Caractéristiques microscopiques des alliages à mémoire de forme
La compréhension du comportement macroscopique des matériaux dans l’optique du développement d’un modèle constitutif passe souvent par la connaissance des phénomènes micromécaniques mis en jeux lors de l’application de chargement thermomécanique. En ce qui concerne les AMF, la transition de phase austénite-martensite et le processus de réorientation des variantes de martensite sont les clés de voute des caractéristiques du matériau.
Transition de phase : Tous d’abord, le terme martensite est le terme incontournable quand on aborde les AMF. Il désigne à l’origine le constituant de trempe des aciers, il provient du métallurgiste allemand ADOLF MARTENS.
Les alliages à mémoire de forme appartiennent à une classe de matériaux qui peuvent subir des changements réversibles dans leur structure cristallographique. Dans le cas des AMF, de tels changements sont directement liés à la transition martensitique : transition de phase solide-solide entre une phase très symétrique, appelée austénite (a) ou phase mère et une phase moins symétrique appelée martensite (m). Cette transition est qualifiée de displacive car elle se réalise sans diffusion (sans déplacement d’ensembles des atomes), il n’y a pas modification de la composition chimique du matériau. On peut noter également que la transition directe (a→ m) est exothermique tandis que transition inverse (m → a) est endothermique.
Typiquement, l’austénite est stable à haute température et pour un faible niveau de contraintes. La martensite est quant à elle, stable à basse température et pour un niveau de contraintes plus élevé. Généralement, la fraction volumique de martensite est définie comme étant le rapport du volume de la martensite sur le volume total de matériau considéré. Cette fraction sert à représenter l’avancée de la transition martensitique et constitue une variable interne largement utilisée dans la plupart des modèles macroscopiques.
Différents types de transformation martensitique
L’effet mémoire est engendré par une transformation martensitique, cette dernière se divise en deux grandes classes.
Transformation par burst: Dans ce cas on constate que la germination est plus difficile que la croissance, on parle ici d’une croissance qui se fait par un processus d’avalanche (burst) produisant des microstructures sévèrement déformées et largement irréversibles. Comme nous l’avons déjà mentionné, la croissance s’effectue rapidement à vitesse proche de celle du son. La transformation inverse ne peut se produire que par germination de la phase mère au sein des plaquettes de martensite, l’austénite ne retrouve pas son orientation d’origine, l’irréversibilité est limitée, c’est le cas de Cu-Zn-Al à fort pourcentage d’aluminium. Ce genre de transformation se rencontre dans les alliages présentant de fortes hystérésis et qui s’apparente à une déformation plastique de la phase mère ainsi qu’un changement de volume .
Transformation thermoélastique: On remarque en revanche que la germination est la plus facile, les interfaces phase mère martensite se déplacent grâce à une succession de positions d’équilibre. La croissance des plaquettes de martensite est contrôlée par la variation de la température. À chaque température comprise entre MS et MF l’interface est immobile et une variation de part et d’autre entraîne sûrement le déplacement de cette interface de façon réversible.
Pur s’assurer qu’il n’y aura pas d’accumulation de l’énergie lors du déplacement des interfaces il est évident que MS soit proche de T0 (température d’équilibre). Ce genre de transformations se rencontre dans les alliages à faibles hystérésis.
On n’observe pas de déformation plastique de la phase mère qui est le cas dans la transformation précédente, mais en revanche, on observe un faible étalement de la température et une formation de plaquettes de martensite n’entraînant qu’une déformation élastique.
La notation thermoélastique tire son nom des relations d’équilibre qui existent entre les énergies thermiques et élastiques. De plus, si les contraintes engendrées au tour de la plaquette de martensite sont inférieur aux limites élastiques de la matrice, la transformation s’amorce par l’apparition rapide de fines lamelles et progressent lentement par l’élargissement des variantes déjà créées et aussi par l’apparition de nouvelles lamelles qui s’effectue de façon à accommoder les déformations élastiques induites et à ce que le matériau ne soit pas déformé macroscopiquement.
