Effet des activités non agricoles sur le revenu des
agriculteurs
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA PROBLEMATIQUE DE LA DIVERSIFICATION PAR LES ACTIVITES NON AGRICOLES
Il s’agit dans ce présent travail de recherche, d’analyser l’influence des revenus d’activités non agricoles menées par les ruraux, sur le revenu total des agriculteurs. Une fine connaissance du secteur non agricole est nécessaire à cet égard. Pour ce faire, ce premier chapitre présente dans sa première section le contexte d’évolution et surtout d’échec des politiques agricoles que le Sénégal a connu de l’indépendance à l’alternance, un échec lié à plusieurs phénomènes dont la dégradation des conditions climatiques (sécheresse, érosion). Dans la deuxième et dernière section, une revue de la littérature assez détaillée sur la question de la diversification par les activités non agricoles ainsi que leur relation avec l’agriculture, principale activité économique généralement des zones rurales, sera élucidée. I. L’Evolution des politiques agricoles au Sénégal Depuis plusieurs décennies, le Sénégal développait entre différentes périodes, des institutions publiques et parapubliques dans le secteur agricole à l’image de l’Office de Commercialisation Agricole-OCA et la Banque Sénégalaise de Développement-BSD en 1960, la Société d’Assistance Technique et de Coopération-SATEC en 1964, l’Office Nationale de Coopération et d’assistance au Développement-ONCAD en 1966, la Société de Développement et de Vulgarisation Agricole-SODEVA en 1968, la Société Nationale d’Approvisionnement Rural-SONAR en 1980, la Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal-CNCAS en 1984, le Projet de Modernisation et d’intensification Agricole-PMIA en 1997, l’Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural-ANCAR en 2000, entre autres. Les différents régimes politiques ont également mis en place différentes politiques agricoles pour la relance de l’agriculture, principal secteur pourvoyeur d’emplois. Ainsi, trois grandes périodes ont marqué l’évolution du secteur agricole au Sénégal : Celle d’avant 1980 ou Période de l’Etat Providence Celle d’après 1980 ou période des ajustements structurels Celle des années 2000 sous le régime de l’alternance. 10 A. La Période de l’Etat Providence Les politiques agricoles de cette période constituent un prolongement de la politique de spécialisation héritée de la colonisation. Elles étaient frappées par la présence très marquée de l’Etat. Le contexte économique était favorable à cette présence étatique, nécessitant beaucoup de moyens financiers grâce à l’exportation des matières premières surtout agricoles (l’arachide principalement), qui bénéficiaient d’un bon prix sur les marchés mondiaux. Cela donnait à l’Etat les moyens de sa politique agricole (Tounkara et al. 2015). L’arachide étant la principale culture commerciale, l’Etat du Sénégal a mis en place dès 1960 dans le cadre de son Programme Agricole, l’OCA et la BSD pour nationaliser tout le commerce arachidier. Cette dernière avait pour rôle de financer les vivres, les semences, le matériel et les produits nécessaires au monde rural et fut remplacée par la Banque Nationale de Développement du Sénégal-BNDS. L’OCA quant à elle, avait trois missions : le monopole de la commercialisation, l’exportation des arachides et l’approvisionnement du pays en céréales importées, et enfin la promotion du milieu rural par le biais des coopératives (Mbodj, 1992). Toujours dans la volonté étatique de mise en place de services publics et parapublics, l’Etat crée en 1964 la SATEC. Cette dernière assurait l’extension des activités dans le Bassin arachidier et avait pour mission la gestion de la politique de promotion de la traction animale, de l’utilisation de la fumure et du traitement des semences entre autres. Elle fut par la suite remplacée par la SODEVA qui avait comme objectif principal, l’amélioration du revenu paysan, et les principaux moyens d’action consistaient à diffuser des thèmes techniques simples et à fournir aux cultivateurs l’outillage et les produits modernes adaptés à ces thèmes (Roch et Rocheteau, 1971). En 1966, alors que l’économie sénégalaise faisait signe de forte vulnérabilité avec la baisse des cours de l’arachide, l’Etat décide alors de faire des économies d’échelle, donc de réduire les frais de fonctionnement des diverses structures gouvernementales déployées sur le terrain en les regroupant dans un grand Office National de Coopération et d’assistance au Développement (Mbodj, 1992). Créée en 1966, l’ONCAD remplace alors l’OCA, les coopératives et les Centre Régionaux d’Assistance au Développement-CRAD chargés auparavant de l’inspection régionale des coopératives et la BNDS (IPAR, 2015 ; Mbodj, 1992). Si cette institution a été créée pour le bien-être des paysans et la bonne santé du secteur agricole sénégalais, elle n’a finalement pas répondu aux attentes. Ce qui en tient lieu, l’ONCAD va avoir un impact si important qu’il 11 constitue la principale cause de la crise des années 1970. Il constitue l’aspect le plus visible de l’échec de la politique agricole du Sénégal. Il lui est reproché ainsi des retards dans la mise en place des moyens de production, des gaspillages, un manque d’efficacité et d’avoir employé un personnel qui ne possédait pas en bien des cas la rigueur nécessaire et la formation suffisante pour assurer les tâches qui lui étaient confiées. De ce fait, quelques scandales financiers viennent souvent ternir la réputation de l’ensemble. Elle fut dissoute en 1980 laissant un déficit budgétaire colossal et fut remplacée par la Société Nationale de Commercialisation des Oléagineux du Sénégal-SONACOS (IPAR, 2015 ; Mbodj 1992). Les politiques de l’Etat providentiel ont connu un échec considérable, plongeant ainsi le pays dans une crise de liquidités profondes qui affectait l’économie. Ce qui a animé des perspectives de réformes structurelles. La majeure partie des pays de l’Afrique au Sud du Sahara, après avoir connu des déficits budgétaires de leur balance des paiements, ont été conduit à adopter des politiques d’ajustement (Guillaumont, 1993). Le Sénégal s’est ainsi tourné vers la Banque mondiale qui était prêt pour tester un mécanisme de prêt d’ajustement structurel qu’elle venait de mettre au point et signe à cet effet un accord de facilité élargi avec le FMI. Cette période des années 80 marque ainsi le début de la deuxième étape de l’évolution des politiques agricoles au Sénégal. Elle correspond également à l’étape des ajustements.
La période des Politiques Agricoles Libérales
Les cycles de sécheresse des années 70 qui ont occasionné des chutes de rendements et la détérioration des termes de l’échange international avaient contribué à étrangler financièrement l’Etat, qui s’est mis face à une politique de subvention sévèrement affectée (Tounkara et al. 2015). A cela s’ajoutaient le problème de la dette causé par la crise profonde de liquidité – élucidé dans la partie précédente – et le changement d’idéologie notamment la percée du libéralisme qui affectait d’ailleurs toute l’économie et non pas seulement le secteur agricole. De la fin des années 70 au tout début des années 90, s’étaient mis en place trois programmes économiques : un Programme de Stabilisation en 1979, un Plan de Redressement Economique et Financier-PREF de 1981 à 1984 et un Programme d’Ajustement Economique et Financier à Moyen et Long Terme-PAMLT de 1985 à 1992. Ces programmes économiques qui avaient profondément touché le secteur agricole, étaient mis en place dans l’esprit de créer un 12 environnement propice à la relance de la production agricole, mais surtout de désengager l’Etat, de rétablir les déséquilibres macroéconomiques et de responsabiliser les paysans (Sy et al. 1993 cité par Tounkara, 2015). Ils s’inscrivaient également dans la droite ligne des plans d’ajustement structurels mis en place pour deux principales raisons. D’une part, la balance commerciale déficitaire place le pays dans une position inconfortable. En effet, le manque de devises fait planer un risque de rupture des flux d’importations et le spectre du non remboursement de la dette. D’autre part, le déficit des finances publiques, dû en partie à la chute des prix des matières premières surtout agricoles, ne permet pas d’investir dans le renforcement des capacités de production. A cela s’ajoute la suppression des soutiens à l’arachide réorientés vers les céréales. Il en résulte logiquement une crise du secteur arachidier au point que les exportations d’arachide ne suffisent plus à financer les importations de riz (Dieng, 2005). Le recours à l’emprunt pour couvrir ce besoin, augmente l’endettement (Labonne, 1994 cité par Tounkara, 2015). Ce qui rend nécessaire une réaction à moyen terme, au moins, pour faire face à cette situation inconfortable, d’où l’adoption d’une politique économique nouvelle dans laquelle le secteur agricole jouera sa partition. La Nouvelle Politique Agricole-NPA est née à cet effet en 1984. Elle met fortement l’accent sur une intensification des efforts de la nation sénégalaise, au seul profit des vrais acteurs et bénéficiaires du développement agricole que sont les producteurs, en libérant ceux-ci des différentes contraintes structurelles négatives et en les rendant maitre de leur destin (République du Sénégal, NPA, 1984). Cette nouvelle politique avait comme principaux objectifs, la promotion du privé, la responsabilisation des paysans, l’amélioration des conditions de vie du monde rural, la satisfaction de l’autosuffisance alimentaire à 80% en 2000. Toutefois, l’application de celle-ci nécessitait la mise en place d’un certain nombre de mesures à savoir la suppression des subventions aux intrants agricoles, le legs du système de crédit au secteur privé et la libéralisation de la commercialisation des céréales. Au demeurant, des effets négatifs ont été notés par la suite. Dieng (2005) montre dans sa Revue des politiques agricoles au Sénégal, que l’objectif de réduire l’intervention de l’Etat et d’augmenter l’investissement du secteur privé, a laissé un vide sur le marché et occasionné de fortes baisses de la consommation d’engrais. En plus, la valeur des importations de céréales tendait à excéder la valeur des exportations d’arachides. Autrement dit les exportations agricoles ne permettaient plus de payer les importations agricoles et cet état de faits était très éloigné des objectifs de la NPA. D’ailleurs selon le Bureau d’Analyses MacroéconomiquesBAME, ces objectifs n’étaient pas réalisables compte tenu de l’environnement de l’époque 13 qui était selon Tounkara et al. (2015) peu incitatif en raison des aléas climatiques et de la dévaluation du Franc CFA. Ainsi, à la suite de la dévaluation du Franc CFA et dans un souci de corriger les dysfonctionnements notés dans l’exécution de la NPA, mais aussi de se conformer aux exigences des institutions financières, l’Etat a mis en place la Politique d’Ajustement du Secteur Agricole-PASA dont la mise en exécution est assurée via la Lettre de Politique de Développement Agricole-LPDA d’avril 1995 (Direction de la Prévision et des Etudes Economiques-DPEE, 1995). Elle n’était en réalité que l’aboutissement en termes d’actions concrètes de la NPA. En effet, elle avait fini par confirmer le retrait de l’Etat dans les activités de production, de transformation, de promotion et de commercialisation des produits et intrants agricoles. Cette politique d’ajustement a continué jusqu’à la fin du régime socialiste avant d’être remplacée par celui de l’alternance. C. La période de l’alternance : 2000 à 2012 Après l’accession au pouvoir du régime de l’alternance et suite aux échecs successifs des politiques agricoles antérieures, le gouvernement décide alors de mettre en place une nouvelle approche plus globale des questions agricoles afin de replacer l’agriculture au cœur de la stratégie d’une croissance forte et durable. C’est dans ce contexte que la Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale-LOASP a été initiée en 2004, le Plan Retour vers l’Agriculture-REVA en 2006 et la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance-GOANA en 2008. La LOASP vise à définir le cadre général de la politique agricole du Sénégal sur une durée de vingt ans. Ce projet de loi se fixait comme objectifs : la réduction de la pauvreté en milieu rural, l’amélioration du niveau de vie des agriculteurs, leur maintien dans leurs terroirs autant que possible, la réduction de l’insécurité alimentaire, la réalisation de la souveraineté alimentaire, le désengagement de l’Etat. Cette loi a quasiment les mêmes fondements et les mêmes objectifs que les autres politiques qui l’ont précédée. La seule différence est le financement qui a été assuré par le Sénégal et non par les Institutions internationales comme à l’accoutumé. Elle était fixée à l’horizon 2020 mais une nouvelle politique en l’occurrence le Programme d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise-PRACAS fut instaurée avec le nouveau régime qui ne nous permet pas encore de tirer une conclusion par rapport à son efficacité. 14 Pour mettre en œuvre cette loi d’orientation le plan REVA a été mis en place en 2006, succédant ainsi à plusieurs programmes spéciaux agricoles. Il devait permettre de freiner l’émigration clandestine vers l’Europe qui faisait des ravages parmi les jeunes valides. La perspective poursuivie était de créer une dizaine de pôles d’émergence sous la forme de fermes villageoises pour retenir les jeunes ruraux dans leurs terroirs respectifs et de travailler la terre. Ce qui éloignerait d’eux toute tentative de s’adonner à des aventures aussi périlleuses que dangereuses. L’Agence Nationale REVA fut créée en 2008 pour exécuter le programme. L’objectif cependant de création des 7000 emplois dans le domaine agricole n’a pas été réalisé (Oya et Ba, 2013). Parallèlement, la GOANA fut un autre instrument de politique agricole mis en place en 2008 suite à la crise alimentaire mondiale de 2007-2008. Elle avait pour objectif global d’augmenter significativement la production agricole nationale notamment les cultures vivrières, augmenter la production du lait et de la viande, contribuant à la satisfaction des besoins alimentaires du pays (Diouf, année non mentionnée). Ce programme devait relever le défi de la souveraineté alimentaire, écarter tout risque de disette ou de famine et produire pour l’abondance. L’objectif de 2 millions de tonnes de maïs, de 3 millions de tonnes de manioc et de 2 millions de tonnes d’autres céréales étaient loin d’être atteint. D’ailleurs, Oya et Ba (2013) affirment que les politiques agricoles entre 2000 et 2012 sont plutôt caractérisées par une incohérence stratégique, que les visions affichées ont été basées sur de grands objectifs, mais qu’elles ont souvent été très peu réalistes. Ainsi de l’indépendance à nos jours, il est noté une succession de politiques et de programmes spéciaux agricoles au Sénégal. La multiplicité des réformes épisodiques appliquées n’a pas réussi à rendre économiquement attractifs les facteurs d’intensification de la production (Diagana et al. 1996). Toutefois, à côté de l’échec de ces politiques se posent d’autres contraintes en l’occurrence celles liées aux facteurs physique.
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