Dynamique intrinséque de l’écosystéme et role du mélange vertical 

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Role de la dynamique sur la biologie dans les couches de surface : principes de base

La dynamique océanique contraint fortement le développement et la distribution phyto-planctonique. La raison première en est que les nutriments et la lumière sont inversement distribués sur la verticale. La lumière est intense dans les couches de surface et décroˆıt exponentiellement avec la profondeur du fait de l’atténuation naturelle de l’eau de mer, mais aussi du fait de l’ombrage induit par le phytoplancton lui-mˆeme. Quant aux nu-triments, ils sont très abondants en profondeur du fait de la reminéralisation par les bactéries des organismes morts qui sédimentent, et sont en général rares en surface o`u ils sont rapidement consommés par le phytoplancton pour fabriquer de la matière or-ganique. Sans dynamique océanique, il n’y aurait très vite plus de production primaire, puisque les nutriments seraient rapidement epuisés et non renouvelés dans la couche eu-photique (couche superficielle de l’océan o`u pénètre la lumière solaire, dont la base est généralement définie par le niveau o`u il y a 1% de la lumière de surface). La dynamique océanique permet de subvenir au besoin combiné du phytoplancton en lumière et nu-triments pour effectuer la photosynthèse. Elle redistribue les nutriments sur la colonne d’eau. Par dynamique océanique, on fait référence à plusieurs processus physiques. Parmi eux, la dynamique de la couche mélangée joue un role essentiel dans la croissance phytoplanc-tonique en surface. Dans cette couche, nutriments et phytoplancton sont mélangés sur la verticale. La combinaison entre approfondissement/remontée de la couche mélangée et injections de nutriments par entraˆınement à travers la base de la couche mélangée contraint fortement la production primaire. Quand le phytoplancton est limité par la lumière, c’est la profondeur de la couche mélangée qui controle sa croissance. Quand le phytoplancton est limité par les nutriments, c’est la quantité de nutriments injectés dans la couche mélangée qui controle la production primaire. Un exemple classique de cette alternance entre limitation par la lumière et par les nutriments a et´ décrit par Sverdrup 953). Il s’agit du cas d’une couche mélangée dans le gyre subpolaire en Atlantique Nord. En hiver, elle s’approfondit et s’enrichit en nutriments par entraˆınement à travers la nutricline. La couche mélangée étant très profonde, le phytoplancton est limité par la lumière et ne peut se développer. Au printemps, la couche mélangée se restratifie ce qui provoque un bloom intense. La couche mélangée s’épuise vite en nutriments. Durant l’été, le phytoplancton est cette fois carenc´ en nutriments dans la couche mélangée ; la production est faible et essentiellement régénérée (à partir de la reminéralisation des déchets organiques). A celà s’ajoute un maximum de phytoplancton en subsurface, o`u les nutriments sont à profusion mais o`u l’intensit´ lumineuse est faible (limitante).
La turbulence méso- et subméso-échelle peut également ˆetre un moteur de la croissance phytoplanctonique en surface. En effet, les fortes vitesses verticales associées aux tour-billons et à la dynamique des filaments sont susceptibles d’induire un pompage vertical de nutriments des couches plus profondes et donc une production primaire localisée et advectée ensuite par le ”stirring” horizontal intense.
