Formation hystérèse, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
Hystérèse de la sorption d’humidité
Il est reconnu qu’à une température fixe et à une humidité relative de l’air donnée les équilibres atteints au terme d’une perte (désorption) ou d’une prise (adsorption) d’humidité diffèrent sensiblement les uns des autres (Hernández 1989). Ce phénomène, connu depuis longtemps, est désigné comme hystérèse de la sorption d’humidité, et il est montré à la figure 1, pour le bois d’érable à sucre à 21ºC. Ce graphique montre les écarts entre l’adsorption d’humidité à partir de l’état anhydre et la désorption depuis l’état de saturation des membranes (expérience n°3).
Puisqu’elle est formée après des changements hygrothermiques entièrement de même sens, une telle boucle représente en principe l’enveloppe des variations possibles d’équilibre d’humidité d’un bois à la température considérée (Urquhart 1960). La boucle d’hystérèse de sorption s’obtient effectivement dans les conditions limites, dans le sens qu’elles tendent constamment à faire augmenter ou diminuer la teneur en humidité du bois. Néanmoins, en faisant varier la température ou l’humidité relative de l’air ou les deux à la fois, certains changements pourraient se manifester (Djolani 1970).
D’autre part, selon Djolani (1970), l’orientation et surtout les dimensions des éprouvettes n’affectent pas l’hystérèse de la sorption. Ces mêmes résultats ont été rapportés par Goulet et Fortin (1975) et Laforest et Plamondon (1976) qui mentionnent que l’orientation et surtout les dimensions des éprouvettes affectent la vitesse des échanges d’humidité, mais sans toutefois influencer l’hystérèse de sorption.
Figure 1. Isothermes de sorption d’humidité du bois d’érable à sucre à la température de 21°C (d’après Goulet 1968).
Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer le phénomène d’hystérèse de sorption. Selon Djolani (1970), une première théorie encore acceptée aujourd’hui est celle d’Urquhart et Williams (1924). Elle fait appel essentiellement aux liaisons hydrogènes des matières ligno-cellulosiques: ces dernières sont les principaux responsables de la sorption des molécules d’eau qu’elles attirent mais elles tendent aussi, quoique à un degré moindre, à s’attirer les uns les autres c’est-à-dire à se saturer mutuellement. Ces dernières liaisons seraient plus nombreuses à l’état anhydre qu’à l’état saturé, ce qui explique en partie les effets de premier ordre de la sorption d’humidité dans le bois, entre autres sa plus grande résistance mécanique à l’état sec qu’à l’état humide. Dans ces conditions, elles seraient aussi plus nombreuses à l’adsorption qu’à la désorption, rendant aussi l’accès aux groupements hydroxyles plus difficile dans le premier cas que dans le second, ce qui expliquerait également l’hystérèse de la sorption d’humidité. La boucle d’hystérèse pourrait également avoir comme origine les différents taux de cristallinité de la matière ligno-cellulosique dont l’effet pourrait être plus que proportionnel aux différences elles-mêmes (Ant-Wuorinen et Visapää 1960; Treloar 1963). Une autre théorie est celle de Malmquist (1958, 1959), qui fait appel à une « structure hystérésique » des membranes ligno-cellulosiques, c’est-à-dire à une structure qui serait différente à l’adsorption et à la désorption; plus exactement la matière ligneuse présenterait une plus grande cohésion dans le premier cas que dans le second. La plupart des hypothèses susmentionnées se rapportent à l’hystérèse obtenue à de faibles valeurs de teneurs en humidité d’équilibre et selon Djolani (1970) les trois explications précédentes sont compatibles entre elles.
Hystérèse à saturation d’humidité
L’hystérèse à saturation est définie comme étant la différence entre les équilibres atteints en désorption aux humidités élevées et celui atteint à partir d’une saturation des membranes. Le phénomène a été noté auparavant par divers auteurs (Barkas 1949; Higgins 1957; Spalt 1957), bien que c’est Goulet (1967) qui nomme le phénomène «hystérèse à saturation d’humidité».
La figure 1 présente cette caractéristique pour trois expériences, lesquelles ont été réalisées à l’aide de la technique des solutions salines saturées. Pour l’expérience 3, la désorption a eu lieu à la suite d’une saturation des membranes dans l’air humide, tandis que dans les autres expériences, la désorption a été précédée d’une saturation dans l’eau liquide. Cette divergence arrive au dessus de 60% (HR), et a été considérée comme étant propre à la première désorption (Higgins 1957; Spalt 1957; Goulet 1968). Skaar (1988) a attribué à tort ce phénomène à une perte initiale irréversible de l’hygroscopicité du bois vert ou saturé d’eau. Cependant, plusieurs travaux démontrent que ce phénomène est plutôt reproductible (Goulet 1968; Djolani 1970; Fortin 1979; Hart 1984; Cloutier et Fortin 1991; Goulet et Hernández 1991; Hernández et Bizoň 1994; Almeida et Hernández 2006a, 2006b; Hernández et Pontin 2006).
