DYNAMIQUES DE L’OFFRE DE SOINS
Les difficultés rencontrées
Lors de cette recherche plusieurs difficultés ont été rencontrées conduisant à un retard dans notre travail, à une insuffisance de données pour nos analyses mais aussi à une inaccessibilité à certains prestataires de soins. En effet, avec le contexte des élections présidentielles de février 2019, certaines populations étaient réticentes face à nos enquêtes ménages et d’autres aussi répondaient avec des intentions politiques tout en croyant que celles-ci concernent des propagandes électorales. Ce qui nous amené à reporter certaines d’entre elles à la période post-électorale. Concernant l’analyse du volume d’activité du système de soins, des demandes de données ont été effectuées à plusieurs reprises au niveau de l’autorité sanitaire du district et au niveau des postes de santé, mais à cause de la grève du personnel de santé moderne de l’année 2018, il y’avait eu une rétention de données et aucune de celle-ci n’a été mise à notre disposition. Ce qui nous a empêché de consacrer une analyse particulière à l’activité du système de soins du district. Concernant les entretiens également, certains prestataires modernes comme traditionnels les ont déclinés alors qu’ils se trouvent dans des localités stratégiques dont il serait très pertinent d’y analyser l’offre de soins. Ceci est causé par la grève du personnel du secteur moderne, et pour le secteur traditionnel c’était à cause de la réticence des prestataires croyant que les enquêtes ont une finalité politique ou qu’on a été envoyé par le gouvernement. Néanmoins aussi, on a été confronté à des problèmes linguistiques au niveau de la commune de Dembankané lors des enquêtes ménages car les populations de cette localité parlent une langue (Soninké) qui est différente du nôtre (Poular) donc on a été obligé de chercher un interprète afin d’être sur la même longueur de compréhension des questions posées. Mais il se peut qu’il y’ait eu des incompréhensions qui ont entrainé la trahison des sens de certaines questions entre l’interprète et les populations concernées. Mais pour des mesures de représentativité lors du choix des localités pour l’échantillonnage, il était nécessaire de choisir celle-ci parmi les autres malgré cet obstacle linguistique. Comme autre difficulté rencontrée aussi, il y’a l’absence de la localisation géographique de certaines localités dans les bases de données cartographiques qu’on a obtenu. Ce qui a d’une part impacté nos représentations cartographiques et leurs analyses.
Traitement et analyse des données
Le traitement des données portera principalement sur la saisie et la cartographie des données afin de : 1) montrer l’évolution spatio-temporelle de l’offre de soins en cartographiant sa répartition avec le logiciel Quantum Gis. Ce qui nous permettra d’analyser l’équipement du district sanitaire de Kanel en services de soins modernes (publics et privés) mais aussi traditionnels. 2) mettre en évidence les facteurs géographiques, financiers socio-culturels et informationnels d’accessibilité aux soins des populations. En d’autres termes, il s’agit d’analyser ces déterminants afin de mettre en évidence leurs influences et leurs impacts sur le recours et l’accès aux soins des populations du district sanitaire. 3) analyser les différents recours aux soins et les itinéraires thérapeutiques des populations face aux différents types de soins (modernes et traditionnels) tout en démontrant les motifs du choix des recours.
LES POLITIQUES DE SANTE
L’analyse des politiques sanitaires des institutions internationales permet d’expliquer leur influence sur le système sanitaire des Etats. Au niveau local également, les politiques sanitaires de l’Etat du Sénégal ont été prises en compte dans les analyses pour voir leur portée administrative dans la gestion de l’offre de soins de santé des populations.