Les différentes familles des AMF
Parmi les matériaux présentant une transition martensitique thermoélastique, on peut définir deux grands groupes : les alliages Nickel-Titane et les alliages cuivreux. Ces deux systèmes d’alliage ont atteint une exploitation commerciale courante.
les alliages Nickel-Titane : Le Nickel-Titane ou Nitinol est l’alliage le plus étudié et connaît un développement important, malgré un coût encore élevé. Il possède de bonnes performance, aussi bien en effet mémoire simple sens qu’en superélasticité. Il s’avère être plus stable thermiquement et il possède une excellente résistance à la corrosion en comparaison avec la moyenne des alliages à base de cuivre. On outre, sa ductilité est beaucoup plus grande que ces derniers. Enfin, leur biocompatibilité autorise leur utilisation dans le domaine biomédical.
les alliages cuivreux : Ils possèdent en général un hystérésis moins marqué que les Nickel-Titane. On les trouve principalement sous la forme d’alliage ternaire CuZnAl, CuAlNi, CuBeAl ou sous la forme quaternaire avec du manganèse.
Les CuZnAl (cuivre-zinc-aluminium) sont facile à mettre on œuvre et présentent un coût modéré. Lors de l’utilisation à des températures très élevée, il existe un problème de stabilisation de la martensite qui occasionne une augmentation de 0 AS. En ajoutant des affinants tels que le cobalt, le zirconium, le bore ou le titane, il est possible d’atteindre des tailles de grains de 50 à 100 µm. Les CuAlNi (cuivre-aluminium-nickel) sont plus difficiles à réaliser, mais ils sont moins sensibles aux phénomènes de stabilisation et de vieillissement. Ce type d’alliage possède d’excellentes propriétés dans un large domaine de températures (de 50°C à 180°C).
Les CuBeAl (cuivre-béryllium-aluminium) sont apparus dans les années 80 et leur étude s’est généralisée depuis. Ils possèdent une grande stabilité thermique. Le béryllium se trouvant en faible quantité permet d’ajuster les températures de transition de -200°C à+ 150°C.
En conclusion, les nitinols et les cuivreux possèdent des avantages et des inconvénients devant être considérés en fonction de l’application visée.
Les concurrents aux AMF: “Matériaux intelligents: Les matériaux intelligents présentent des fonctions intrinsèques qui leurs permettent de se comporter comme un actionneur et/ou un capteur. Ils sont capables de modifier spontanément leurs propriétés physiques (forme, couleur, viscoélasticité…) en réponse de sollicitations naturelles ou provoquées (variation de la température, de champ électrique, ou magnétique, de contrainte…). En résumé, le matériau réagit à un stimulus détecté à l’extérieur et adapte sa réponse. Les actionneurs en particulier fournissent une action mécanique ou changent d’aspect (déformations, changement de couleur, ou de transparence…) afin d’indiquer une modification de l’environnement et / ou de provoquer une action collective. Il existe trois grandes catégories de matériaux intelligents dont les alliages à mémoire de forme.
Les matériaux piézo-électriques: Ils génèrent une tension électrique lorsqu’ils subissent une contrainte ou inversement, une tension peut générer une contrainte.
L’amplitude et la fréquence du signal sont directement liées à la déformation mécanique. Le matériau piézo-électrique le plus connu est le cristal de quartz utilisé en horlogerie. D’autres matériaux tels que les céramiques piézo-électriques (applications acoustiques et ultrasons, d’amortissement de vibration), les polymères piézo-électriques (capter des ultrasons et applications médiales).
Les matériaux magnétostrictifs: Ils se déforment sous l’action d’un champ magnétique. Ils peuvent servir de capteur et/ou d’actionneur. Les matériaux magnétostrictifs sont des composés de synthèse ou des céramiques. L’effet électrostrictif est en général, moins important que l’effet piézo-électrique.
