Fécondation et reproduction
O. niloticus ainsi que les autres espèces de tilapias, a un taux de reproduction élevé. La fécondation peut varier de quelques centaines d’œufs à plusieurs milliers par ponte et la fréquence de ponte fluctue entre trois (3) et sept (7) fois par an (Mires, 1982).
En outre lorsque les conditions deviennent défavorables (par exemple : étang de pisciculture, zones nouvellement inondées), les tilapias sont susceptibles de se reproduire précocement (Fryer et Iles, 1972). Selon Melard (1986), la fécondité absolue minimale est de 340 ovules pour la femelle de 28 g, et la fécondité maximale est de 3500 ovules pour un poisson de 550 g.
Par ailleurs, le genre Oreochromis est caractérisé par une incubation buccale maternelle de la progéniture. Dans le milieu naturel, le mâle construit un nid dans des zones peu profondes (1m) et établit un territoire qu’il défendra en exprimant un comportement agressif vis-à-vis des intrus (Fisheston, 1967 ; Trewavas, 1983).
Suite à la parade nuptiale, la femelle dépose ses œufs dans le nid du mâle, ce dernier les féconde puis la femelle les reprend en bouche pour l’incubation.
La femelle quitte ensuite le nid pour rejoindre des zones plus profondes et le mâle peut se reproduire avec une autre femelle (Trewavas, 1983).
L’éclosion a lieu dans la bouche de la femelle quatre (4) à cinq (5) jours après fécondation à une température comprise entre 27 et 28°C.
A l’âge de 11 à 12 jours, la vésicule vitelline est complètement résorbée. Dès lors, les alevins sont capables de prendre de la nourriture exogène et de s’affranchir progressivement de la protection maternelle.
Régime alimentaire d’ O. niloticus
Etant donné que ses arcs branchiaux disposent de branchiospines, l’eau qui y transite est véritablement filtrée de son plancton. Cette espèce est donc, en milieu naturel, essentiellement phytoplanctonophage et consomme de multiples espèces de chlorophycées, cyanophycées, euglènophycées, etc., ce qui ne l’empêche pas également d’absorber du zooplancton et même de sédiment riches en bactéries et diatomées.
Mais en milieu artificiel, cette espèce est pratiquement omnivore (euryphage) valorisant divers déchets agricoles (tourteaux, drêches de brasserie, etc.), tirant partie des excréments de porcs ou de volaille, de déchets ménagers, et acceptant facilement des aliments composés sous forme de granulés, etc. Cette capacité d’acceptation à divers aliments et déchets est phénoménale et est à la base de sa haute potentialité pour la pisciculture (FAO, 1989).
La croissance
O. niloticus présente une extrême plasticité de croissance en fonction des conditions environnementales. Par exemple à l’âge de sept (7) mois, Melard (1986) nous décrit différents poids corporels en fonction des milieux :
650g en étang riche en nourriture naturelle (pas de compétition).
300g pour des poissons élevés en bassins à forte densité et recevant une alimentation artificielle abondante (cette valeur correspond à la croissance moyenne obtenue lors des diverses expériences réalisées en bassins.
18g en milieu naturel (lac Tchad, Low Macconnell, 1982) où la nourriture est abondante et la compétition plus intense.
Cependant de manière générale, O. niloticus présente un indice de croissance plus performant que les autres espèces de tilapias (Pauly et al, 1988). Sa durée de vie est extrêmement variable selon le milieu.
Dimorphisme sexuel
Chez O. niloticus le dimorphisme sexuel apparaît principalement au niveau de la papille génitale : chez les mâles, celle-ci est allongée alors que chez les femelles, elle est fort courte et présente en son milieu une fente transversale (ovuducte) située entre l’anus et l’orifice urétrale.
Cette caractéristique permet de distinguer aisément les mâles et les femelles lorsqu’ils atteignent un poids de 25 à 30 g et une taille de 10 à 12 cm (Melard, 1986).
