La déglutition est un acte physiologique permettant d’assurer l’acheminement des aliments, des liquides ou de la salive de la cavité orale jusqu’à l’estomac, tout en protégeant les voies aériennes supérieures. Nous déglutissons plus de deux mille fois par jour sans même y penser. Cet acte, qui nous semble naturel et instinctif, demande pourtant la coordination et la synchronisation par un contrôle neurologique complexe de tous les organes du carrefour aéro-digestif.
Lorsqu’elle est altérée, la déglutition génère de fortes répercussions sur la qualité de vie. D’une part, les troubles provoquent des conséquences fonctionnelles jusqu’à engager le pronostic vital : le patient n’est plus à même d’assurer l’apport nutritionnel indispensable à sa santé, et ces altérations retentissent inévitablement sur la fonction respiratoire en cas de fausses routes. D’autre part, ils entravent la vie psychologique et sociale du patient puisque la déglutition contribue à faire de l’alimentation un moment de plaisir et de convivialité fortement corrélé aux besoins émotionnels.
Dans le cadre des cancers des voies aéro-digestives supérieures, cette fonction est perturbée. En effet, la seule présence de la lésion tumorale modifie considérablement l’anatomie des structures impliquées et gêne donc l’ensemble du déroulement habituel de la déglutition. Les traitements nécessairement mis en place pour éradiquer la tumeur favorisent eux-aussi l’apparition de troubles. La radiothérapie notamment, proposée de plus en plus en traitement curatif des cancers oto-rhino-laryngologiques (O.R.L.), permet certes d’éviter une mutilation partielle ou totale causée par une chirurgie plus invasive, mais entraîne des conséquences toxiques sur la physiologie de la déglutition. Les effets secondaires radioinduits immédiats ou tardifs entravent l’alimentation per os, qui demande alors une adaptation en termes de texture ou d’enrichissement, voire une supplémentation artificielle. La réadaptation de la fonction de la déglutition nécessite ainsi une prise en charge multidisciplinaire et un parcours de soin coordonné dans lequel l’orthophoniste joue un rôle essentiel dans l’accompagnement du patient et de son entourage, tant par l’information que par l’entreprise d’un projet thérapeutique de réhabilitation fonctionnelle. Pourtant, force est de constater que les patients ne sont pas systématiquement orientés vers ce type de prise en charge, restant ainsi souvent démunis face aux problématiques de leur alimentation.
Au cours de nos différents stages abordant la dysphagie O.R.L. , nous avons été confrontée à des patients affectés par ces difficultés, et particulièrement sensibilisée au rôle de l’orthophoniste auprès d’eux et de leur entourage. C’est pourquoi nous avons décidé de mener notre travail de recherche sur cette thématique et avons découvert par le biais d’un précédent mémoire d’orthophonie que les médecins oncologues-radiothérapeutes de Lorraine étaient demandeurs d’informations sur la spécificité de notre métier dans la prise en charge des troubles dysphagiques. Nous avons été particulièrement intéressée par l’idée de pouvoir apporter des éléments de réponses à ces médecins, afin qu’ils puissent devenir un relai pour l’orientation des patients vers la prise en charge orthophonique et améliorer ainsi leur parcours de soin et donc leur qualité de vie.
Dans cette optique, notre travail de recherche propose donc « d’élaborer une séquence d’information à destination d’une équipe de radiothérapie sur le rôle de l’orthophoniste dans la réhabilitation des troubles de déglutition consécutifs à ce traitement, et d’en mesurer les apports. » .
Afin d’adapter au mieux la séquence d’information aux besoins et attentes du public concerné, nous avons rencontré préalablement les membres de notre panel en entretien individuel dans le but de réaliser un état des lieux de leurs représentations de la prise en charge orthophonique dans le cadre de la dysphagie O.R.L. Nous avons alors conçu le contenu de la séquence en tenant compte des résultats de ces entretiens, des données de la littérature et de l’expérience clinique d’orthophonistes consultés. Dans un deuxième temps, nous avons proposé la séquence d’information ainsi formalisée et en avons mesuré l’impact par un questionnaire d’auto-évaluation.
La radiothérapie est un traitement local des cancers qui agit en délivrant des radiations ionisantes sur une lésion tumorale. D’après l’INCa (2009), l’objectif de ce type de traitement est de détruire les cellules malignes en bloquant leur prolifération. CABARROT et al. (2007) expliquent que le mécanisme de mort cellulaire radio-induit repose sur le principe d’absorption par les tissus des rayonnements ionisants afin de créer des lésions de l’ADN.
Les effets de l’irradiation dépendent de la dose de rayons administrée. Afin de traiter la tumeur, il faut déterminer pour chaque patient la dose de rayons optimale, qui varie en fonction du cancer (INCa, 2009) : il faut trouver l’équilibre entre l’administration d’une dose suffisante pour éradiquer la tumeur et le degré maximal de tolérance des organes à risque. Selon GUERDER (2010), l’administration de la dose totale est caractérisée par deux paramètres : l’étalement et le fractionnement. L’étalement est le temps écoulé entre la première séance et la dernière tandis que le fractionnement représente le nombre total de séances. Pour les cancers des voies aéro-digestives supérieures (V.A.D.S.), une dose de 66 à 70 Gray (Gy) est délivrée en 6 à 7 semaines, à raison d’une séance de 1,8 à 2 Gy réalisée 5 jours sur 7 (KAPILA et al., 2009).
Selon la localisation, deux techniques permettent de délivrer la dose d’irradiation :
• La radiothérapie externe délivre la dose grâce à une source d’irradiation externe appelée « accélérateur linéaire de particules ». Les rayons sont émis en faisceau ciblé sur la tumeur et vers la région du corps à traiter. Il s’agit de la technique la plus fréquemment utilisée d’après l’INCa (2012b).
• La curiethérapie permet de délivrer la dose en une seule fois par implantation de la source radioactive directement dans la lésion cancéreuse ou au contact de celle-ci.
De manière générale, le cancer est défini par le dictionnaire médical LAROUSSE (WAINSTEN et al., 2009) comme une « maladie qui a pour mécanisme une prolifération cellulaire anarchique, incontrôlée et incessante ».
Les cancers localisés au niveau des voies aérodigestives supérieures touchent d’une part des organes qui assurent le passage et le traitement de l’air jusqu’à la trachée et aux poumons – les fosses nasales, les sinus de la face, le nasopharynx et le larynx ; d’autre part, des organes qui permettent le passage des aliments jusqu’à l’œsophage puis l’estomac – la bouche, l’oropharynx et l’hypopharynx. Un cancer de cette région anatomique se situe donc au carrefour de trois fonctions physiologiques: la respiration, la déglutition et la phonation. Selon l’INCa (2012b), 90% des cancers des voies aéro-digestives supérieures naissent à partir d’une cellule du tissu de revêtement des organes, l’épithélium.
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