Les politiques internationales d’offre de soins
Au plan international plusieurs politiques ont été élaborées afin d’assurer une meilleure offre aux populations sans distinction ni discrimination. Elles ont comme objectif principal de faciliter l’accès aux soins de santé des populations avec des coûts qui toutefois sont supportables par ces dernières. Ainsi, ces politiques ont une influence sur les secteurs sanitaires de nombreux pays car leurs portées dans l’organisation du système de santé de ces derniers est remarquable. En effet, dans de nombreux pays en Afrique comme le Sénégal, ces politiques ont participé au façonnement des systèmes de santé à plusieurs échelles. Ainsi, en 1978, la grande rencontre internationale d’Alma Ata avait comme objectif principal de discuter sur les mesures politiques permettant d’assurer « une santé pour tous ». Elle a réunie plusieurs représentants des personnels du secteur de la santé, des gouvernements et des sociétés civiles pour repenser sur la nécessité de réorganiser la structuration et l’organisation mais aussi la gestion de l’offre de soins en instaurant une nouvelle politique sanitaire : les soins de santé primaires (SSP). En effet l’application de ces politiques devrait pouvoir assurer aux populations des pays signataires une offre de soins de base qui leurs est acceptable et financièrement accessible car ces soins constituent l’instance premier de l’échelle du système de soins et selon l’aide-mémoire de l’OMS de 2003, « Ils sont le premier niveau de contact des individus de la famille et de la communauté avec le système national de base. » Toujours dans ses activités d’offre de soins, l’OMS vise à «Favoriser une bonne santé aux principaux stades de l’existence compte tenu de la nécessité d’agir sur l’équité en santé, les déterminants sociaux de la santé et les droits de l’homme, en cherchant à promouvoir l’égalité entre les sexes. » (OMS, 2015). En effet avec la couverture sanitaire universelle, cet organisme s’engage à ce que chaque individu obtienne les services de santé dont il a besoin sans être exposé à des difficultés financières. Ainsi pour édifier des systèmes de santé adaptés et résilients, il accompagne les Etats dans la rationalisation du leadership et de la gouvernance, dans l’amélioration du financement de la santé, dans le renforcement des ressources humaines, la promotion de l’accès aux technologies sanitaires efficaces,l’assurance de la prestation intégrée des services, mais aussi la génération et l’utilisation des informations sanitaires et la recherche pour la santé. Parallèlement aux initiatives de l’OMS, en Afrique, l’Initiative de Bamako (IB) a aussi apporté d’importantes réformes dans le secteur sanitaire des Etats. En effet, dans son article intitulé « L’Initiative de Bamako 15 ans après : un agenda inachevé » qui est un document d’analyse de la naissance et des résultats de la politique mise en place par l’IB, V. Ridde (2004) explique les mécanismes mises en place par les Etats africains. Ainsi, pour mieux faciliter l’accès aux SSP, ces Etats ont entrepris plusieurs mesures afin de revisiter la mise en œuvre des politiques d’offre de soins en partant de la base (SSP) comme cela a été initié à Alma Ata. Ainsi, ce dernier affirme que « les changements annoncés lors de ces conférences internationales n’ont pas été concrètement mis en œuvre par les Etats selon toutes les composantes initialement fixées. L’implantation de cette politique publique de santé d’origine essentiellement exogène, n’a pas non plus produit tous les effets escomptés (efficacité versus équité) » parce que l’aspect équité a été négligé et les interventions n’ont été concentrées que sur l’aspect efficacité de l’organisation à mettre en place. Ainsi, selon toujours cet auteur, pour assurer l’équité dans l’offre de soins les Etats, les ONG, les bailleurs et les scientifiques doivent revoir les politiques sanitaires mises en place. Néanmoins, il est à signaler que l’IB a d’une part eu comme conséquence une augmentation de la fréquentation des populations dans certains établissements sanitaires (Niang et Handschumacher, 1998). Ainsi, en prenant le cas de la République Démocratique du Congo (RDC) qui a souscrit à la stratégie des soins de santé primaire à travers la conférence d’Alma Ata et l’IB, la politique sanitaire a pour option fondamentale : « la satisfaction des besoins de santé de toute la population qu’elle soit en milieu urbain ou rural » (Ministère de la santé de la République Démocratique du Congo, 2004). Ainsi, elle vise un certain nombre de points essentiels dont parmi eux : L’éducation concernant les problèmes de santé et les méthodes de lutte, la protection maternelle et infantile, y compris la planification familiale, la lutte contre les épidémies et endémies, la vaccination contre les maladies infectieuses, la fourniture des médicaments essentiels.
