Le terme « plastique » est apparu pour la première fois au début du 17ème siècle, ou il était utilisé pour décrire une substance pouvant être moulée ou façonnée. Le terme dérive du grec ancien plastikos, qui se réfère à quelque chose qui convient pour le moulage, et du latin plasticus qui se rapporte au moulage ou à la mise en forme. L’usage moderne du « plastique » a été remis au gout du jour par le chimiste américain L. Baekeland qui, en 1910, mit au point le premier procédé industriel de production d’un polymère synthétique, qu’il nomma la « bakélite » (Fontanille and Gnanou, 2002). Les nombreuses découvertes qui suivirent dans ce domaine furent récompensées par l’attribution de plusieurs Prix Nobel et marquèrent le début de la production en masse de polymères synthétiques, dominants au sein des plastiques (Fontanille and Gnanou, 2002). Leur faible densité, durabilité, imperméabilité, souplesse de formes et leur faible cout font des plastiques des matériaux idéaux pour un large éventail d’applications industrielles et domestiques. Ainsi, du fait du large éventail d’applications que les plastiques offrent, la production mondiale de plastique est passée de 2 millions de tonnes (Mt) en 1950 à près de 350 Mt en 2017 et devrait atteindre 1800 Mt en 2050 (Geyer et al., 2017; Kaza et al., 2018).
Bien que les avantages sociétaux du plastique soient considérables (Andrady and Neal, 2009), ce matériau fait l’objet de préoccupation environnementale croissante (Derraik, 2002; Thompson et al., 2009). En effet, la durabilité du plastique, qui en fait un matériau attrayant, le rend également très résistant à la dégradation, rendant l’élimination des déchets plastiques problématique (Barnes et al., 2009). Exacerbés par l’utilisation massive de plastiques jetables et non réutilisables, les plastiques constituent 10 % des déchets générés dans le monde (Barnes et al., 2009). Alors que certains déchets plastiques peuvent être recyclés, la plupart se retrouvent dans des sites d’enfouissement ou directement dans l’environnement, où leur décomposition peut prendre des siècles (Barnes et al., 2009; Moore, 2008). Ainsi, 60% de tous les plastiques produits entre 1950 et 2015 (soit 4 900 Mt) ont été jetés dans des décharges et dans l’environnement naturel et 3,4 milliards de tonnes devraient subir le même sort au cours des 30 prochaines années (Geyer et al., 2017).
Une inquiétude sociétale et scientifique particulière s’est formée autour de la quantité de plastique entrant dans l’environnement marin et ses effets potentiels sur les animaux y vivant (Gregory, 2009). Ainsi, la partie visible de la pollution plastique des océans dont font partie les gros débris de plastique, appelés « macroplastiques », a attiré l’attention des médias, du grand public et des scientifiques depuis les années 1980. Du fait de cette couverture médiatique, lorsque l’on parle de pollution plastique, nous avons tous en tête ces rivages remplis de déchets, ces tortues prisonnières d’emballages ou encore ces « continents » de sacs flottant à la surface des océans.
Les déchets plastiques, en plus de poser un problème esthétique, posent de nombreux problèmes économiques, avec des répercussions sur l’industrie du tourisme, et un risque pour de nombreuses industries comme le transport maritime ou la pêche (Barnes et al., 2009), mais affectent aussi la faune marine. Ces impacts comprennent les blessures et la mort d’oiseaux marins, de mammifères, poissons et reptiles résultants d’un enchevêtrement ou d’une ingestion (Azzarello and Van Vleet, 1987; Carr, 1987; Derraik, 2002) ou encore le transport des espèces marine « non indigènes » (Winston, 1982). Plus récemment, il a été montré qu’une fois dans le milieu aquatique, les débris de plastiques peuvent concentrer des polluants comme les polluants organiques persistants et les métaux (Mato et al., 2001; Teuten et al., 2009), représenter de potentiels vecteurs de microorganismes (Masó et al., 2003; Zettler et al., 2013) et véhiculer, dans certaines conditions, des espèces invasives susceptibles de bouleverser l’équilibre biologique des régions qu’elles colonisent (Rech et al., 2016). En outre, bien que les plastiques soient généralement considérés comme biochimiquement inertes (Teuten et al., 2009), des additifs, nommés « plastifiants », peuvent y être incorporés au cours de leur fabrication pour modifier leurs propriétés ou prolonger leur durée de vie en fournissant une résistance à la chaleur, aux dommages oxydatifs ou à la dégradation microbienne (Groh et al., 2019). Ces additifs sont également une préoccupation environnementale, car en plus de prolonger le temps de dégradation du plastique, ils peuvent aussi introduire des produits chimiques potentiellement dangereux dans l’environnement (Rochman, 2015).