La dynamique océanique est réellement une des clés pour la compréhension de la distri-bution phytoplanctonique. Elle détermine une grande part de l’environnement extérieur subit par le phytoplancton. La particularité de la flore océanique est qu’elle peut se développer dans tout l’espace que constitue la couche euphotique contrairement à la flore terrestre qui est ancrée à la surface des continents. Comme l’explique Margalef (1978), cette différence est de taille. Ainsi, ces deux systèmes ne sont pas régis par les mˆemes lois. Le phytoplancton a plus de chances de mourir parce qu’il subit l’attrac-tion gravitationnelle et est emport´ vers le fond ou parce qu’il y a dissociation entre la lumière (couches supérieures) et les eléments nutritifs (accumulés en profondeur) dont la combinaison est indispensable à la photosynthèse. La survie du phytoplancton est principalement controlée par l’énergie du mélange océanique, externe à l’écosystème. La température, l’ombrage par les autres organismes, la salinité et la prédation ont un role plus limité que la turbulence sur la production primaire. Au contraire, la flore terrestre est plutot controlée de fa¸con interne à l’écosystème : les paramètres morphologiques, physiologiques et mécaniques, la compétition avec les autres espèces pour la lumière et la prédation ont un role prépondérant. De plus, les plantes terrestres sont capables de chercher les eléments nutritifs assez loin de leur emplacement, par leur réseau de racines et leur feuillage, alors que le phytoplancton subit les courants et ne peut puiser les nutriments qu’à l’endroit strict o`u il se trouve. Ce lien fort entre dynamique océanique et développement phytoplanctonique dans l’océan est essentiel pour appréhender la distri-bution phytoplanctonique de l’océan.

Biodiversité phytoplanctonique

La dynamique océanique, comme nous l’avons expliqu´ dans le paragraphe précédent, gère la répartition des nutriments dans la couche euphotique et agit également sur la quantité d’énergie lumineuse re¸cue par le phytoplancton. Elle joue donc un role déterminant sur la production primaire. Celle-ci reflète en réalit´ le développement de nombreuses espèces phytoplanctoniques qui ont des affinités différentes pour la lumière et les différents nu-triments limitants (azote, phosphore, silicium, fer etc…). En effet, il existe environ 16000 espèces autotrophes photosynthétiques dans l’océan (Falkowski and Raven, 1997) que l’on peut diviser en deux catégories : les macroalgues et les microalgues appelées phytoplancton. Ce dernier est une algue unicellulaire soit procaryote (sans noyau), soit eucaryote (avec noyau). On classe généralement les différentes espèces de phytoplancton par classe de taille dont voici quelques exemples par ordre décroissant. Tout d’abord, les diatomées sont des microalgues qui peuvent mesurer plusieurs dizaines de microns (jusqu’à 1 mm). Elles ont la particularité d’avoir une enveloppe (frustule) en silice (verre). Vu leur taille, elles participent de fa¸con déterminante à l’export de carbone dans les couches profondes. Rien que dans cette classe de phytoplancton, on trouve une multitude d’espèces. Un échantillon en est présent´ sur la figure 1.4 o`u l’on voit le frustule de verre de chacune des espèces dont la forme est étonnamment géométrique et symétrique. Ensuite, les di-noflagellés (eucaryotes de 50 à 500 microns) ont la spécificit´ de posséder un flagelle qui leur permet de se mouvoir dans la colonne d’eau. Ainsi, ils peuvent emmagasiner l’énergie lumineuse plus près de la surface durant la journée et migrer vers le fond la nuit o`u la concentration en nutriments est plus elevée. Cette migration diurne est utile dans un océan très stratifié (presqu’au repos). Par contre, son efficacit´ est négligeable dans un océan fortement turbulent car les dinoflagellés ne peuvent lutter contre les courants. Parmi les espèces eucaryotes de tailles intermédiaires, on trouve les chlorophycées (algues vertes de 5 à 10 microns) et les coccolithophoridés (5 à 50 microns). Ces derniers ont une coquille en calcaire et participent donc de fa¸con significative à la séquestration du car-bone dans le fond de l’océan. Enfin, le picophytoplancton dont la taille est inférieure à 2 microns comprend des espèces eucaryotes comme par exemple les dynophycées, et des espèces procaryotes. Ces dernières sont des bactéries, synechococcus et prochlorococcus, et sont les organismes les plus abondants de la planète. Tous ces organismes autotrophes sédimentent plus ou moins vite en fonction de leur taille. Leur impact sur la pompe biologique diffère donc selon les espèces.
Cette diversit´ exceptionnelle des espèces phytoplanctoniques est pour le moins intri-gante car les différentes espèces sont en compétition sur un nombre limité de ressources dont la plupart ont et´ citées plus haut. Or, en théorie, d’après le principe d’exclusion compétitive (Hardin, 1960), seul un nombre d’espèces égal ou inférieur au nombre de ressources peut survivre dans un milieu stable et homogène. Cette apparente contradic-tion entre le principe d’exclusion compétitive et la diversit´ d’espèces phytoplanctoniques océaniques est appelée ’paradoxe du plancton’. Ce dernier a et´ défini par Hutchinson (1961). Plusieurs hypothèses ont et´ émises depuis pour expliquer ce paradoxe. Une vue d’ensemble en est donnée par Roy and Chattopadhyay (2007). Parmi les hypothèses, la première, avancée par Hutchinson (1961) lui-mˆeme est le fait que l’océan n’est pas stable et homogène. Il est continuellement contraint par des for¸cages extérieurs qui l’empˆechent d’atteindre un équilibre et ainsi favorisent tour à tour de nombreuses espèces. Ces for¸cages externes peuvent ˆetre soit purement temporels comme les for¸cages météorologiques (cycle saisonnier) qui modifient continuellement l’environnement ressenti par le phytoplancton soit spatio-temporels comme la dynamique océanique. La deuxième hypothèse est in-terne à l’écosystème. Huisman and Weissing (1999) ont montré grˆace à des expériences numériques que les concentrations de différentes espèces de phytoplancton pouvaient subir des oscillations auto-entretenues pouvant éventuellement basculer dans le chaos. Celles-ci permettent à plusieurs phytoplanctons de coexister sur un nombre de ressources limitantes inférieur au nombre d’espèces. La dernière hypothèse pour expliquer le para-doxe du plancton est la prédation par des organismes de niveaux trophiques supérieurs qui peuvent passer d’une espèce à l’autre suivant leur concentration dans le milieu et donc controler le développement des espèces dominantes par rapport aux autres.
La diversit´ d’espèces phytoplanctoniques vient aussi du fait que le phytoplancton est une espèce opportuniste. Lorsque les conditions propices à son développement ne sont pas remplies, elle végète en attendant des conditions meilleures. Dans ces périodes défavorables pour l’espèce, on ne compte que quelques cellules par litre d’eau de mer. Elles sont très stressées par les carences en nutriments mais poursuivent leur chemin advectées par les courants marins. Ces concentrations résiduelles sont indétectables par les appareils de mesure et les espèces phytoplanctoniques à ces concentrations sont donc considérées comme inexistantes. Mais elles sont prˆetes à saisir l’opportunité de se développer lorsque les conditions optimales sont réunies. Cette caractéristique est connue sous le nom d’hy-pothèse de Baas-Becking (Baas Becking, 1934). Elle est formulée de la manière suivante : ”Everything is everywhere but the environment selects”. Dans l’océan, à la différence de la végétation terrestre, il n’y a pas de frontière entre espèces c’est-à-dire qu’il n’y a pas de véritable ségrégation spatiale de certaines espèces. Le phytoplancton peut se propager partout dans l’océan mondial, mˆeme à des concentrations négligeables et se développer quand les conditions sont propices. Par la suite, on parlera de coexistence d’espèces lorsque les espèces phytoplanctoniques ont des concentrations détectables par les appareils de mesure.
Outre l’origine de la diversit´ phytoplanctonique, de nombreuses questions se posent quant au lien entre coexistence d’espèces et production primaire globale. En effet, un grand nombre d’espèces est susceptible d’utiliser de fa¸con optimale les nutriments dispo-nibles dans le milieu. On peut supposer qu’une combinaison d’espèces ayant chacune des caractéristiques différentes sera plus efficace pour produire la matière organique qu’une seule espèce adaptée à un environnement bien spécifique.