Une autre grande caractéristique de cette espèce concerne son dimorphisme sexuel de croissance en faveur des mâles. En effet, ce dimorphisme sexuel de croissance a été observé par de nombreux auteurs dans diverses conditions d’élevage (Micha, 1974 ; Guerrero, 1975 ; Coche, 1976, 1982 ; Ruwet et al, 1976 ; Bondari, 1982).
Ce dimorphisme de croissance provient non seulement d’un patron de croissance différent entre mâle et femelle, mais surtout du fait que les femelles incubent leurs œufs, ne s’alimentent pas durant cette période. Ainsi donc dès que les individus placés dans des conditions environnementales identiques, atteignent l’âge de maturité, la vitesse de croissance des femelles ne représente que 60% de celle des mâles (Melard, 1986). Ce phénomène justifie, de ce fait, l’intérêt de réaliser des populations monosexes mâles.
Techniques de masculinisation des individus d’Oreochromis niloticus
Chez O. niloticus, les mâles présentent un potentiel de croissance plus élevée que celle des femelles (Hanson et al, 1983 ; Melard, 1986).
C’est pour cette raison que l’élevage des populations monosexes mâles de ce tilapia est la méthode la plus utilisée en aquaculture. Actuellement plusieurs procédés permettent d’obtenir des populations monosexes mâles chez le tilapia. Parmi ceux-ci, on peut citer le sexage manuel, l’hybridation, l’inversion hormonale au moins du méthyl testostérone (Wohlfart et Hulata, 1981 ; Guerrero, 1982 ; Hunter et Donaldson, 1983), l’utilisation de géniteurs à génotypephénotype opposés (Pandian et Varadaraj, 1980 ; Machintosh et Little, 1995 ; Mair, 1997) et l’inversion par les facteurs environnementaux comme les hautes températures (Baroiller et al, 1996 ; Desperez et Melard, 1998).
Le sexage manuel consiste à trier les mâles des femelles par observation de leur papille génitale. Cette technique demande non seulement beaucoup de mains d’oeuvre, du temps, mais présente également une marge d’erreurs de 10% (Chervinsky et Rothbard, 1982 ; Melard et al, 1989).
L’hybridation interspécifique ( : exemple croisement de femelle O. niloticus XX avec un mâle O aureus de mâle ZZ) qui engendre en théorie des sexes ratio de 100% mâles (ZX) sont en pratiques aléatoires (100 à 60 % de mâles Majumdar et Marc Andrew, 1983 ; Hulata et al, 1980 et 1983). Ce qui suggère l’existence d’un déterminisme polygénique du sexe.
Matériel et méthodes
Matériel biologique
L’espèce utilisée est Oreochromis niloticus de la vallée du fleuve Sénégal élevée à la station piscicole de Richard-Toll.
La présence de rayures verticales blanches et noires sur la nageoire caudale est l’une des principales caractéristiques de cette espèce. Chez O. niloticus, le dimorphisme sexuel apparaît principalement au niveau de la papille génitale : chez les mâles, celle-ci est allongée alors que chez les femelles elle est fort courte et présente en son milieu une fente transversale (oviducte) située entre l’anus et l’orifice urétral. Cette caractéristique permet de séparer aisément les mâles des femelles lorsqu’ils atteignent un poids de 25-30 g correspondant à 10 – 12 cm.
Position systématique
Les tilapia appartiennent à l’ordre des Perciformes, à la famille des Cichlidae et à la sous-famille des Tilapiinae. Cette sous-famille compte plus de 70 espèces appartenant à 10 genres (Trewavas, 1983) dont trois principaux caractérisés par leur comportement parental. Le genre Oreochromis regroupe les espèces chez qui la femelle assure l’incubation buccale de la progéniture alors que chez les espèces du genre Sarotherodon c’est le mâle et exceptionnellement les deux parents qui se chargent de cette protection. Les espèces du genre Tilapia sont caractérisées par une ponte sur substrat associée à une garde parentale.
