Effet de la lumière sur le plancton
Comme mentionné plus haut, le phénomène d’évitement de la surface le jour par le zooplancton a été observé même dans les milieux sans prédateurs (Alonso et al., 2004), suggérant ainsi que d’autres facteurs peuvent causer la DVM. Plusieurs recherches ont en fait démontré que les RUV étaient l’une des principales causes de migrations nycthémérales du zooplancton (Morris et al., 1995; Alonso et al., 2004; Rautio et Tartarotti, 2010; Urrny et al., 2016).
Les effets des RUV sur les organismes vivants sont étudiés depuis longtemps, malS leurs effets sur les organismes aquatiques, notamment dans les milieux dulçaquicoles, en moyenne plus colorés que les océans, n’ont fait l’objet d’études que depuis relativement récemment (Bancroft et al. , 2007). La pénétration des RUV dans l’atmosphère est grandement limitée par la présence d’ozone atmosphérique qui les absorbe, et dans les milieux aquatiques par la concentration de molécules colorées dans l’eau (Kirk, 1994). Les RUV sont arbitrairement séparés en trois bandes spectrales: UV-C (longueurs d’onde de 100 nm à 280 nm), UV-B (de 280 nm à 320 nm) et UV-A (de 320 nm à 400 nm) (Kirk, 1994). En milieu aquatique, seulement les UV-A et les UV -B constituent un risque pour les organismes vivants, car les UV -C ne pénètrent pratiquement pas à travers l’atmosphère (Hader et al. , 2007). Les UV-B sont plus dommageables pour les êtres vivants que les UV -A (Morris et al., 1995), mais pénètrent moins profondément dans l’eau que ces derniers (Leech et al., 2005a), rendant difficile à priori d’établir laquelle parmi ces longueurs d’onde a le plus d’impact sur le zooplancton.
Les courtes longueurs d’onde des RUY sont fortement énergétiques et peuvent être nocives pour les êtres vivants en endommageant l’ADN, les membranes et en affectant une variété de processus biochimiques (Boily et al., 2011; Provencher et al., 2014). La tolérance du zooplancton lacustre aux RUY varie entre les espèces, notamment due à des variations dans la production de photo-protecteurs (Rautio et Korhola, 2002; Alonso et al., 2004) et aux mécanismes de photo-réparation (Grad et al., 2001). Un exemple de substances photo-protectrices pour atténuer les effets des RUY sont la mélanine et les pigments caroténoïdes, absorbés par la diète (Ringelberg, 1981). Bien que ces derniers ne servent pas seulement pour la protection contre les RUY (Schneider et al., 2016), l’accumulation de différents pigments permettrait entre autres au zooplancton d’exploiter les couches de surfaces même en s’exposant aux RUY pendant le jour et ainsi améliorer sa croissance (Cole et al., 2002; Park et al., 2004). En revanche, ce phénomène est une stratégie typiquement utilisée en absence de poissons, car il existe un compromis entre la protection contre les photodommages et l’augmentation de leur vulnérabilité vis-à-vis des prédateurs visuels (Hansson, 2000; Hylander et al., 2012) .