Impact de la dynamique mésoéchelle et submésoéchelle sur la structure des écosystèmes

Le fort impact de la turbulence mésoéchelle et submésoéchelle sur la distribution phyto-planctonique et la production primaire a tout d’abord et´ suggér´ par les images satellite de couleur de l’eau dont voici un exemple sur la figure 1.5 (issue de Williams and Fol-lows, 2003). Cette image révèle clairement la signature des tourbillons et filaments dans le champ de chlorophylle de surface. Ces observations par satellite ont et´ complétées par des données in situ permettant d’avoir une vue 3D des structures turbulentes. Ainsi, Robinson et al. (1993), dans le cadre du projet NABE (North Atlantic Bloom Expe-riment) a diagnostiqué des valeurs de chlorophylle multipliées par un facteur deux entre l’extérieur et l’intérieur d’un tourbillon. Barth et al. (2001), dans l’Océan Austral, a montré qu’un pic de chlorophylle était situé au niveau du front polaire, sur la partie sud du méandre mésoéchelle. Des études comme celle de Strass (1992) ont également diag-nostiqué de fortes concentrations de chlorophylle au niveau de fronts à submésoéchelle le long d’un transect entre les A¸cores et le Groenland. Pour expliquer cette distribution, la modélisation numérique a pris le relais. Abraham (1998) a montré grˆace à un modèle numérique de turbulence 2D extrˆemement simplifié qu’une distribution à submésoéchelle du phytoplancton (”phytoplankton patchiness”) pouvait ˆetre obtenue par le simple fait de l’advection horizontale fine-échelle (”horizontal stirring”). En outre, Oschlies and Gar¸con (1998) montrent que la circulation méso-échelle induit à elle seule 1/3 des injections de nutriments dans la couche euphotique. Par conséquent, on s’attend à ce que la turbu-lence mésoéchelle induise une amplification très significative de la production primaire par rapport à un océan o`u ne serait prise en compte que la circulation grande-échelle (gyre, courants de bord ouest). L’un des mécanismes pouvant expliquer cette augmen-tation de la production primaire dans certains tourbillons a et´ défini par McGillicuddy et al. (1998). Il s’agit du mécanisme de pompage dans les tourbillons (”Eddy-pumping mechanism”) illustré sur la figure 1.6. Du fait de la courbure des isopycnes vers le haut dans un cyclone, les eaux de subsurface riches en nutriments remontent et se retrouvent dans la couche euphotique ce qui provoque un pic de production primaire au centre du tourbillon. Lévy (2003) et Lehahn et al. (2007) ont donné une autre explication possible à ce phénomène : le franchissement par un tourbillon mésoéchelle d’un gradient grande-échelle de densit´ ou de nutriments. Lévy (2003) et Lehahn et al. (2007) ont montré que la cascade horizontale d’un gradient grande-échelle de nutriments pouvait ˆetre à l’ori-gine des anomalies positives de production primaire observées dans les tourbillons. Plus récemment, l’influence des structures submésoéchelles a et´ diagnostiquée. Lévy et al. (2001), en utilisant un modèle aux équations primitives o`u la turbulence est générée par instabilité barocline, ont montré le doublement de la production primaire avec la prise en compte de la submésoéchelle. Lapeyre and Klein (2006b) ont obtenu ensuite des résultats qui corroborent ceux de Lévy et al. (2001) avec un modèle SQG (surface quasi-géostrophique). Ils ont quantifié que quasiment 50% des flux verticaux de nutri-ments avaient lieu dans les filaments allongés (éloignés et indépendants des tourbillons) et donc étaient susceptibles d’induire 50% de la production primaire. Ces différentes études révèlent le role fondamental exercé par la turbulence méso- et subméso-échelle sur la production phytoplanctonique tant d’un point de vue de sa distribution que de son amplitude.