Les isothermes de sorption du bois de la pruche de l’Ouest obtenues à l’aide de la technique de la membrane poreuse sous pression à 21ºC, sont présentées à la figure 2. La technique de la membrane poreuse sous pression permet de mieux contrôler la quantité de vapeur d’eau à des humidités relatives élevées, en facilitant l’obtention des valeurs précises de teneur en humidité d’équilibre à proximité de la pression de vapeur d’eau saturée, soit au dessus de 96% (HR). Dans le domaine des humidités relatives élevées, la boucle d’hystérèse s’élargit grandement. Ainsi, la figure 2 montre un fort comportement hystérétique qui est attribué, selon Fortin (1979), à la présence du phénomène dit « de la bouteille d’encre » provoqué par la variation de la dimension des capillaires dans le bois. En effet, le bois est composé de cavités cellulaires interconnectées en série par des canaux plus étroits. Cette variation de la dimension entre les différents types de cavités connectées en série suggère que la désorption est contrôlée par les plus petits pores, et l’adsorption par les plus gros pores. La courbe de désorption est fortement influencée par le diamètre des canaux qui relient les cavités cellulaires, tandis que la courbe d’adsorption est surtout régie par le diamètre de ces cavités. Les données de teneur en humidité d’équilibre du bois à des humidités relatives si élevées sont très importantes puisque c’est dans cette région que les forces capillaires agissent sur l’eau libre dans le bois.
La technique de la membrane poreuse introduit le concept de potentiel hydrique (ψ), et elle a été utilisé auparavant par plusieurs chercheurs (Robertson 1965; Stone et Scallan 1967; Griffin 1977; Fortin 1979; Cloutier et al. 1995; Almeida et Hernández 2006a, 2006b; Hernández et Pontin 2006). Également une continuité entre les courbes de désorption obtenues à l’aide de la technique des solutions salines saturées et celle de la membrane poreuse sous pression à été démontrée par Cloutier et Fortin (1991), Hernández et Bizoň (1994), Zhang et Peralta (1999), Almeida et Hernández (2006a, 2006b), Hernández et Pontin (2006). Cela confirme ainsi que la méthode de la membrane poreuse est adéquate pour la détermination de la teneur en humidité d’équilibre dans le bois dans des conditions élevées d’humidité relative (figure 3).
Figure 2. Équilibre hygroscopique moyen, établi à l’aide de la technique des plaques et membranes poreuses sous pression, aux humidités très élevées. Aubier de pruche de l’ouest à 21°C (d’après Fortin 1979).
D’ailleurs, la figure 4 montre deux isothermes de désorption du bois de chêne rouge, où l’axe de l’humidité relative de l’air est présenté en échelle logarithmique pour mieux étaler les valeurs à proximité du PSF (Zhang et Peralta 1999). L’adsorption et la désorption capillaire sont étroitement liées à la structure poreuse. De cette manière, à des valeurs élevées d’humidité relative la boucle d’hystérèse est reliée à la taille et à la distribution de pores dans le bois.
Figure 3. Teneur en humidité d’équilibre en fonction du potentiel hydrique du bois de congona, cachimbo, et hêtre à 25°C (d’après Almeida et Hernández 2006b). Les valeurs à -100 ψ représentent la saturation maximale en-dessous de l’eau distillée; les symboles noirs sont les valeurs obtenues par la méthode de la membrane poreuse sous pression et les symboles blancs sont les valeurs obtenues par la méthode de solutions salines saturées (l’erreur type est montrée seulement quand elle dépasse la taille du symbole).
Figure 4. Isothermes de désorption en fonction du potentiel hydrique du bois de chêne rouge à 30 et 55°C (d’après Zhang et Peralta 1999).
Effet de l’hystérèse à saturation sur les propriétés du bois
Il est reconnu que la teneur en humidité d’équilibre affecte plusieurs propriétés du bois au-dessous de la saturation de membranes, tandis qu’au-dessus de celle-ci ces propriétés demeurent inchangées (USDA 1974; Siau 1984; Skaar 1988). Ainsi, il y a une augmentation de la résistance mécanique du bois avec la diminution de la teneur en humidité au-dessous de la saturation de membranes, alors qu’elle reste inchangée au-dessus de celle-ci (Bodig et Jayne 1982). Une perte d’humidité des parois cellulaires provoque une augmentation des propriétés mécaniques tandis qu’une perte d’eau liquide logée dans les cavités cellulaires n’a aucun effet. Ce paramètre est souvent utilisé dans les modèles d’ajustement des propriétés mécaniques en fonction de la teneur en humidité du bois (Bodig et Jayne 1982), de même que pour les modèles d’ajustement de la densité et du retrait du bois (Skaar 1988; Tsoumis 1991; Siau 1995).
Toutefois, la validité de cette affirmation a été remise en question suite à des travaux qui ont montré des résultats divergents. Par exemple, Stevens (1963) a rapporté que le retrait du bois de hêtre a débuté au-dessus du PSF (figure 5). Ses valeurs de retrait ont été obtenues à l’équilibre d’humidité de telle manière que la présence d’un gradient d’humidité comme étant la cause possible du début du retrait semble peu probable. Goulet (1968) a constaté que la compression radiale du bois d’érable à sucre est affectée à 37% (Hé), alors que la saturation de membranes de ce bois est d’environ 30% (H) (figure 6). Également, Goulet et Hernández (1991) ont mesuré l’influence de la teneur en humidité sur la traction tangentielle du bois d’érable à sucre à plusieurs conditions d’humidité dont certaines près de son PSF. Bien que ses résultats à la désorption n’ont été réalisés que jusqu’à 26% (Hé), l’allure de courbes obtenues par ces auteurs leur a permis de supposer que l’effet de la teneur en humidité du bois pourrait se prolonger même au-dessus de la saturation des membranes. Ce phénomène a été relié à l’hystérèse à la saturation, laquelle affecte la sorption du bois au-dessus de 63% (HR), (Hernández 1983). Cette hystérèse implique que durant la désorption, la perte d’eau hygroscopique commence avant que toute l’eau liquide soit enlevée du bois.