Différences physiques entre les lacs
Parmi les caractéristiques physiques des lacs pouvant influencer la DVM et, plus en général, la distribution verticale du zooplancton, celle qui a probablement l’impact le plus grand est la variation dans les propriétés optiques de la colonne d’eau. La transparence et la couleur de l’eau influencent en fait l’ amplitude de migration du zooplancton, car elles affectent à la fois le risque de prédation par les poissons chassant à vue et l’exposition aux RUY. Dodson (1990), par exemple, a montré que dans les lacs plus transparents l’amplitude des migrations du zooplancton est plus grande, car le risque de prédation y serait plus important. La lumière visible (correspondant au rayonnement photosynthétiquement actif; angl. : photosynthetically active radiation, PAR), bien que n’étant pas dommageable directement pour le zooplancton, est un facteur très important pour la distribution du zooplancton, en influençant l’activité de ses prédateurs et de ses ressources phytoplanctoniques. La pénétration de la PAR dans la colonne d’eau, en général plus importante que les RUY, est entre autres fonction de la teneur de solides en suspension, de l’abondance du phytoplancton, et de la concentration du carbone organique dissous (COD; Kirk, 1994) . Dans les systèmes moins transparents, la productivité du phytoplancton sera restreinte aux premières strates de la colonne d’eau à cause de la limitation par la PAR (Neale et al., 1998), alors que dans les systèmes plus transparents, le phytoplancton peut croître sur une plus grande échelle de profondeur, tout en évitant une plus grande partie des couches superficielles, touchées par le phénomène de photo-inhibition (Kirk, 1994). Par ailleurs, le profil de température des lacs (Snucins et Ounn, 2000) et la distribution hétérogène des ressources de nourriture (Williamson et al., 1996) diffèrent aussi selon la transparence de l’eau, influençant ainsi l’ amplitude de DVM. Dans les lacs moins transparents, la température et la nourriture sont souvent optimales à la surface du système, alors que dans les lacs plus transparents, la variation thermique verticale a tendance à diminuer plus lentement avec la profondeur, et que la qualité et quantité de la nourriture sont plus élevées dans les eaux plus profondes. Contrairement à la PAR, l’atténuation des RUY dans les lacs est moins influencée par le phytoplancton et les solides en suspension. Par contre, le COD, notamment sa partie colorée ou chromophorique (cDOM), joue le principal rôle dans la régulation de l’ atténuation des RUY (Scully et Lean, 1994). Donc, plus un lac est coloré, plus la profondeur de pénétration des RUY sera réduite (Kirk, 1994) , ce qui a un impact sur la profondeur à laquelle il est nécessaire pour le zooplancton de migrer pour éviter les dommages causés par ces radiations fortement énergétiques (Williamson et al., 2011).
Le modèle conceptuel proposé par Williamson et al. (20 Il), illustre bien la relation entre tous ces facteurs (température, ressources, RUV et prédation) et leurs effets sur la DVM en tenant compte de l’hétérogénéité dans la distribution verticale du risque de prédation, de la distribution de la ressource et du risque d’exposition aux RUV selon différents niveaux de transparence . Selon ce modèle, les facteurs structurels (température et concentration de la nourriture) sont importants pour déterminer la profondeur optimale qui procure la meilleure alimentation, taux de croissance, survie et reproduction, et ne démontrent pas de variation sur les périodes de 24 h. Alors que les facteurs dynamiques (radiation des UV et prédation par les poissons) sont ceux qui démontrent une forte et systémique variation sur des périodes de 24 h, et comme mentionné plus tôt, ils sont ceux qui dirigent les changements au niveau des migrations verticales. La position verticale des prédateurs serait également fonction de la température et de la transparence, avec les poissons d’eau chaude qui se tiennent plutôt à la surface et les poissons d’eau froide qui se tiennent plutôt en profondeur .
Étant donné que la reproduction ainsi que tous les processus physiologiques du zooplancton dépendent directement de la température (Bottrell et al., 1975; Gélinas et Pinel-Alloul, 2008), on peut comprendre pourquoi ces organismes se retrouvent à la surface la nuit, et pourquoi ils accomplissent des migrations de plus grande ampleur dans les lacs plus transparents. Par exemple, il est connu que les Calanoida migrent à la surface la nuit, car ils sont dépendants de la température (Winder et al., 2003b). Il a également été démontré chez Daphnia spp. qu’un régime avec des fluctuations de température a des coûts élevés, par exemple menant à une diminution du taux de croissance somatique (Reichwaldt et al. 2005). Chaque fois qu’ils traversent la thermocline, ils doivent ainsi réajuster leur taux métabolique à une température ambiante où celui-ci pourrait être sous-optimal pendant une courte période de temps (Reichwaldt et al. 2005). En revanche, cette diminution n’est pas vitale et ils sont capables d’ aller chercher des conditions permettant un taux de croissance plus élevé lorsqu’ils migrent à la surface la nuit. Cependant, les faibles températures et concentrations en oxygène en profondeur pourraient restreindre les migrations vers le bas (Wissel et Ramacharan, 2003). La sélection de la profondeur par le zooplancton est en somme un phénomène complexe, régulée par une combinaison de facteurs associée à l ‘hétérogénéité verticale de la colonne d’eau.
CHAPITRE 1 RÉSUMÉ SUBST ANTIEL |