En parallèle, d’autres équipes de chercheurs se sont penchées sur l’influence de la dyna-mique mésoéchelle et submésoéchelle sur la diversit´ phytoplanctonique pour voir s’il y avait une dépendance de la structure des écosystèmes à la dynamique fine-échelle. Les premières études à ce sujet se sont basées sur des données acquises lors de campagnes en mer. Fryxell et al. (1985), par exemple, a suivi deux tourbillons se détachant du méandre du Gulf Stream. Ces tourbillons (caractérisés par une eau à 18˚C) sont plus salés et plus chauds que les eaux environnantes et leur centre est pauvre en nutriments. Cette étude montre une dominance des coccolithophoridés et des diatomées au centre des tourbillons et particulièrement juste après les tempˆetes. Les dinoflagellés sont plutot retrouvés à la périphérie des tourbillons. Claustre et al. (1994) ont etudié la diversit´ phytoplanctonique au niveau d’un front géostrophique en Mer d’Alboran (Méditerranée ouest). Ce front est une structure mésoéchelle qui mesure une trentaine de kilomètres de large. Claustre et al. (1994) montrent qu’au niveau du front la production primaire est plus importante et qu’elle est dominée par des diatomées qui apparaissent comme une espèce opportuniste, capable de tirer partie d’une augmentation brutale des nutriments. Les maxima de bio-masse ne sont pas dus à une accumulation du phytoplancton par convergence, mais bien à une production locale plus importante. Les eaux adjacentes au front sont caractérisées par le développement de flagellés et de cyanobactéries. Sur la verticale, les espèces ne sont pas non plus équivalentes. La concentration des diatomées est maximale en subsurface (vers 100 m de profondeur) alors que celle des cyanobactéries augmente quand on s’approche de la surface (dans la couche mélangée). Vidussi et al. (2001), dans une étude de l’est de la Méditerranée, examinent un échantillon de 62 stations. Ils divisent le phytoplancton en 3 classes de taille (picophytoplancton, nanophytoplancton et microphytoplancton) et montrent une domination du nanophytoplancton et microphytoplancton dans les cyclones et une domination du nanophytoplancton et du picophytoplancton dans les anticyclones. Entre les structures turbulentes, ils retrouvent principalement du picophytoplancton et un peu de nanophytoplancton. Sweeney et al. (2003) ont également etudi´ la relation entre distribution des différentes espèces phytoplanctoniques et tourbillons à mésoéchelle dans la mer des Sargasses comme l’étude de Fryxell et al. (1985) et ont montré, comme les études précédentes, que le passage d’un tourbillon avait un impact significatif sur la structure de la communauté phytoplanctonique. Leur interprétation est que la structure phytoplanctonique dépend du type de tourbillon (tourbillon d’eau modale, cyclone, an-ticyclone) mais aussi beaucoup de l’ˆage du tourbillon. En effet, les jeunes tourbillons associés à des upwellings (tourbillon d’eau modale, cyclone) sont caractérisés par une croissance des grands phytoplanctons (dinoflagellés et diatomées) et une diminution rela-tive de la part des cyanobactéries (synechococcus). Quant aux plus vieux, ils sont plutot colonisés par du picophytoplancton (synechococcus, prochlorococcus). Dans toutes ces ob-servations, la difficulté est de dissocier les évènements dus aux for¸cages atmosphériques de ceux dus au passage de tourbillons qui peuvent également avoir une influence sur les espèces phytoplanctoniques dominantes.
