Dynamiques d’adaptations chez les éleveurs bovins

Dynamiques d’adaptations chez les éleveurs bovins

Des agricultures familiales et leurs réappropriations locales dans les Hauts du sud de la Réunion 

Après avoir exposé le contexte propre à l’élevage réunionnais et abordé son évolution depuis les années 60 en les reliant aux effets générationnels et aux processus identitaires à l’œuvre, je propose ici d’approfondir les itinéraires sociaux issus de mon étude socioethnographique à la Grande ferme. Cette analyse va me permettre de montrer que malgré un modèle d’exploitation agricole familiale inculqué et appliqué sur la Grande ferme depuis le plan d’aménagement des Hauts et la réforme foncière, celui-ci connaît des reformulations. L’analyse s’appuie ici sur les travaux d’Hélène Paillat-Jarousseau (1997, 2014) et envisage dans un premier temps, une lecture dynamique de ces itinéraires en les mettant en lien à travers des configurations ouvertes pour tenter de comprendre la place passée, présente et à venir de l’élevage bovin dans l’aménagement du territoire des Hauts du sud de l’île de la Réunion. Vingt-six itinéraires agricoles et familiaux ont été approfondis pour mettre en évidence huit configurations d’éleveurs. Au regard de ce qui a pu être explicité précédemment, la contribution de ce chapitre permettra de décrire des dynamiques sociales à l’origine de la constitution récente de cette forme d’élevage, potentiellement toujours à l’œuvre aujourd’hui. Nous verrons dans un second temps se dessiner des systèmes d’entraides, de coopérations, dans une pratique qui a été amenée à se spécialiser et à s’individualiser. Nous analyserons en quoi ces systèmes de coopérations peuvent être au service de la reproduction sociale des exploitations familiales à la Grande ferme. Enfin, nous dépeindrons les évolutions visibles au sein des institutions initiatrices de la structuration de l’élevage. En interaction avec les configurations construites précédemment, nous nous interrogerons sur la manière dont l’avenir de l’élevage est envisagé. Le premier axe de travail revient à rappeler les causes de la modernisation de l’élevage et des exploitations agricoles : il semblerait, en fonction de notre enquête et de la littérature, que celles-ci reposent sur la sédentarisation de cheptels composés de races de bovins pures (ou croisées en fonction de la situation des parcelles nécessitant parfois des troupeaux plus rustiques), du perfectionnement des pratiques à travers une vision productiviste et technique ainsi que du changement d’échelle des exploitations ; ces bouleversements sont accompagnés d’une dynamique domestique structurante, préexistante, mais aussi induite et formalisée par les décideurs politiques au moment du PAH ; l’accès démocratisé à la mécanisation, l’amélioration des infrastructures, du suivi des itinéraires techniques sont autant d’autres facteurs de changements. Enfin, les éleveurs ont vécu de nouveaux modes de gestion de leur exploitation, participé à des formations agricoles et intégrés des systèmes jugés innovants de travail collectif. Si la structuration de filières de productions animales accompagnée de sa modernisation avait pu mener à un modèle unique d’exploitation agricole nous verrons en quoi les formes d’adaptations des éleveurs et les liens entre eux révèlent l’émergence de reformulations. La deuxième facette de notre travail repose sur les principaux critères constituant ces huit configurations : – La composition familiale ; – La place et le rôle de la femme sur l’exploitation, que j’ai décidé d’extraire de la composition familiale dans la mesure où je suppose qu’ils puissent être éclairants des enjeux inhérents à l’exploitation agricole dans un contexte de diversification. Les femmes d’éleveurs, au début des années 90 ont été sollicitées par des organismes de développement pour débuter de la diversification touristique sur le territoire. Le virage ayant été peu pris à cette période, l’idée est d’avoir une représentation actuelle de l’influence de la femme cheffe d’exploitation pour obtenir une lecture de l’agriculture familiale sur la Grande ferme. – Les pratiques agricoles en fonction de la capacité du chef d’exploitation à mobiliser de la main-d’œuvre et de l’entraide (interne ou externe à son foyer) et à s’intégrer dans des groupements ; – Le choix d’organisation et de développement de l’exploitation en fonction du parcours d’installation et de succession envisagé. 