Répartition géographique
L’espèce présente une grande distribution géographique couvrant les bassins du Tchad, du Nil, du Niger et du Jourdain. Originaire du haut Nil, elle a d’abord progressé vers le sud colonisant tous les lacs du Graben jusqu’au lac Tanganyika ; par les bassins du Tchad et du Niger. Elle a aussi colonisé le centre et l’ouest de l’Afrique. O. niloticus a été ensuite disséminée au cours des dernières décennies à travers les différents continents pour les besoins de la pisciculture essentiellement (Pullin, 1996).
Exigences écologiques
O. niloticus est un poisson thermophile dont la distribution géographique est principalement déterminée par la température et surtout par les basses températures. Dans son habitat naturel, cette espèce peut rencontrer des températures comprises entre 14 et 33°C, mais dans des conditions de laboratoire, elle tolère des températures extrêmes de 7 ° C à 41°C pendant plusieurs heures (Balarin et Haton, 1979).
O. niloticus vit dans les eaux dont la salinité est comprise entre un minimum de 0.015 %o et un maximum de 30 %o (Philippart et Ruwet 1982) et le pH varie de 8 à 11 (Georges, 1976)
O.niloticus survit durant plusieurs heures à des teneurs en oxygène dissous très faibles de l’ordre de grandeur de 0,1 ppm (Magid et Babiker, 1975, Melard et Philippart, 1981 a et b).
Cette extrême tolérance à l’égard des conditions du milieu explique qu’O. niloticus a colonisé des habitats très différents (rivière rapide, lentes, lacs profonds, peu profonds, eaux très faiblement ou très fortement minéralisées, etc.…) qui correspondent à des conditions physiques (température, turbidité, …) et chimiques (oxygène, pH, salinité,…) extrêmement variées (espèce eurytope).
O. niloticus est principalement phytoplanctonophage mais peut aussi ingérer des algues bleues du zooplancton ainsi que les sédiments riches en bactéries et en diatomées.
Protocole expérimental
Les larves utilisées pour cette expérience proviennent des œufs récoltés de la cavité buccale d’une femelle d’Oreochromis niloticus pêchée dans un étang de reproduction de la station piscicole de Richard Toll. (Figure 1 A).
Les œufs récoltés ont été incubés dans des bouteilles de Zoug (27 °C, 12 L : 12 N) en circuit fermé de 500 L (Figure 1 B). L’éclosion a lieu 32 heures après, avec un succès estimé à 98 %. Les embryons ont été ensuite stockés en aquarium de 50 litres en circuit fermé (26°C, 12L : 12N) pendant 24 heures et ce, afin d’attendre la fin de la dynamique de mortalité post –éclosion, dans l’optique de ne pas introduire dans les lots expérimentaux des poissons susceptibles de décéder au cours des heures suivant la mise en charge. Le second objectif de cette attente est de s’assurer que les poissons sont capables de s’alimenter sur une alimentation exogène dés le début de l’expérience.
L’expérience est réalisée dans un circuit fermé comprenant 6 aquariums disposés en deux rangées, d’un bac de pompage d’une capacité de 500 litres et d’un système de filtre composé de 4 éléments. Chaque aquarium a une contenance de 50 litres (25 cm x 50 cm x 40 cm). L’eau est pompée du bac dans les aquariums à l’aide d’une pompe immergée placée dans le bac de pompage. Un ensemble de diffuseurs d’air connectés à une turbine, permet d’assurer l’oxygénation et le dégazage de l’eau dans le bac de pompage.
Détermination du sexe phénotypique
Le sexage a été réalisé par la méthode acéto-carmin squash (Guerrero & Shelton, 1974) sur des poissons au préalable sacrifiés par immersion dans une solution saturée en 2 -phénoxy-éthanol. Chaque poisson était disséqué, ses gonades prélevées sous loupe binoculaire, placé entre lame et lamelle, colorés à l’acéto – carmin et examiné au microscope optique (grossissement : 100 x).
