Échanges entre phase dissoute et phase solide à l’interface eau – sédiment 

Échanges entre phase dissoute et phase solide à l’interface eau – sédiment 

Trois processus biogéochimiques majeurs peuvent influencer et contrôler la mobilité des ETMM entre la phase solide et la phase liquide : la remise en suspension, la diffusion et la diagenèse précoce. La remise en suspension des sédiments – ce mécanisme consiste à remobiliser le sédiment, et par conséquent les éléments qu’il contient, dans la colonne d’eau. Ce mécanisme peut être d’origine naturelle comme par exemple la bioturbation, les tempêtes ou la houle ou d’origine anthropique tels que le dragage de sédiments, le trafic maritime… La remise en suspension peut libérer les contaminants initialement présents dans les sédiments dans la colonne d’eau suite aux processus de sorption-désorption (Ho et al., 2012). La remise en suspension induit aussi la ré-oxydation des sédiments suboxiques/anoxiques entraînant une diminution du pH et une augmentation/modification de l’activité microbienne (Eggleton and Thomas, 2004). Ainsi, les équilibres chimiques qui s’étaient mis en place dans le sédiment sont modifiés et la spéciation des éléments change. Par exemple, suite à la ré-oxydation des sédiments anoxiques, les composés sulfurés sont oxydés et les ETMM liés aux sulfures (et notamment les sulfures de fer) sont rapidement mobilisés. Il est à noter que ceux liés par exemple à la pyrite (FeS) sont plus stables car leurs cinétiques d’oxydation sont lentes (Caetano and Vale, 2003). Cette différence montre également que la cinétique de réaction est aussi un paramètre influençant la mobilité des ETMM. Une autre conséquence possible de la remise en suspension est la perturbation de la distribution granulométrique. En effet, la remise en suspension entraine une altération des interactions particules/eau des particules fines qui restent potentiellement dans la colonne d’eau et qui peuvent ainsi être de nouveau exportées au large (Oursel et al., 2014). La diffusion – les éléments en phase dissoute peuvent diffuser dans l’eau interstitielle et se déplacer verticalement le long de la colonne sédimentaire en fonction du gradient de concentration (Angelidis, 2005). Ce processus de diffusion tend à homogénéiser la concentration en suivant la première loi de Fick. Le flux diffusif dans le sédiment est calculé à partir de l’équation suivante (Berner, 1980; Boudreau, 1997; Devallois, 2009): 𝐽𝑑𝑖𝑓 = −𝐷𝑠𝑒𝑑 . 𝜕[𝐴] 𝜕𝑍 (équation 6) Où Dsed est le coefficient de diffusion interstitielle exprimé en m2 .s -1 qui est calculé à partir du rapport entre le coefficient de diffusion moléculaire D0 et la tortuosité θ(z). ∂[A]/∂Z est le gradient de concentration à la profondeur z. Le coefficient de diffusion dépend en partie de la composition des sédiments (Maerki et al., 2004) et de la bioturbation (Dang, 2014). Ainsi, Rigaud et al. (2013) montrent que le flux diffusif des éléments As, Co, Ni, Cr et Hg des eaux interstitielles des sédiments vers la colonne d’eau est significatif lorsque les (oxy)hydroxydes de Fe et de Mn sont réduits. La diagenèse précoce – est l’ensemble de processus chimiques (Sorption, dissolution/précipitation), biologiques et physiques (sédimentation) se déroulant dans les sédiments et contrôlés par l’activité bactérienne (Billon, 2001). Elle implique toutes les transformations et les réactions biogéochimiques ayant lieu au sein des premiers centimètres des sédiments jusqu’aux mètres suivants (Berner, 1980). Ces processus contrôlent en partie la mobilité des ETMM entre le sédiment et la colonne d’eau et permettent de comprendre leur distribution dans les sédiments (Elbaz-Poulichet, 2005; Tankere-Muller et al., 2007). Ils peuvent conduire soit à un piégeage soit à une remise en solution des ETMM. La minéralisation de la matière organique (MO) est le moteur de cette diagenèse précoce (Chester, 1990). Et la partie suivante s’attache à décrire les principaux mécanismes de ces transformations. 