Les politiques d’offre de soins de l’Etat du Sénégal
Au Sénégal, selon la pyramide sanitaire, la gestion des politiques d’offre de soins se fait à trois niveaux différents. Il s’agit du niveau central où interviennent les politiques nationales d’offre de soins. En effet, ces dernières sont élaborées par l’instance décisionnelle du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale (MSAS) qui comprend le cabinet du ministre, le secrétariat général du ministère et les directions centrales. Ensuite vient le niveau intermédiaire qui correspond à l’instance régionale dont les politiques sont administrées par l’équipe de la région médicale avec à la tête le médecin-chef de région qui coordonne les équipes sanitaires des districts. Ainsi au Sénégal, il existe 14 régions médicales qui travaillent sous la tutelle du niveau central. Enfin on a le niveau périphérique où interviennent les politiques dont la gestion est sous la tutelle de l’équipe du district sanitaire coordonné par le médecin-chef de district. Ainsi l’équipe de ce niveau périphérique qui peut correspondre à Dynamiques de l’offre de soins dans le district sanitaire de Kanel (Région de Matam) 34 l’aire d’un département ou d’une commune travaille avec les instances communautaires dans l’offre de soins. Il s’agit de comité de gestion de la circonscription sanitaire de commune ou des comités villageois. Ainsi dans l’offre de soins de santé, il existe trois niveaux de soins selon les services offerts et le niveau d’équipement des structures sanitaires. Il s’agit du niveau tertiaire où se situent les Centres Hospitaliers Universitaire (CHU), les Etablissements Public de Santé de niveau 3, qui dispensent les soins spécialisés de haut niveau. Ainsi au Sénégal, il existe 9 hôpitaux pour le niveau tertiaire. Pour le niveau intermédiaire, on a les hôpitaux régionaux qui assurent les soins Photo 1: MSAS, 2017. secondaires. Et enfin au niveau périphérique vient le district sanitaire qui est composé de centres de santé, de postes de santé et de cases de santé. Ainsi ce niveau qui est la première instance d’offre de soins aux populations est plus développé en matière d’effectifs de structures sanitaires, ce qui fait qu’il constitue géographiquement le niveau le plus accessible par rapport aux autres. Ainsi, plusieurs politiques ont été mises en place par l’Etat du Sénégal vue qu’il manifeste son engagement et sa responsabilité de préserver la santé et le bien-être de sa population. En effet à l’article 17 de sa constitution, il reconnait la santé comme un droit des populations et affirme que : « L’Etat et les collectivités publiques ont le devoir de veiller à la santé physique et morale de la famille, et en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées ». Ainsi il est à rappeler que l’offre de soins aux Sénégal est assurée en grande partie par l’Etat et garantie par la constitution. Ainsi, l’importance du secteur de la santé a été très tôt comprise par l’Etat sénégalais et cela se matérialise par l’élaboration de plusieurs programmes de santé parmi lesquels le Plan National de Développement Sanitaire et Social (PNDS) pour la période 1998-2007 avec comme priorités : de lutter contre la mortalité maternelle, infantojuvénile et la maitrise de la fécondité (Ministère de la santé publique et de l’Action sociale, 1997). Son but principal est de « réaliser un état de santé satisfaisant pour chaque Dynamiques de l’offre de soins dans le district sanitaire de Kanel (Région de Matam) 35 sénégalaise et chaque sénégalais quel que soit l’endroit du pays où ils se trouvent ». Toujours dans la politique sanitaire de l’Etat du Sénégal, il y’a eu le Programme de Développement Intégré de la Santé et de l’Action Sociale (PDIS) avec cinq ans d’activités (1998-2002) et a comme objectifs prioritaires : 1) réduire la mortalité infanto-juvénile (154‰ en 1996), 2) réduire la mortalité maternelle (avec 510 enfants/100 000 naissances vivantes en 1998), 3) réduire l’indice synthétique de fécondité (6,03%), 4) améliorer le cadre de vie des familles démunies aux services de base. Il est la traduction concrète des priorités en matière de santé définies dans le PNDS. Ainsi dans ce même sillage pour renforcer le secteur de la santé afin de répondre aux besoins sanitaires des populations un autre PNDS a été lancé pour la période 2009-2018 avec un renforcement des objectifs cette fois ci constituant à : 1) réduire le fardeau de la morbidité et de la mortalité maternelles et infanto-juvéniles, 2) accroitre les performances du secteur en matière de prévention et de lutte contre la maladie, 3) renforcer durablement le système de santé, 4) améliorer la gouvernance du secteur de la santé. L’ensemble de ces initiatives pourrait expliquer les avancées notées dans le secteur sanitaire sénégalais. En effet, on note des indicateurs de santé qui, dans l’ensemble, sont en réelle progression et prometteuses d’un état de santé optimal : près de 53 % des enfants de 12-23 mois ont reçu tous les vaccins du PEV (sans la fièvre jaune) avant l’âge de 12 mois, la mortalité infantile est de 47 ‰ en 2010-2011 contre 61 ‰ en 2005, la mortalité infantojuvénile est de 72 ‰ contre 121 ‰ en 2005 (ANSD, 2012). Plus récemment, l’Etat du Sénégal a lancé la politique de la promotion et du renforcement du secteur de la santé à travers l’axe santé et nutrition du PSE (Plan Sénégal Emergent). Cette politique qui vise à « assurer la délivrance des soins de santé de qualité à des coûts accessibles » a comme principal objectif d’assurer un meilleur état de santé à toutes les couches de la population (République du Sénégal, 2014).
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