Utilisation technologique et pratiques des AMF
Les AMF possèdent donc des propriétés singulières par rapport aux matériaux habituellement utilisés dans les applications en ingénierie. Par conséquent, leur utilisation a ouvert la voie à de nouvelles possibilités en terme de conception, permettent notamment d’améliorer la performance d’un système mais également de proposer des solutions innovantes. Cette partie fait un tour d’horizon des applications intégrant les AMF.
La plupart des applications commerciales des AMF peut être répartie en trois grands groupes selon la propriété mis en profit, on distingue ainsi : les systèmes superélastiques, les systèmes d’actionnement à mémoire de forme et les systèmes martensitiques :
Les systèmes superélastiques sont utilisés pour des applications exigeant une grande flexibilité et une aptitude importante à se déformer. Les AMF peuvent absorber une énergie de déformation importante et la restituer quand la contrainte appliquée est supprimée. L’élasticité des NiTi est approximativement dix fois plus élevée que celle de l’acier. En outre, les alliages NiTi superélastique fournissent une force constante sur un intervalle de déformation assez large. Les systèmes d’actionnement à mémoire de forme exploitent comme leur nom indique l’effet mémoire de forme consistant à retrouver une forme particulière par chauffage au-delà des températures de transition. Ce type de système fonctionne à l’état libre de contrainte, permettant de revenir librement à la forme d’origine. Par ailleurs, pour un système de contrainte, les AMF sont capables de développer une force importante visant à restaurer la forme initiale et produisent alors un travail. Les températures de transition di NiTi peuvent être ajustées pour obtenir une activation à une température spécifique. En général, ces températures d’actionnement sont celle du corps humain (applications médicales) ou de l’eau bouillante.
Les systèmes martensitiques s’appuient sur a transition de phase martensitique qui présente d’excellentes caractéristiques d’amortissement en raison des aptitudes d’absorption d’énergie de la structure de phase twinnée. De plus la phase martensitique du NiTi possède une résistance à la fatigue remarquable notamment si on utilise la transition A ← → R phase.
Ces différents systèmes, basés sur les caractéristiques fondamentales des AMF, intègrent ces éléments sous diverses formes telles que des fils, des tubes, des ressorts ou des films minces. L’ordre de grandeur de ces systèmes varie du micromètre au mètre.
Ces systèmes inscrivent dans des domaines d’exploitation aussi nombreux que variés. Dans un souci de représentativité, les classes d’applications suivantes se dégagent : médical, aérospatial/militaire, industrie, produits de consommation, systèmes de sécurité et Micro Systèmes Mécaniques Electroniques (MEMS).
Structure et diagramme d’équilibre de l’alliage CuZnAl
Dans les alliages ternaires, l’austénite (phase β) est de structure cubique centrée (C.C), métastable à basse température concernant les coupes de diagramme ternaire CuZnAl. Cette figure présente le domaine d’existence de la phase β en fonction de la concentration d’ajout d’aluminium dans le laiton (CuZn). La phase β peut présenter trois transitions d’ordre différent en fonction de la température: type B2, type DO3 et type de Heusler L21 qui correspondent au placement préférentiel de certains atomes sur certains nœuds du réseau . La différence entre les deux types d’ordres DO3 et L21 se situe essentiellement au niveau de la nature des atomes en présence. A haute température (inférieure à 600°C), en plus de la phase austénitique β, on note la présence des phases α et γ bien mises en évidence sur le diagramme de phase. La phase α est de structure C.F.C très malléable, par contre la phase γ est une phase de structure ordonnée complexe et très fragile.