La préoccupation sociétale et scientifique autour de la pollution plastique en milieu marin est à l’heure actuelle grandissante en réponse aux estimations de la quantité astronomique de ces déchets entrant dans les océans. En effet, Jambeck et al. (2015) ont estimé que 275 millions de tonnes de déchets plastiques ont été générées dans 192 pays côtiers en 2010, avec 4,8 à 12,7 millions de tonnes entrant dans l’océan. Sans amélioration des infrastructures de gestion des déchets, il est prévu que la quantité cumulée de déchets plastiques disponibles entrant dans les océans augmentera d’un ordre de grandeur d’ici 2025. Le problème des macroplastiques, visible et relativement bien documenté, fait maintenant place à une autre préoccupation liée à la pollution plastique, moins visible et par conséquent plus difficile à appréhender : celle des microplastiques (MP).
Malgré les propriétés persistantes du plastique et les efforts importants employés par les industriels de ce secteur pour assurer leur durabilité, les gros débris de plastique se décomposent pour former des macroplastiques (définis ici comme ayant une taille > 25 mm), mésoplastiques (5-25 mm), microplastiques (MP) (<5 mm) et nanoplastiques (NP) (<100 nm). Il n’y a pas de consensus clair dans la littérature sur la définition des tailles de MP et de NP; dans cette thèse, je définirai les MP et les NP comme des débris de plastique avec, respectivement, des diamètres de 100 nm à 5 mm et <100 nm comme prônés par une série d’auteurs (p. ex., Alimi et al., 2018; Arthur et al., 2008).
Les MP peuvent être également définis comme primaires ou secondaires en fonction de leurs origines (Crawford and Quinn, 2016). Les MP primaires sont intentionnellement fabriqués sous forme de particules de petite taille à des fins industrielles incluant les pastilles de préproduction, les microbilles pour abrasifs ou cosmétiques, dentifrices et sablage (Crawford and Quinn, 2016). Les MP secondaires sont les fragments dégradés de gros débris de plastique. La formation de MP secondaires à partir de débris de plastique dépend de l’action de certains facteurs environnementaux comme l’exposition aux ultraviolets, la concentration en oxygène, la température, les forces mécaniques, l’encrassement biologique, ainsi que la taille et la forme des débris (Ter Halle et al., 2016). Par exemple, il a été démontré que 1 cm² d’une tasse de café en polystyrène chauffée à 30 °C pendant une période de 24 h, et exposé à une lumière ultraviolette à 320-400 nm, est capable de produire 1,26 × 10⁸ nanoparticules d’une taille moyenne de 224 nm après 56 jours en eau de mer (Lambert and Wagner, 2016).
La détection de MP en milieu marin remonte aux années 1970. Buchanan (1971) a montré la présence de fibres synthétiques colorées dans les eaux des côtes du Northumberland (Angleterre). De son côté, Carpenter et al. (1972) a mis en évidence la présence de sphère de plastique dans les eaux côtières de Nouvelle-Angleterre (USA), ainsi que dans le système digestif des poissons vivants dans cette région. La première utilisation du terme « microplastique » (MP) n’apparait que longtemps après, en 1990, définissant à l’époque les particules de plastiques de tailles inférieures à 20 mm. Les activités de recherche sur le plastique ont connu une accalmie dans les années 90 (Fig. 2). C’est en 2004 que Thompson et al. (2004) dans leur article fondateur dans le domaine de la recherche sur les MP, nommé «Lost at sea: Where is all the plastic? », montrent que ces particules constituent un polluant marin omniprésent. Ainsi, associé à la publicité autour de la formation du « dépotoir du Pacifique » au niveau du gyre océanique pacifique (Moore et al., 2001) et des agrégations de MP dans d’autres gyres océaniques (par exemple (Eriksen et al., 2014)), ces recherches ont été responsables du regain d’intérêt récent pour le problème des déchets marins et tout particulièrement des MP.
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