Dynamique structurale et fonctionnelle du domaine
C-terminal de la protéine PB2 du virus de la grippe A
Les ribonucléoprotéines
La nucléoprotéine (NP) est en échange lent entre un état monomérique et un état trimérique (grippe A) ou tétramérique (grippe B) lorsqu’elle n’est pas associée à l’ARN [Chenavas et al., 2013]. Seule la forme monomérique est capable de s’associer à l’ARN, interagissant avec 24 à 27 bases d’ARN via un sillon basique, protégeant l’ARN viral de la dégradation dans la cellule hôte, et formant ainsi une ribonucléoprotéine virale (vRNP) [Chenavas et al., 2013, Ye et al., 2006, Ortega et al., 2000]. Dans la RNP, NP multimérise grâce à l’insertion d’une boucle dans la molécule voisine, et est capable de former des multimères rigides ou non [Ye et al., 2006]. Les vRNPs sont ciblées par RIG-I qui les déstabilise en interagissant avec la structure secondaire “panhandle” formée par l’ARN viral 5’ triphosphate, activant ainsi la réponse immunitaire de l’hôte [Weber et al., 2013].
L’ARN polymérase
L’ARN polymérase ARN-dépendante est un hétérotrimère, composé d’une protéine acide (PA) et de deux protéines basiques (PB1 et PB2). PA et PB1 possèdent un signal de localisation nucléaire (NLS) tandis que PB2 en possède deux, bien que l’un d’entre eux soit situé au centre de la protéine et donc inutilisable pour l’import au vu de la structure de la protéine [Boulo et al., 2007, Mukaigawa and Nayak, 1991]. Les protéines de la polymérase entrent dans le noyau via interaction avec l’importine α ou par la voie RAN-BP5 (Ran Binding Protein 5 ) [Deng et al., 2006]. La polymérase de la grippe cumule un certain nombre de fonctions essentielles à la réplication : PA comporte une activité endonucléase, PB1 porte l’activité polymérase, et PB2 contient un domaine d’interaction avec la coiffe des ARN messagers cellulaires, ainsi qu’un domaine en C-terminal, le 627-NLS, appelé domaine d’adaptation à l’hôte du fait des nombreuses mutations qui apparaissent lors de l’adaptation du virus d’un hôte aviaire à un hôte humain. Dans la particule virale, on trouve un trimère de polymérase associé aux extrémités 5’ et 3’ conservées de chaque ARNv [Hutchinson and Fodor, 2012, Boivin et al., 2010]. Les structures des domaines d’interaction entre les différentes sous-unités, du domaine endonucléase de PA et du domaine d’interaction avec la coiffe de PB2, et plus récemment celle de la polymérase entière en complexe avec un ARN viral, ont été résolues par cristallographie aux rayons X (Figure 1.3) [He et al., 2008, Obayashi et al., 2008, Sugiyama et al., 2009, Dias et al., 2009, Yuan et al., 2009, Guilligay et al., 2008, Reich et al., 2014, Pflug et al., 2014]. Le domaine N-terminal de PA est une endonucléase de la famille PD-(D/E)XK, coordinant deux ions magnésium (Figure 1.3C) [Doan et al., 1999, Dias et al., 2009]. Il est capable d’hydrolyser de l’ARN simple brin et de l’ADN double brin [Dias et al., 2009]. L’inactivation de ce domaine par mutations du site actif produit une polymérase capable d’effectuer la réplication ARN-indépendante, mais incapable d’effectuer la transcription qui nécessite le clivage par l’endonucléase d’une coiffe m7GTP cellulaire [Yuan et al., 2009]. Le domaine C-terminal de PA permet l’interaction avec PB1 dans le contexte de la polymérase entière (Figure 1.3A) [Reich et al., 2014, Obayashi et al., 2008, He et al., 2008]. Les N-terminal et C-terminal de PB1 interagissent avec le C-terminal de PA et le N-terminal de PB2 respectivement (Figure 1.3A,B) [He et al., 2008, Obayashi et al., 2008, Sugiyama et al., 2009]. Le domaine central de PB1 porte l’activité ARN polymérase à proprement parler (motif classique S-D-D), et sa structure n’a été que très récemment caractérisée à haute résolution (Figure 1.3E) [Fodor, 2013, Reich et al., 2014]. Elle a permis de mettre en évidence les nombreux contacts entre PA et PB1 d’une part, et PB2 et PB1 d’autre part. En effet, PA et PB2 sont enroulées autour de PB1, l’ARN viral étant fixé dans un canal traversant la polymérase de 17 part en part et permettant l’accès au site actif de polymérisation [Reich et al., 2014]. PB1 interagit avec le 5’ et le 3’ de l’ARN viral, interaction nécessaire à la formation de RNPs [González and Ortín, 1999, Reich et al., 2014]. Le domaine N-terminal de PB2 permet son interaction avec le peptide C-terminal de PB1 (Figure 1.3B) [Sugiyama et al., 2009]. Le domaine central de PB2 (Figure 1.3C), dit “d’interaction avec la coiffe” [Guilligay et al., 2008], permet à la polymérase de fixer la coiffe m7GTP des ARN messagers cellulaires, la coupure nécessaire au vol étant effectuée par le domaine endonucléase de PA [Plotch et al., 1981, Li et al., 2001]. En effet, dans la structure de la polymérase entière, ces deux domaines sont proches l’un de l’autre. D’autre part, PA et PB2 interagissent toutes les deux avec l’ARN promoteur nécessaire pour l’initiation de la transcription, ce qui est cohérent avec leurs positions respectives dans le contexte de la polymérase entière [Fodor et al., 1993, Reich et al., 2014]. Enfin, le domaine 627-NLS, situé en C-terminal de PB2, est un double domaine localisé près du canal de sortie putatif de l’ARN synthétisé [Reich et al., 2014]. Il est également impliqué dans l’adaptation interespèces [Tarendeau et al., 2008, Boivin et al., 2010]. Les détails de sa structure et de sa fonction seront introduits dans le chapitre II. Le gène pa code pour trois protéines mineures : PA-X est composée du domaine endonucléase de PA et d’un domaine correspondant à la traduction d’un second cadre de lecture en C-terminal. Elle réprime l’expression de gènes cellulaires [Jagger et al., 2012]. PA-N155 et PA-N182 sont des formes tronquées en N-terminal (à l’acide aminé 155 ou 182) de PA. Elles ne sont pas suffisantes pour la réplication mais jouent probablement un rôle significatif dans ce processus, les virus qui ne les expriment pas se répliquant plus lentement [Muramoto et al., 2013] Le gène pb1 code également pour deux protéines mineures : N40, une forme tronquée en N-terminal grâce à un codon start alternatif, qui ne possède pas le domaine d’interaction avec PA, et dont la fonction n’est pas élucidée [Wise et al., 2009]. PB1-F2 correspond à un décalage (+1) du cadre de lecture du gène, donnant une protéine complète de 87 acides aminés (facteur de virulence à l’effet pro-apoptotique) chez un hôte aviaire, mais devenant un court peptide (58 acides aminés) du fait de mutations lors de l’adaptation à un hôte humain [Chen et al., 2001, McAuley et al., 2010]. 1.3 Autres protéines NS1 est un facteur de virulence impliqué dans l’évasion du système immunitaire inné, dont les rôles sont multiples. C’est un dimère comportant un domaine de dimérisation et un domaine effecteur, capable d’interagir avec divers partenaires, 18 A B C D E Figure 1.3 – Structures cristallographiques de l’ARN polymérase ARN dépendante de la grippe. A. Domaine d’interaction en “tête de dragon” entre le C-terminal de PA (hélices α en rouge, feuillets β en jaune, boucles en vert) et le N-terminal de PB1 (bleu). Adapté de [Obayashi et al., 2008]. B. Domaine d’interaction entre le C-terminal de PB1 (rouge) et le N-terminal de PB2 (bleu). Adapté de [Sugiyama et al., 2009]. C. Domaine N-terminal de PA, portant l’activité endonculéase (hélices α en bleu, feuillets β en jaune, boucles en gris). En bâtonnets, les acides aminés du site actif. Adapté de [Dias et al., 2009]. D. Domain central de PB2, portant le site d’interaction avec la coiffe, en complexe avec un m7GTP (hélices α en rouge, feuillets β en jaune, boucles en gris). En bâtonnets, les acides aminés réalisant l’interaction ainsi que le ligand. Adapté de [Guilligay et al., 2008]. E. Représentation en surface du trimère PA/PB1/PB2 d’une souche de la grippe B (à gauche) ou A (à droite) en complexe avec un ARN viral. Chaque domaine est coloré comme son nom l’indique. La différence majeure entre ces deux structures est l’orientation du domaine d’interaction avec la coiffe, en orange. Adapté de [Reich et al., 2014]. 19 tels que de l’ARN ou la phosphoinositide 3-kinase [Hale et al., 2010, Cheng et al., 2009]. NS1 augmente le niveau d’expression des gènes codant pour des cytokines. Cependant, NS1 inhibe le traitement de l’extrémité 3’ des ARN pré-messagers de la cellule en interagissant avec des facteurs cruciaux de ce processus, empêchant la cellule de traduire ces ARN en protéines. NS1 interfère également avec la machinerie d’épissage de la cellule, forçant la relocalisation des ARN messagers au noyau [Noah and Krug, 2005, Lu et al., 1994]. NS2, aussi appelée NEP (Nuclear Export Protein) est le produit d’épissage du gène ns1. NEP joue un rôle essentiel dans l’export des vRNPs hors du noyau, grâce à un signal d’export nucléaire (NES), permettant l’export du noyau médié par l’exportine CRM1 (Chromosome Region Maintenance protein 1 ). De ce fait, une petite quantité de protéines NEP se trouve également associée aux vRNPs dans les virions produits [Iwatsuki Horimoto et al., 2004]. NEP interagit également avec M1 via un domaine en épingle à cheveux hélical amphipatique, qui dimérise pour former un ensemble de quatre hélices [Akarsu et al., 2003]. Des protéines de l’hôte sont également incorporées dans les virions. On peut notamment trouver des protéines impliquées dans la structure de la cellule et le trafic intra-cellulaire (actine β, tubuline α, famille des tropomyosines et cofilines), mais également des enzymes impliquées dans la glycolyse (aldolase, pyruvate kinase, glyceraldhéyde-3-phosphate déshydrogénase, …). Bien qu’une partie le soit de façon non spécifique, des similarités entre les protéines incluses par différents virus suggèrent l’implication de ces protéines dans certaines étapes du cycle du virus [Shaw et al., 2008]. D’autre part, certaines protéines de l’hôte ont un rôle dans le cycle de réplication du virus, comme PABP1 et eIF4GI qui s’associent avec NS1 pour l’initiation de la traduction des ARN messagers viraux, ou encore PA qui interagit avec des protéines de la famille des facteurs de transcription, augmentant l’activité de la polymérase [Burgui et al., 2003, Huarte et al., 2001].
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