs nids, les Fourmis améliorent l’habitat immédiat des plantes et favorisent ainsi leur croissance (LAFLEUR, 2003). Les Myriapodes agissent sur le sol par la destruction des débris végétaux et par la modification des paramètres physiques et chimiques. Cette action dépend essentiellement de leurs activités fouisseuses et de leur rôle favorable sur l’humification des débris végétaux. C’est surtout par leurs larves, les Elateridae notamment, que de nombreux Coléoptères manifestent leur influence dans la vie des sols (BACHELIER, 1963). Cette composante de la macrofaune concourt à l’équilibre biologique des sols et intervient plus ou moins directement dans l’évolution de ces derniers (HERVE, 1958). III.4. La mégafaune La mégafaune est représentée par des animaux de taille comprise entre 80 mm et 1,60 m (BACHELIER, 1963). Ces animaux comprennent les Vertébrés tels que les serpents, les renards, les souris, les taupes, les rats, les lapins, les lièvres, certains Batraciens comme les Amphisbènes, quelques Edentés (tatous d’Amérique ou oryctéropes d’Afrique). L’action pédologique de ces animaux se limite essentiellement à une remontée des matériaux lors de la confection de leurs nids (BACHELIER, 1963).
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