Agriculture familiale et itinéraires d’éleveurs 

C’est la tâche des chercheurs en sciences sociales que de trouver les moyens de comprendre les configurations mouvantes que les hommes tissent entre eux, la nature de ces liaisons ainsi que la structure de cette évolution. Elias Norbert, Engagement et distanciation. Contributions à la sociologie de la connaissance, Paris, Fayard, 1993 (1983),

Des itinéraires d’éleveurs bovins qui relativisent un modèle d’agriculture familiale 

Configuration 1 (C1) : L’exploitation, fondée sur la famille rapprochée suit le modèle en filière et répond à un enjeu de reproduction professionnelle. Pour les éleveurs de cette configuration, l’activité s’est lancée dans le cadre ou dans la continuité du plan d’aménagement des Hauts : par attribution directe de terrains (ONF-Safer) ou par reprises de terrains (ONFSafer) et/ou par transmission de parents propriétaires. Tous les éleveurs concernés sont issus de familles agricoles, dont les plantations de pommes de terre et les premiers pas d’élevage collectif (en viande ou laitier) ont permis une consolidation économique du foyer. L’activité d’élevage est centrée sur la famille rapprochée, et sur une association avec les enfants dans le but d’assurer la succession et la transmission de l’exploitation agricole. Ces familles entrent dans le cadre d’un modèle d’agriculture familiale promu par les coopératives et la FRCA. À savoir que l’exploitation familiale d’aujourd’hui ne prend plus seulement une forme individuelle, mais aussi une forme sociétaire (en réponse notamment aux problématiques de rareté du foncier). Page | 163 Que l’éleveur soit spécialisé en lait ou en viande, « l’entraide  » est de mise chez ces familles (au sein de cette configuration, ou avec les suivantes) pour des manipulations plus précises. Celle-ci, très généralement résultante d’un contrat tacite peut être formalisée dans le cadre de CUMA (souvent familiales) ou de groupements (anciennes coopératives ONF). L’itinéraire mis en évidence à titre d’exemple concerne Pierre-Antoine, dit « Antoine », né en 1959. Avec quatre autres éleveurs, sous gestion de l’ONF, il est l’un des premiers à avoir lancé cette activité de manière structurée à la Plaine des Cafres. Il fait partie du groupement pastoral du Nez de Bœuf et en est encore à la présidence. Fort de son évolution dans ce monde professionnel, il a ensuite fait importer des races pures de métropole. Aujourd’hui, il pratique un élevage intensif en bovin viande, en tant que naisseur, engraisseur et reproducteur. Il est actuellement installé en société (EARL) avec sa femme et son fils. Ce dernier, né en 1987 a fait un BAC Professionnel au lycée agricole de Saint Joseph avant de s’installer avec sa famille. Les parents de Pierre-Antoine pratiquaient une petite agriculture pluriactive, déjà sur la Grande ferme. Ils cultivaient le géranium et la pomme de terre. Très tôt, Pierre-Antoine ainsi que ses frères et sœurs ont dû travailler à la ferme pour les aider. C’est en cinquième qu’il a quitté l’école. L’exploitation de la famille est répartie en quatre sites éparpillés : le plus gros du troupeau se situe effectivement au Nez de Bœuf, à 2000 mètres d’altitude. Les portes de leur parc d’engraissement sont en face de chez eux, en hauteur, sur les pentes de la Grande ferme. Ils occupent une autre parcelle juste à côté (jouxtant le chemin Odilien Picard) et leur parcelle de fauche se situe sur la route allant jusqu’à la Plaine des Palmistes. La société occupe au total 80 hectares dispersés. Pierre-Antoine aurait souhaité une exploitation d’un seul tenant, mais il relate le gros problème de foncier réunionnais faisant qu’ils sont dispersés aujourd’hui en 4 sites. S’ils louent les 51 hectares du Nez de Bœuf à l’ONF, ils sont propriétaires du reste. Pierre-Antoine, Freddy et Marie travaillent ensemble, tous les trois, au quotidien. Sinon, ils sont aidés par d’autres éleveurs : « ce qu’il y a de bien dans ce coin-là, c’est la solidarité des éleveurs. Moi, là, je prends mon téléphone, j’appelle 5-6 bonhommes, ils arrivent en 10 minutes » se plaît à raconter Pierre Antoine. Quand il y a une pesée ou un traitement à effectuer pour la prophylaxie, l’entraide est centrale. En parallèle, ils font aussi partie d’une CUMA essentiellement pour avoir du matériel pour l’ensilage. Aujourd’hui, ils ont un troupeau de 200 têtes de race pure. Le couple a aussi deux filles, qui ne sont pas dans l’élevage. L’une travaille en tant qu’aide aux personnes âgées et l’autre est en recherche de travail. Elle avait effectué un remplacement au secrétariat de la mairie, temporairement. Elles habitent toutes deux à la Grande ferme et sont voisines. Freddy a un fils de deux ans « qui baigne dans le tracteur (…) l’élevage c’est une question de famille. Pareil, notre CUMA, regarde, c’est 7 cousins ! ». Nous revenons sur la famille de Pierre-Antoine : ils étaient une fratrie de neuf. Aujourd’hui, il lui reste deux frères et une sœur. Deux sont morts à la naissance, un à l’âge de 5 ans et une sœur à 44 ans, récemment d’une phlébite. Pierre Antoine est l’aîné. Il a un frère qui fait de l’élevage à Piton de l’eau (Martin P. – configuration 6 -) et un deuxième frère qui fait du maraîchage 146 Celle-ci est formulée de cette manière par les personnes enquêtées. Page | 164 (Nathan P.). Tous deux sont aussi à la Grande ferme. Si Pierre-Antoine n’a pas eu de formation agricole, Martin oui, car il a repris le terrain de leur père sur Piton de l’eau. Pierre-Antoine est un homme engagé qui s’est partagé entre le conseil d’administration de la Sica Révia, de la Sedael, la présidence de l’ARP, le groupement du Nez de Bœuf, l’Aribev et l’EDE (établissement départemental de l’élevage). Freddy poursuit ces engagements. Pierre Antoine est considéré comme un des « pionniers » de l’élevage sur le terrain ONF du Nez de bœuf (il est le seul « d’origine », les exploitants autour de lui sont des reprises). 

 Des configurations simultanées au service d’une reproduction des exploitations agricoles familiales 

Nombre d’éleveurs rencontrés se situent à l’intersection de deux sentiments : celui d’une perte de solidarité sur la Grande ferme, couplé d’une nostalgie du « tan lontan », de l’élevage collectif durant lequel la solidarité était de mise. Le second sentiment intimement exprimé est qu’au contraire, les solidarités, souvent qualifiées de familiales persistent sous d’autres formes et sont toujours une des conditions de réussite de l’activité malgré la tendance à l’individualisation de la pratique, sur l’exploitation. Un travail en termes de configurations nous permet de repartir de la pratique décrite et observée des éleveurs. Nous verrons qu’un groupe de professionnels ou de personnes, liés les uns aux autres par des interactions plus ou moins fortes et régulières, diffuse des formes d’organisations « émergentes ». Ces dernières ne constituent pas tant une structure à proprement parler mais « le milieu dynamique de leur action », à savoir un ensemble de ressources et une série de contraintes, elles-mêmes en mouvement (Norbert Elias, 1991)150. Le phénomène social selon Norbert Elias Pour Norbert Elias, l’unique manière de saisir le phénomène social est de le considérer en termes d’ensemble de fonctions relationnelles. « Ni l’ensemble lui-même, ni sa structure ne sont l’œuvre d’individus isolés, ni même d’un grand nombre d’individus réunis ; et pourtant ils n’existent pas non plus en dehors des individus. Toutes ces fonctions interdépendantes (…) sont autant de fonctions exercées par un individu pour d’autres individus (Elias, 1991, p.51) ». Le concept d’interdépendance nous permet d’éclairer ce phénomène : « Seulement chacune de ces fonctions est tournée vers les autres ; elle dépend des fonctions qu’ils exercent comme eux-mêmes dépendent d’elles ; du fait de cette interdépendance irrémédiable des fonctions individuelles (…) il faut que les actes d’une foule d’individus isolés se réunissent inlassablement en longues chaînes pour que l’action de chaque individu prenne tout son sens » (Ibid., p.52). La synchronicité des configurations définies par ailleurs est donc une condition de leur existence. Pour mieux faire comprendre ce concept d’interdépendance, Norbert Elias utilise l’exemple d’un filet (1991): « nos instruments de pensée ne sont pas encore assez maniables pour rendre tout à fait compréhensibles des phénomènes d’entrecroisements et d’interdépendances (…) Que l’on songe par exemple, pour appréhender cette forme de corrélation, à la structure dont est issue la notion d’entrecroisement, un système réticulaire (…) La forme de chaque fil se modifie lorsque se modifient la tension et la structure de l’ensemble du réseau. Et pourtant, ce filet n’est rien d’autre que la réunion de différents fils (…) Ce n’est là qu’une image, indigente et insuffisante. Elle suffit tout au plus à titre de schéma conceptuel de l’imbrication des relations humaines (…) ; mais les relations entre les Hommes ne peuvent jamais s’exprimer simplement en termes de formes dans l’espace. En outre, c’est une image statique. Elle remplit un peu mieux sa fonction si on représente ce réseau en mouvement perpétuel, tissant et défaisant inlassablement des relations ». Ces différents extraits issus des écrits de Norbert Elias sont des éclairages pour rendre compte de la complexité des faits sociaux qui n’ont d’existence qu’à travers des dynamiques d’interactions, d’interdépendances issues de relations humaines mouvantes réunies à la fois à travers l’Histoire mais aussi qui s’imbriquent dans des réseaux ouverts et synchroniques. Les systèmes sociaux ne peuvent être orientés vers leur permanence  puisqu’ils sont au contraire sujets à déséquilibre inhérent à leur existence, dû à la force qui anime chaque champ en mouvement qui les composent. Ce point permet d’emblée de relativiser la notion de « modèle », mise en évidence par les organisations professionnelles agricoles ainsi que par les agents de développement. Considérer les configurations d’un point de vue synchronique permet d’expliquer les systèmes de coopérations, d’interdépendances, entre éleveurs, reposant sur un contrat d’entraide convenu. Sans en exclure les conflits, la solidarité demeure au cœur des pratiques agricoles aujourd’hui. Celle-ci supplante les services rendus par les Sica en se déroulant à un niveau de grande proximité. Elle résulte d’un échange tacite de don / contre-don, que les éleveurs appellent « l’entraide », résultant d’une « bonne entente » impliquant de rendre service afin de pouvoir bénéficier d’aide ensuite. Ces échanges sont issus des solidarités existantes et nécessaires à l’époque de l’agriculture diversifiée ainsi que de l’élevage collectif, extensif. Ils se matérialisent aujourd’hui, nous le verrons, plus particulièrement aux occasions de rassemblement des troupeaux pour des traitements divers ou pour faciliter les contrôles. Plusieurs éleveurs font le lien entre « l’entraide » vécue aujourd’hui et celle datant des années 70 : « Lontan, l’avait beaucoup plus d’entraide quand même. Lontan, quand nou faisait élevage rodéo, il fallait avoir de l’entraide. Beaucoup d’entraide. Parce qu’on n’était pas individuellement. Aujourd’hui de moins en moins…Mais il faut quand même avoir deux trois personnes, par exemple quand on manipule les animaux. » « Ici, heureusement la une bonne entente dans la Grande ferme là…Une solidarité oui. Mi rappelle quand mi lavait besoin de planter les brandes, nettoyer, mettre propre les pâturages, l’oncle li aide à nou…Et quand lui plantait les pommes de terre, mi aide à planter. L’entraide l’était comme ça. » Nous l’avons vu précédemment, de façon majoritaire, les éleveurs travaillent de manière centrée sur la famille rapprochée. À partir de là, les coopérations, dans la localité, peuvent prendre différentes formes. Elles peuvent par exemple se faire pour des manipulations précises (comme la prophylaxie), nécessitant de la main-d’œuvre ponctuelle. Dans ce cadre, différentes configurations vont s’interpénétrer : C1 et C3, de manière réciproque, entre voisins d’exploitations pour des manipulations vétérinaires, liées à la prophylaxie ou d’autres formes de vaccination. C1 et C2 s’interpénètrent pour les mêmes raisons, sur la base de la famille élargie et du voisinage d’exploitation. C1 et C4 interagissent sur la base de la famille élargie, ainsi que C1 et C5. Jean-Max et sa famille par exemple, sont fiers de cette entraide qui leur permet de fonctionner quel que soit le contexte qu’ils traversent : « Nous, si par exemple il faut faire rentr’ les bœufs au parc pour faire quelque chose, bah nou nana PierreAntoine P., Albert, Jean Dylan…Moi quand mi fais prophylaxie, quand le vétérinaire li arrive, nana 14 ou 15 personnes pour aide à moin ! (…) Et le vétérinaire li dit à nou que c’est la seule place qu’il voit ici comm’ terla. Parce que quand R. Albert li fait les siens, nou sa va aider. Pierre-Antoine i fait, nou sa va aider.  Etienne pareil. Alix aussi. Mais le vétérinaire, le travail qu’il fait en une heure de temps chez nous, chez un autre éleveur, il lui faut une journée ! » Cette entraide leur sert à être davantage efficace dans leur activité. Grâce à ces interactions la famille parvient par exemple à prendre une semaine de vacances par an, durant laquelle ils partent à l’île Maurice. De même, cette entraide leur est indispensable en cas de problème sur l’exploitation. Lorsque Jean-Max était hospitalisé, c’est cette solidarité qui a permis à sa femme, Esther, de poursuivre l’activité. Lorsque j’ai rencontré Antonin et Angelina R., voisins d’exploitation de la famille, ils m’ont expliqué que Jean-Max et sa fille ont été les premiers à les avertir qu’un bœuf divagant avait sailli une de leur génisse. Par conséquent, ils ont pu réagir rapidement pour la placer en quarantaine au niveau de leur bâtiment. Tous, sont fiers de cette entente qui perdure finalement depuis des générations, qui assure un lien avec leurs prédécesseurs en perpétuant ces relations et qui influencent le maintien de l’activité d’élevage malgré les difficultés rencontrées. De la même manière, C2 va interagir avec C6 : C6 a recours à C2 (et réciproquement) sur la base du voisinage d’exploitation pour les manipulations demandant plus de main-d’œuvre et de technique, mais aussi pour permettre à l’un ou l’autre éleveurs de prendre des congés. Il s’agit d’une relation de confiance. C6 et C4 interagissent aussi ensemble sur la base de la camaraderie et du voisinage d’exploitation. Par exemple Yann a été pendant un temps ouvrier agricole d’Yvon P. avant de pouvoir s’installer en face de chez lui. C5 et C4, s’interpénètrent également : Jean Dylan R. était le « vacher » de Tanguy et Monica B. (GAEC) lors du concours de vaches laitières à la foire agricole de Miel Vert. Nous l’avons vu à travers les itinéraires, certains éleveurs ont recours au service de remplacement proposé par le syndicat (FDSEA), mais la majorité d’entre eux préfère s’arranger entre voisins d’exploitation ou famille, avec des personnes de confiance lors des départs en vacances ou congés. Chacun sait alors qu’il peut compter sur l’autre et qu’il sera amené aussi à « rendre la pareille ». Enfin, dans cette dynamique, nous n’avons pas évoqué les configurations C7 et C8. C7 correspond, rappelons-le aux exploitants travaillant seuls et ne cherchant pas à s’intégrer à des formes de groupements locaux. L’un d’entre eux, Jean-Eric S. interagit avec certaines configurations d’éleveurs, mais uniquement dans le cadre de la Sica, lors de réunions formelles. Comme il n’est pas issu de la localité, il ne semble pas avoir tissé de liens interpersonnels ni même interprofessionnels avec d’autres familles d’éleveurs. Réciproquement, les autres éleveurs m’évoquent rarement son nom. Il fait alors appel à son frère, maçon, pour des travaux d’entretien de ses infrastructures (hors de l’unité locale de référence). Et pour l’ensilage, il a recours à une société externalisée. Toujours dans cette septième configuration, à la différence de Jean Eric, Florent lui, est issu de la localité et d’une famille très ancrée à la Grande ferme. Toutefois, il se situe plutôt dans une forme de retrait vis-à-vis des autres professionnels. L’enjeu pour lui est de maintenir le foncier Page | 183 dans les mains de la famille, des acquisitions qui ont enclenché des conflits dont il est l’héritier aujourd’hui. Il fait appel à un membre de sa famille élargie (son beau-frère) pour le travail sur son exploitation. Sinon, pour l’ensilage, il travaille avec une famille d’agriculteurs qui n’est pas issue de la localité mais qui est située plus en aval de la Plaine des Cafres. Enfin, C8 intègre l’itinéraire de Jean-Alain P., enfant d’agriculteurs, qui a décidé de se détourner de l’élevage pour se lancer dans l’agrotourisme. Ses gîtes ainsi que sa pratique du maraîchage sont centrés sur la famille rapprochée. S’il fait appel à d’autres réseaux professionnels, il est aussi en lien avec des éleveurs ou des maraîchers voisins d’exploitations pour assurer l’approvisionnement des repas qu’il propose à sa clientèle, la plantation ou la récolte des productions.