Diagenèse précoce 

Considération générale sur les réactions diagénétiques

 La diagenèse est définie comme l’ensemble des processus biogéochimiques conduisant à la formation des roches sédimentaires (Billon, 2001; Martin, 1996). Les processus de diagenèse se manifestent par deux étapes : la compaction et la cimentation. La compaction est un phénomène physique qui consiste à éliminer l’eau interstitielle sous l’effet de la pression des sédiments susjacents d’où les particules restantes entrent en contact. Le second phénomène est chimique. Il est responsable de la transformation des sédiments en roche. Les sédiments jouent le rôle d’un réacteur biogéochimique dans lequel interviennent les processus diagénétiques. Ces derniers contribuent de façon importante aux cycles biogéochimiques du carbone et d’autres éléments tels que l’azote, le soufre et les métaux (Charriau, 2009; Lesven et al., 2008; Rigaud, 2011). La diagenèse précoce regroupe l’ensemble des processus physiques (diffusion, advection…) et biogéochimiques (sorption, précipitation, oxydation de la matière organique), se déroulant  immédiatement après le dépôt des particules sédimentaires (Billon, 2001; Rigaud et al., 2013). Ces processus diagénétiques sont issus de la respiration bactérienne qui engendre à terme une minéralisation de la matière organique sédimentaire (Berner, 1980). Les réactions diagénétiques contrôlant la distribution des ETMM entre la phase dissoute et la phase solide des sédiments sont divisées en trois groupes : les réactions redox primaires, les réactions redox secondaires et les réactions de précipitation (non – redox). Les réactions redox primaires – correspondent aux réactions de minéralisation de la MO par les bactéries à l’aide d’une série des oxydants jouant le rôle d’accepteurs d’électrons (O2, NO3 – , (oxy)hydroxydes de Mn, (oxy)hydroxydes de Fe et SO4 2- ) utilisés au fur et à mesure de l’enfouissement en fonction leur capacité à libérer de l’énergie (Berner, 1980). La dégradation de la MO est considérée comme le moteur principal de la diagenèse précoce où le carbone organique joue le rôle d’un donneur d’électrons(réducteur). Le dioxyde de carbone est le produit final de l’oxydation de la MO. La séquence des réactions diagénétiques primaires est présentée   et classée de la plus énergétique à la moins énergétique. La première réaction « la respiration aérobie » consiste à dégrader la MO en utilisant l’oxygène dissous provenant de la diffusion depuis la colonne d’eau et présent dans les eaux interstitielles des premiers centimètres sous l’interface eau – sédiment. Une fois que l’oxygène est consommé, la minéralisation de la MO est décrite par une séquence diagénétique verticale : la dénitrification, la réduction des oxydes de manganèse, des oxydes de fer et des sulfates. Après la réduction des sulfates, la dernière étape est la méthanogénèse. Durant cette étape, la matière organique elle-même jouera à la fois le rôle d’accepteur et de donneur d’électrons où le méthane dissous biogénique peut se former (Burdige and Komada, 2011; Chester, 1990; Froelich et al., 1979). 

LIRE AUSSI :  Thermodynamique et turbulence dans les épisodes de vent fort sur le Golfe du Lion

Conséquences des mécanismes de la diagenèse précoce sur la mobilité des ETMM 

L’interface sédiment-eau interstitielle sépare deux phases ayant des propriétés différentes et en échange continu. Cet échange provoque l’apparition d’un gradient de concentration lié soit à la consommation soit à la production des espèces. Les facteurs conditionnant la mobilité des ETM sont détaillés par la suite.  Les interactions ETMM – matière organique – La MO peut jouer un rôle important sur la mobilité et le piégeage des ETMM (Mounier et al., 2011, 2001; Weng et al., 2002). La MO possède une grande affinité et forme des complexes avec certains ETMM. Ces complexes précipitent lors du processus de sédimentation ou de la floculation entrainant avec eux les ETMM. – Adsorption sur la matière organique particulaire : ETMM2+ + OM → ETMM-OM (Rigaud et al., 2013) (équation 20) – Précipitation avec les carbonates : ETMM2+ + CO3 2- → ETMM-CO3 (Rigaud et al., 2013) (équation 21) A l’inverse, au cours de la minéralisation de la MO, les ETMM piégés sur cette phase solide par des complexes avec la MO peuvent être libérés dans les eaux interstitielles (Rigaud, 2011). Les interactions avec les oxydes de Fe, de Mn et le S – Dans les sédiments oxiques, les ETMM ayant une forte affinité avec les (oxy)hydroxydes de Fe et de Mn sont associés à la phase solide par adsorption et/ou coprécipitation (Rigaud et al., 2013) – Adsorption/ coprécipitation sur Fe(OH)3: ETMM2+ + Fe(OH)3 → ETMM-Fe(OH)3 (équation 22) – Adsorption/ coprécipitation sur MnO2 : ETMM2+ + MnO2 → ETMM-MnO2 (équation 23) Une fois dans la zone-suboxique, la réduction des (oxy)hydroxydes de Mn ou de Fe lors de la diagenèse précoce entraîne la libération de ces ETMM dans l’eau interstitielle (puis une augmentation possible de leur mobilité par diffusion) (Rigaud et al., 2013). Dans les sédiments anoxiques, les sulfures sont la phase fixatrice majoritaire de certains éléments. Une fois que ces sulfures sont ré-oxydés lors d’une remobilisation sédimentaire par exemple, les ETMM associés passent dans l’eau interstitielle et diffusent vers la surface ou en profondeur. A l’inverse, lorsque le milieu devient plus réducteur, les ETMM peuvent former dessulfures métalliques peu solubles, ou s’adsorber sur FeS puis intégrer le réseau cristallin de la pyrite qui est le produit de réaction le plus fréquent dans les sédiments anoxiques (Morse and Luther, 1999).

Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATION
Introduction
Chapitre I – Généralités
Éléments traces métalliques et métalloïdes
I.1.1. Origine des éléments traces métalliques et métalloïdes
I.1.2. Devenir des éléments traces métalliques et métalloïdes dans le milieu aquatique
Échanges entre phase dissoute et phase solide à l’interface eau – sédiment
Diagenèse précoce
I.3.1. Considération générale sur les réactions diagénétiques
I.3.2. Conséquences des mécanismes de la diagenèse précoce sur la mobilité des ETMM
Réactivité de la matière organique
I.4.1. Cycle de la matière organique dans le milieu aquatique
Présentation des zones d’étude : écosystèmes méditerranéens côtiers
I.5.1. La mer Méditerranée
I.5.2. La baie de St-Georges au Liban
I.5.3. La Rade de Toulon en France
I.5.4. Historique scientifique et éléments de conclusion
Chapitre II – Matériels et méthodes
Stratégie d’échantillonnage
II.1.1. Prélèvement et traitement des sédiments
II.1.2. Prélèvement et traitement des échantillons d’eaux
Analyses des échantillons
II.2.1. Analyses de la fraction solide
II.2.2. Analyses des eaux
II.2.3. Spectrophotométrie UV/Vis et Fluorescence 3D
Chapitre III – Étude de la contamination et des apports en ETMM dans la baie de St-Georges – Liban
Les métaux traces de la rivière Beyrouth à la baie de St-Georges
III.1.1. Résultats des analyses du transect rivière Beyrouth – Baie St-Georges
III.1.2. Evolution des ETMM le long du transect rivière Beyrouth – Baie de St-George
III.1.3. Conclusion sur les apports de la rivière Beyrouth
Distribution and diagenesis of trace metals in marine sediments of a coastal
Mediterranean area: St-Georges Bay (Lebanon)
III.2.1. Introduction
III.2.2. Bilan de cette section
Caractérisation de la matière organique dissoute fluorescente dans la Baie de StGeorges – Liban
III.3.1. Description de la MO dissoute et particulaire
III.3.2. Caractérisation de la MO dissoute et particulaire
III.3.3. Conclusion sur la caractérisation de la MO dissoute et particulaire
Chapitre IV – Étude de la contamination et des apports en ETMM dans la rade de Toulon – France
Les métaux traces métalliques du Las jusqu’à la rade de Toulon.
IV.1.1. Présentation des résultats du transect Las – rade de Toulon
IV.1.2. Comportement des ETMM le long du transect Las – rade de Toulon
IV.1.3. Conclusion sur les apports de Las
Métaux traces dans les sédiments de la rade de Toulon (France)
IV.2.1. Résultats des teneurs en ETMM dans les profils sédimentaires
IV.2.2. Diagenèse dans la rade de Toulon : discussion
IV.2.3. Conclusion sur la diagenèse précoce dans la rade de Toulon
La matière organique dans les sédiments de la rade de Toulon
IV.3.1. Présentation des résultats de la MO dissoute et particulaire
IV.3.2. Discussion sur la matière organique colorée
IV.3.3. Conclusion sur la matière organique à Toulon
Chapitre V – Étude comparative de deux zones côtières méditerranéennes : la baie de Toulon et la baie de St-Georges
Introduction
Caractéristiques et comportement de la matière organique dans les sédiments et les eaux
V.2.1. Identification et évolution des composants PARAFAC
V.2.2. Comparaison SUVA254 et HIX des deux sites
Rivières, eaux côtières et sédiments
Contamination des sédiments et réactions diagénétiques
V.4.1. Distribution des métaux traces
Diagenèse précoce et métaux traces
Conclusion
V.6.1. Interface Rivière-Mer.
V.6.2. Diagenèse et contamination : deux sites, deux fonctionnements
Conclusion générale et perspectives
Bibliographie
Annexes
Annexe chapitre II
Annexes résultats
Annexes section III

projet fin d'etude

Télécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *