E EXPÉRIENCE D’ORGANISATION DE SERVICES EN ALPHABÉTISATION
L’organisation de services en alphabétisation nécessite une étude plus approfondie du problème de l’analphabétisme. Dans le présent chapitre, nous nous intéresserons d’abord à l’évolution de l’analphabétisme au Québec, puis aux différentes mesures gouvernementales québécoises mises en place pour contrer le phénomène et à la problématique des services en alphabétisation spécifique à la Commission scolaire Abitibi. Le phénomène de l’analphabétisme, surtout associé aux pays du Tiers-Monde depuis plusieurs décennies, atteint, depuis le début des années ’70, la majorité des pays industrialisés. Selon Thomas Audrey: « L’analphabétisme dans les pays industrialisés est considéré comme un mal des plus dissimulés » CI)_ le degré de scolarité déclaré lors du recensement. Étaient alors assimilés à des « analphabètes complets », les individus adultes ayant mois de cinq ans de scolarité, et à des « analphabètes fonctionnels » les individus ayant de cinq à huit ans de scolarité. Les résultats pour le Canada et le Québec étaient les suivants pour 1976 et 1981 (2 En 1984, le ministère de l’Éducation du Québec publiait les résultats d ‘un sondage omnibus qui semblait invalider les mesures de l’Unesco. Selon les auteurs de « L’analphabétisme au Québec », les évaluations à partir du nombre d’années de sco~arité « surestimaient fortement le phénomène ». Il n’y aurait plus au Québec que 90 000 analphabètes complets parmi les 250 000 analphabètes fonctionnels. Ces mesures étaient faites à partir de l’opinion avouée des individus sur leur incapacité ou leurs difficultés à lire ou à écrire <
L’analphabétisme fonctionnel était déterminé en fonction d’un test basé sur les capacités de lecture, de compréhension de textes, de capacité d ‘appliquer l’information trouvée, de savoir utiliser des documents standardisés: (cartes, horaires, formulaires), de faire des opérations simples en arithmétique dans une application courante comme le calcul d’un prix (4 L’étude ajoutait que trois Québécois sur dix étaient analphabètes ou semi analphabètes, mais que seulement 11 % déclaraient avoir subi les conséquences au travail ou dans la vie de leurs difficultés en lecture et en écriture; par ailleurs, 38 % niaient l’importance de savoir lire et écrire dans leur travail et enfin 8 % des Québécois déclaraient ne jamais lire de journaux, 42 % de magazines et 34 % n’avaient pas lu ou feuilleté un livre dans les six derniers mois. Devant cette situation alarmante, le Québec au début des années ’60, tentait de minimiser l’impact du phénomène et de le réduire en y instaurant quelques mesures correctives. Le rapport Parent, d ‘abord, proposait une amélioration de la formation de base chez les é tudiants adultes et le ministère de l’Éducation créait, en 1966, la « Direction générale de l’éducation permanente » ayant comme objectif l’augmentation du taux moyen de scolarité de la population adulte.
Au cours des années ’80, le gouvernement du Québec privilégiait à nouveau le dossier « alphabétisation ». Le ministère de l’Éducation entérinait un plan d’alphabétisation pour adultes, augmentait les budgets alloués aux services éducatifs pour adultes offerts aux commissions scolaires, préparait et publiait un Vers le milieu des années ’80, avec l’ouverture de l’enveloppe budgétaire gouvernementale en alphabétisation, la grande majorité des commissions scolaires augmentaient le nombre des services à la population analphabète. En 1985-1986, plus de 62 986 inscriptions étaient signalées en alphabétisation au Québec < L’offre de services en alphabétisation dite « scolarisante » dans les commissions scolaires s’adressait à l’ensemble de la population, sans intervention directe auprès de catégories sociales spécifiques tels: les alcooliques, les prisonniers, les handicapés et étaient surtout concentrés dans les grands centres. (O.V.E.P.) offrait depuis le début des années ’80, des services d’alphabétisation dans les milieux populaires. La caractéristique fondamentale des groupes d’éducation populaire était et est, encore aujourd’hui, de s’insérer intensivement dans les communautés socio-culturelles spécifiques. Chaque groupe est d’abord un groupe local enraciné dans une histoire particulière, dans un milieu de vie spécifique, dans une culture donnée. La plupart des groupes populaires expérimentent diverses formes d’intervention en alphabétisation. On retrouve des mécanismes démocratiques de participation à la gestion des activités de l’organisme et l’ensemble des groupes partage la même attitude fondamentale: faire une analyse globale du phénomène pour en connaître et comprendre les dimensions d’alphabétisation visant à répondre à des besoins de base, de revalorisation de l’analphabète, de recherche d’une pédagogie et d’une méthodologue correspondant à la réalité vécue dans les milieux respectifs. Les groupes s’occupent de la production du matériel spécifique en alphabétisation, de la formation des alphabétiseurs et participent Les Organisations volontaires d’éducation populaire utilisent divers moyens de sensibilisation et de recrutement comme: les mass médias officiels, les Centres de main-d’oeuvre, d’assurance-chômage, d’immigration, d’aide sociale, les Centres locaux de services communautaires), C.L.S.C., les campagnes de sensibilisation, rencontres de groupes sociaux du milieu (Age d’or et associations socio-culturelles).