Table des matières
Chapitre I : L’univers des alliages à mémoire de forme
Introduction générale
I-.Le monde des alliages à mémoire de forme
I-1 Caractéristiques microscopiques des alliages à mémoire de forme
I-1-1. Transition de phase
I. 1. 2. Processus de transition
I.1.3 Cinétique de transition
I.1.3. 1. La germination
I.1.3. 2. La croissance
I. 1. 4. Différents types de transformation martensitique
I. 1. 4. 1. Transformation par burst
I. 1. 4. 2. Transformation thermoélastique
I.2 Propriétés fonctionnelles des AMF
I.2.1 L’effet superélastique
I.2.2 L’effet mémoire simple sens
I.2.3 L’effet mémoire double sens
I-2-4. L’effet caoutchoutique
I.2.5. L’effet amortissant
I. 3. Les différentes familles des AMF
1. 3. 1. les alliages Nickel-Titane
1. 3. 2. les alliages cuivreux
I. 3. 3. Les concurrents aux AMF: “Matériaux intelligent
• Les matériaux piézo-électriques
• Les matériaux magnétostrictifs
I. 4. Spécificités liées à l’élaboration
I-4. 1. Résistance à la fatigue et au vieillissement
I.4. 1.1 Résistance à la fatigue
I.4. 1. 2. Vieillissement des AMF
I. 5. Utilisation technologique et pratiques des AMF
I. 5. 1. Introduction
I. 5. 2. Applications médicales
I.5. 3. Applications militaires et dans l’aérospatiale
I 5.4. Système de sécurité
I.5. 5. Produits de consommation
I.5. 6. Les AMF dans les Micro Système Mécanique Electroniques (MEMS)
I. 6. Conclusion
Références chapitre I
Chapitre II : Propriétés des alliages étudiés CuZnAl, CuBeAl, et NiTi
II-1 Alliages étudiés CuZnAl, CuAlBe, et NiTi
II-1-1 l’alliage CuZnAl
II-1-1-1. Structure et diagramme d’équilibre de l’alliage CuZnAl
II-1-1-2. Aspect cristallographique
II-2 l’alliage CuAlBe
II-2-1 Influence des traitements thermiques
II- 3. L’alliage TiNi
II- 4. Effet des éléments d’addition
II.4. 1. Traitements thermomécaniques
II.4. 2. Cyclage thermique et thermomécanique
Références chapitre II
Chapitre III : Procédure et techniques expérimentales
III.1 Technique d’élaboration des échantillons
III-1-1-. Processus SHS
III-1-1-1. Aspect général de la méthode
III-1-1-2 Ignition
III-1-1-3. Front de combustion
III-1-1-4. Transformations de phases
III-1-1-5. Stabilité du front et mode de combustion
III-1-1-6. Avantage
III-2. Préparation et élaboration des échantillons
III-2-1. Introduction
III-2-2. Choix et caractéristiques des poudres
III-2-3. Préparation des échantillons CuZnAl
III-2-3-1. Dosage
III-2-3-2. Broyage
III-2-3-3. Compaction
III-2- 4. Dispositif expérimental (SHS)
III-2- 4-1. Système d’amorçage
III-2- 4-2. Contrôle de l’atmosphère
III-2- 4-3. Support de l’échantillon
III-2- 5. Techniques de caractérisation
III-2- 5-1. Appareillage DRX
III-2- 5- 2. Microscope Electronique à Balayage (MEB)
III 2- 5-3 Caractérisation thermomécanique
III.2-5.3.1 Essais de dureté globale (HRB)
III.2- 5.3.2. Essais de traction
Références chapitre III
Chapitre IV : Résultats et discussion
IV- 1 Introduction
IV- 2 Le modes de combustion
IV- 3 Elaboration de l’alliage CuZnAl
IV-3-1 Amorçage SHS
IV-3-2 Effet de la stœchiométrie sur l’amorçage
IV-3-3.Effet de structure
IV-4. Analyse structurale
IV- 4-1. Effet de la stœchiométrie
IV-4-2. Effet de structure
IV-5. Analyse microstructurale
IV-5-1. Effet de stœchiométrie
IV-5-2. Effet de structure
IV-6. Caractérisations thermomécaniques
IV-6-1. Essai de traction
IV-6-1-1. Effet de structure
IV-6-1-2. Effet de stœchiométrie
IV-6-2. Essai de dureté globale (HRB)
IV-6-2-1. Etat martensitique
IV-6-2-2. Etat austénitique
IV-7. Conclusion générale et perspectives
Annexes