Analyse dimensionnelle dans un contexte d’écoulement diphasique eau-huile sans gravité dans les réservoirs fracturés
L’objectif de cette partie est de construire un critère délimitant les régimes dominant l’écoulement diphasique eau-huile sans gravité dans les réservoirs fracturés. Ce type d’écoulements fait intervenir principalement deux types de forces ; les forces capillaires et les forces visqueuses. L’objectif de cette analyse dimensionnelle est de repérer la nature des forces qui dominent l’écoulement dans le réservoir et les échanges entre les blocs matriciels et le réseau de fractures. Cette analyse dimensionnelle indique également l’existence du cas ou les deux forces se manifestent simultanément. Des simulations numériques validant les résultats de l’analyse sont effectuées.
Motivation
Au cours de la récupération secondaire d’huile par injection d’eau dans les réservoirs fracturés, les échanges matrice-fractures se font en général par imbibition sous l’effet des forces capillaires. En phase de récupération améliorée, l’injection simultanée d’eau et de polymères sert à augmenter la viscosité du fluide injecté (eau + polymères) afin d’assurer un balayage entièrement visqueux des blocs matriciels. Pour identifier si on est en cas d’imbibition ou de balayage visqueux, des simulations d’écoulement et des manipulations au laboratoire sont effectuées, visualisées et interprétées. Plusieurs simulations et manipulations sont demandées. Ce travail est très couteux en temps et en argent. Arriver à avoir un critère adimensionnel qui permet de prévoir si les échanges matrice-fractures s’effectueront par une imbibition capillaire ou par un balayage visqueux permet d’avoir la réponse tout en économisant temps et argent, d’où l’utilité de l’analyse dimensionnelle effectuée dans le cadre de ce chapitre.
Contexte de l’analyse dimensionnelle
Pour cette analyse dimensionnelle, on considère un bloc matriciel entouré de fractures (cf. Figure 43). On suppose que la pression capillaire dans le bloc matriciel est non nulle contrairement à celle des fractures. Le bloc matriciel et les fractures sont initialement saturés en huile. En général, pour permettre au bloc matriciel entouré de fractures de reproduire le comportement du réservoir, on applique à ce bloc des conditions aux limites identiques à celles appliquées au réservoir. Dans notre cas, on suppose qu’une injection d’eau à vitesse constante est effectuée du côté ouest et qu’une pression est imposée à la sortie du côté est. Par conséquent, un gradient de pression est établi entre la zone d’injection et la zone de production (cf. Figure 43). On suppose aussi que les flux sont nuls dans les bordures horizontales.
Distance de pénétration en fonction du temps
Quand l’eau envahit les fractures et arrive en contact avec le bloc matriciel, des échanges matrice fractures ont lieu. L’eau pénètre dans le bloc, provoquant l’expulsion de l’huile vers les fractures. Cet échange est régi par deux forces de natures différentes : les forces capillaires (cf. Figure 44.a) et les forces visqueuses (cf. Figure 44.b). On introduit la distance de pénétration comme étant la distance parcourue par le front d’eau dans le bloc matriciel à partir d’une ou plusieurs fractures l’entourant. Cette distance est quantifiée en fonction du temps pour chacune des natures d’échanges différemment.
Courbes de distance de pénétration en fonction du temps et notion de temps critique
Courbes de distance de pénétration en fonction du temps
On remarque que l’expression de l’invasion par imbibition est en √ et celle par effets visqueux est en . Les deux courbes sont tracées sur la Figure 47 et illustrent la compétition entre les deux processus. On remarque l’existence de deux intervalles de temps délimités par l’instant pour lequel les deux courbes se coupent. Cet instant sera nommé temps critique ou . Dans l’intervalle de temps précédant , la courbe de la distance de pénétration de l’eau par imbibition est au-dessus de la courbe de distance d’invasion par effets visqueux. Au-delà du temps critique, la courbe de pénétration par effets visqueux passe au-dessus. Pour << , l’invasion de l’eau s’effectue par imbibition sous l’effet des forces capillaires (cf. Figure 48.a). Ceci est favorisé par une vitesse de pénétration infinie à l’instant initial (tangente verticale à la courbe √ à ). Cette vitesse diminue avec le temps (pente décroissante de la courbe en √ ). Quand approche la valeur de , la distance de pénétration est la même que ce soit par effets visqueux ou par effets capillaires (cf. Figure 48.b). La vitesse de pénétration de l’eau par effets visqueux est constante (pente constante de la courbe en ). Pour >> , la distance d’invasion est contrôlée par les effets visqueux (cf. Figure 48.c). L’échange par imbibition continue à se produire à une vitesse très faible au point de ne plus être mesurable.
Tests et Validation par des simulations numériques d’écoulement
Pour valider le nombre capillaire matrice-fractures , des simulations numériques d’injections sont effectuées sur un bloc matriciel entouré de fractures, puis sur une section 2D d’un réservoir fracturé à l’échelle d’une maille géologique (premier cas test VI.3.2.1). Les paramètres pétrophysiques sont variés de façon à avoir différentes valeurs de . Les cartes d’évolution de saturation relatives aux différentes simulations sont visualisées et commentées afin de tirer des conclusions sur l’efficacité du nombre capillaire déduit de cette analyse dimensionnelle. VII.3.1 Sur un bloc matriciel entouré de fractures On considère un bloc matriciel entouré de fractures (cf. Figure 43). Ce bloc fait 1 m (selon X) par 0.5 m (selon Z). Le bloc matriciel est homogène. Les fractures elles aussi homogènes ont des ouvertures de 2 mm d’ouverture. Le Tableau 12 contient les propriétés pétrophysiques communes à toutes les simulations sur le bloc matriciel entouré de fractures. Le bloc est saturé en huile et de l’eau est injectée dans les fractures. Les conditions aux limites et les considérations numériques sont identiques à celles des simulations d’écoulement diphasiques effectuées sur le premier et le deuxième cas tests du chapitre précédent (paragraphe VI.3.2.1). Il s’agit d’une condition de Neumann (débit constant imposé) du côté ouest et d’une condition de Direchlet (pression imposée) du côté est avec des flux nuls sur les bordures horizontales. La pression capillaire du milieu matrice et le débit d’injection d’eau sont variables.