LIRE AUSSI :  Caractéristiques des exploitations agricoles avant la mise en œuvre des microprojets

Table des matières

Introduction générale
Objet de la recherche
Objectifs de la recherche
Cadrage contextuel
Structure de la thèse
Partie I Sociétés agricoles réunionnaises en mutation et en question
1- Quelques données socio-historiques sur les Hauts de l’île de la Réunion et ses habitants
2- La place de la Plaine des Cafres et de l’élevage dans l’Histoire agro-touristique des Hauts
3- Cadrage de l’originalité de la thèse enjeux au carrefour du patrimoine, du tourisme et de l’agriculture
Résumé de la première partie en chemin vers une étude des mutations sociales des Hauts de l’île de la Réunion
PARTIE II Le passage d’une agriculture diversifiée à un modèle d’élevage bovin en filières
1- La Grande ferme construction d’une terre d’élevage dans la région des Plaines du sud de l’île de la Réunion
2- Des agricultures familiales et leurs réappropriations locales dans les Hauts du sud de la Réunion
3- Des « valeurs » communes mobilisées pour la perpétuation de l’élevage bovin à la Grande ferme
Résumé de la deuxième partie créer du sens autour de pratiques professionnelles
prises dans l’Histoire pour assurer une continuité dans les mutations sociales vécues
PARTIE III- Les éleveurs de la Grande ferme et leurs réseaux d’intégration sociale et territoriale
1- L’espace social des éleveurs de la Grande ferme entre engagement professionnel et mobilisation d’autres réseaux d’intégration sociale ?
2- La Grande ferme familiale, espace de repli ambivalent7
3- Des éleveurs, habitants sur un territoire attractif et vecteur de multi-usages
Résumé de la troisième partie des pratiques agricoles prises dans une pluralité d’inventions de lieux touristiques
Conclusion générale
Synthèse
Rappel de la démarche et conclusions
Originalité de la recherche
Limites et pistes de réflexions
Bibliographie
Webographie
Autres documents.
Glossaire, tables, abréviations et sigles
Glossaire
Liste des illustrations et tableaux
Abréviations et sigles
Annexes
Annexe 1 Zones décrites des anciens pâturages
Annexe 2 Grilles d’entretiens
Annexe 3 Liste indicative des entretiens
Annexe 4 Cadastres de la Grande ferme

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