Ecologie et cycle de développement
X. cheopis figure parmi les espèces qui vivent en contact permanent avec l’hôte, et demeure plutôt dans le pelage que dans les terriers (Pollitzer 1953, Klein 1965). Le cycle de développement de la puce comprend les trois stades observés chez les holométaboles: stade larvaire, stade nymphale et stade adulte (Figure 9). Les adultes s’accouplent après avoir pris leur premier repas sanguin. Les femelles pondent les œufs isolément ou par petites séries généralement 4 à 6 œufs à la fois chez X. cheopis (Pollitzer 1954). Elle fait partie des espèces qui pondent peu d’œuf (1 à 500 tout au long de la vie) par rapport à d’autres espèces de la même famille telle que C. felis qui peut pondre 20 à 50 œufs par jour (Rust and Dryden 1997). La fécondité de X. cheopis ne varie pas avec la saison, pourtant la survie de tous les stades a été trouvée influencée par la température et l’humidité relative (Bacot and Martin 1924, Mears et al 2002, Kreppel et al 2016).
Les œufs de couleur blanc nacré, arrondis, ovoïdes et non adhérents tombent au sol. Ils mesurent environ 0,5 mm de long (Franc 1994). Les larves sont vermiformes, apodes et poilues (Figure 9, A), pourvues de pièces buccales broyeuses (Kapadi 1908). Elles se nourrissent de divers débris organiques, de fèces des adultes qui contiennent une grande proportion de sang non digéré. Les larves ont des besoins particuliers en acides aminés et vitamines pour se développer normalement (Sharif 1948, Pausch and Fraenkel 1966). Les stades larvaires durent chacun de 2 à 6 jours selon les conditions d’humidité et de température du milieu. Ce sont d’ailleurs les stades les plus sensibles aux variations des conditions extérieures (Kreppel et al 2016). Les larves de stade 3 tissent un cocon de soie dans lequel sont incorporés différents matériaux disponibles dans le milieu (Figure 9, C) (Sharif 1949). Elles subissent une mue nymphale et se transforment en nymphes qui ne se nourrissent pas et restent immobiles, enfermées dans le cocon. Ce stade constitue la forme la plus résistante chez plusieurs espèces, et des adultes déjà bien formés peuvent attendre plusieurs mois dans le cocon avant d’émerger, selon les conditions extérieures (Dryden 1999). L’émergence des adultes est fonction de plusieurs stimuli extérieurs dont les plus connus sont la température, l’humidité relative et les paramètres liés à la présence d’hôte (Silverman and Rust 1985). Le cycle de développement de X. cheopis peut durer de trois semaines à un mois (Kapadi 1908).
Le système alimentaire et digestif de la puce.
Les puces sont des insectes piqueurs, généralement solénophages, c’est-à-dire que les pièces buccales ont évolué pour pouvoir chercher le repas sanguin au niveau des capillaires, favorisant la transmission de pathogènes (Bitam et al 2010). L’appareil digestif comprend l’œsophage, l’intestin moyen et l’intestin postérieur (Figure 10). L’œsophage et l’intestin moyen (ou estomac) sont séparés par une formation appelé proventricule, qui est animé de mouvement de pulsation au cours du repas, évitant que le sang de l’estomac ne reflue pas vers l’œsophage en fermant l’entrée de l’estomac. Cette structure est tapissée intérieurement d’une couche d’épines orientées vers la lumière, faite de cuticule (Figure 10, B) (Hinnebusch 2005). X. cheopis est un parasite hématophage obligatoire chez le mâle et la femelle. Des anticoagulants ainsi que d’autres matériaux responsables de réactions immunitaires chez l’hôte sont présents dans les glandes salivaires et la salive (Rothschild 1975). Le repas sanguin est essentiel pour la maturation des œufs mais aussi comme source d’énergie (Pillai and Prasad 1988, Hinnebusch 2005). La quantité de sang ingéré est faible, de l’ordre de 0,3µl, mais fréquente (Vaughan and Azad 1993). Le repas de sang est rapidement digéré par hémolyse et liquéfaction dans les 6 heures (Vaughan and Azad 1993). Pendant les jours qui suivent le repas, le sang dans l’estomac devient brunâtre, et comprend parfois des résidus compacts (Hinnebusch 2005). Les déjections contiennent une grande proportion de sang non digéré (Rust and Dryden 1997, Hinnebusch 2005).
Rôle dans la transmission et interaction avec la bactérie de la peste
Il est maintenant admis que les puces vectrices peuvent transmettre la bactérie de la peste par deux moyens. Historiquement, le premier mécanisme décrit comme responsable de la transmission de la bactérie implique la formation d’un biofilm microbien dans le proventricule de la puce. Ce mécanisme a été décrit par Bacot et Martin en 1914 et admis comme dogme, incriminant ainsi les espèces les plus aptes à développer ce phénomène appelé « blocage proventriculaire » (Bacot and Martin 1914, 1915) Ensuite, récemment, il a été découvert que certaines espèces de puces peuvent transmettre la bactérie, peu de temps après avoir pris un repas de sang infectant, ce qui est vraiment similaire à une transmission mécanique, mais pourtant les mécanismes ne sont pas encore élucidés (Eisen et al 2007, 2008, 2015, Hinnebusch et al 2017). Nous allons adopter le terme « transmission précoce » pour traduire « early-phase transmission ».