Les individus dont les gonades contiennent exclusivement des ovocytes sont classés comme femelles (F) et ceux dont les gonades contiennent exclusivement des tissus lobulaires comme mâles (M). Les individus présentant des gonades contenant les deux types de tissus étaient classés comme intersexués (I). Trois catégories d’intersexués ont été distinguées, suivant que le tissu mâle soit prédominant (IM), que le tissu femelle soit prédominant (IF) ou que les deux tissus soient présents en proportions apparemment équivalentes (IFM). A l’occasion du sexage, les poissons étaient systématiquement pesés (0,01) et mesurés (longueur totale, mm).
Calcul de l’optimum thermique de croissance
Le calcul de l’optimum thermique de croissance (T°opt) chez les poissons se fait par la comparaison entre poissons de poids corporels initiaux strictement identiques, à partir desquels sont réalisés des modèles polynomiaux liant croissance et température de l’eau. Dans notre expérience, cette condition n’était remplie que pendant la première semaine. Baras et al (2001) ont proposé un protocole permettant de recalculer T°opt dans un contexte expérimental similaire au nôtre. La démarche consiste à produire un modèle général de croissance en fonction des variables, poids corporel et température, à partir duquel T°opt est déduite pour des poissons de poids différents. A terme, la comparaison des T°opt modélisées avec le poids corporel permet de décrire la variation ontogénétique de T°opt sur la gamme de tailles considérée. Le modèle proposé est de nature bilogarithmique et multiple et, est obtenu par l’analyse de régression pas à pas :
Log (1+SGR)vs Log(P), Log (P), log(T°), Log (T°)², Log (P) x Log(T°) et Log(P) x [Log(T°)]² où P est le poids (mg) au début de chaque semaine d’élevage et T° est la moyenne hebdomadaire de la température de l’eau.
Résultats et discussions
Résultats
Dans l’ensemble les conditions expérimentales (température et qualité de l’eau) ont été respectées sauf que l’oxygénation a connu quelques perturbations dues aux délestages. Faute de quoi, on n’a pas pu maintenir l’oxygène à saturation pendant toute la durée de la première semaine des expérimentations, et à des valeurs satisfaisantes (toujours supérieures à 6 mgL-1). Au cours de la première semaine, une forte mortalité a été observée au sein de tous les lots. Afin de réduire au maximum la pollution du milieu d’élevage, nous avons procédé à un siphonage régulier des aquariums une heure après chaque nourrissage.
Effet du régime thermique sur la croissance et la survie
Croissance et hétérogénéité des tailles
Le tableau 3.1 comporte la variation du poids moyen individuel (Pm ± SD ; g) et du coefficient de variation (CV, %) du Pm de O. niloticus à 7 ; 14 et 21 jours postéclosion, en fonction du régime thermique.
Au terme des trois semaines d’élevage, les poids moyens des poissons étaient comparables entre (p> 0.05) réplicats mais différents significativement entre traitement (ANOVA, F : = ; p < 0,001) .La croissance elle aussi était proportionnelle à la température d’élevage (figure 3.1).C’est ainsi que la croissance la plus forte était observée au sein des lots à 32°C (Pm = 520 mg) et la plus faible à 26 °C (Pm = 240).
Le tableau 3.2 donne, pour chaque semaine d’élevage, les vitesses de croissance spécifique (SGR en %) et pondérale (G en g/ j) qui seront utilisées pour la modélisation de la croissance.
Comme indiqué dans le tableau 3.2, l’hétérogénéité de taille est, en fin de la première semaine d’élevage, proportionnelle à la température d’élevage (CV de 26,7 à 26 °C et de 30.05 à 32 %). Cette tendance était maintenue en deuxième semaine pour enfin être comparable, en fin de la troisième semaine, en raison d’une hétérogénéité de croissance élevée dans les lots soumis à 26° (CV de 66.5% à 26°C contre CV de 65.2 % à 32°C).