Tout ceci montre l’influence manifeste de la dynamique des couches de surface (couche mélangée et structures mésoéchelles – tourbillons ou fronts) sur l’émergence de telle ou telle espèce mais aussi combien il est difficile de déterminer la cause de cette distribution phytoplanctonique à partir de données in situ. D’autres travaux ont opté pour l’utilisation de modèles numériques afin de se focaliser sur l’impact de la dynamique océanique sur la compétition phytoplanctonique tout en s’affranchissant de tous les for¸cages at-mosphériques. Il y a notamment trois études basées sur les équations primitives avec un jet zonal qui se déstabilise par instabilité barocline et forme des tourbillons de chaque coté du front. Une couche mélangée idéalisée, advectée par la dynamique, y est également ajoutée. Chacune des trois études a intégr´ un modèle d’écosystème simplifié avec deux espèces de phytoplancton dans cette dynamique fine-échelle et a considér´ un écosystème soumis à un régime oligotrophe. Tout d’abord, Martin et al. (2001) et Lima et al. (2002a) ont considér´ des simulations courtes en décroissance libre. Dans ces deux études, loin du front, l’écosystème est à l’équilibre avec une domination du petit phytoplancton en surface et du gros phytoplancton en subsurface mais la domination du petit phytoplanc-ton est plus nette chez Martin et al. (2001). Au niveau du front turbulent, les upwellings locaux sont associés à une augmentation de la production primaire. Chez Martin et al. (2001), c’est le petit phytoplancton qui tire profit de l’injection de nutriments au ni-veau du front turbulent alors que chez Lima et al. (2002a), c’est le gros phytoplancton qui devient dominant en surface. Cette différence sensible de distribution verticale des deux espèces de phytoplancton est a priori due aux modèles d’écosystème utilisés qui n’ont pas la mˆeme issue compétitive. Celui de Martin et al. (2001) a une paramétrisation plus complexe que celui de Lima et al. (2002a). Leurs modèles d’écosystème ont chacun deux espèces de phytoplancton et de zooplancton avec des préférences variables pour le broutage mais celui de Martin et al. (2001) différencie l’ammonium des nitrates dans le cycle de l’azote et prend en compte le recyclage des détritus par les bactéries. De plus, les deux phytoplanctons de Martin et al. (2001) diffèrent uniquement par leur taux de demi-saturation alors qu’ils diffèrent par leur mortalité, leur taux de demi-saturation, leur taux de croissance et leur affinité pour la lumière chez Lima et al. (2002a). L’étude de Rivière and Pondaven (2006) se distingue des deux autres par le fait que les diagnos-tics sont faits sur une dynamique océanique et un écosystème à l’équilibre statistique. De mˆeme, l’écosystème est défini de telle sorte que loin du front, à l’équilibre, il y ait dominance d’un petit phytoplancton en surface et d’un gros phytoplancton en subsurface. La prédation, à la différence des deux autres études est assurée par une seule espèce de zooplancton. La turbulence mésoéchelle et submésoéchelle induit une remontée de nu-triments en surface qui permet le développement des deux phytoplanctons en surface.
Rivière and Pondaven (2006) ont test´ la sensibilit´ des résultats à deux pressions de broutage à l’équilibre statistique. Dans le cas d’une faible pression de broutage, le gros phytoplancton est dominant sur toute la colonne d’eau en moyenne. Dans le cas d’une forte pression de broutage, le gros phytoplancton est moins dominant en subsurface et c’est le petit phytoplancton qui prend le dessus en surface (voir leurs figures 10 et 11). Ces études avec trois modèles d’écosystème différents de type NPPZD ou NPPZZD et une dynamique océanique très similaire montrent la forte influence de la dynamique méso-et subméso-échelle sur l’émergence des espèces phytoplanctoniques dans les différentes structures dynamiques. Cependant, il semble y avoir une forte dépendance des résultats au modèle d’écosystème choisi puisque dans les trois cas, on a une dynamique turbu-lente similaire. Ainsi, il est difficile de savoir si les caractéristiques observées en terme de compétition phytoplanctonique sont dues à la dynamique intrinsèque de l’écosystème ou à la dynamique physique qui advecte l’écosystème à savoir l’advection horizontale et ver-ticale et la diffusion turbulente verticale associée à la dynamique de la couche mélangée.

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Questions – Démarche – Plan

Les études que nous venons de commenter nous amènent à nous poser la question générale suivante : Par quel biais, la dynamique océanique des couches de surface influe-t-elle sur la diversit´ phytoplanctonique ? Répondre à cette question revient à trouver l’origine de la distribution des espèces de phytoplancton, ce qui n’est pas trivial du fait de la complexit´ de la dynamique physique mais aussi de la dynamique des écosystèmes. En effet, le com-portement d’un écosystème est très sensible aux paramètres externes tels que l’intensit´ lumineuse ou la concentration en eléments nutritifs et aux caractéristiques des espèces qui le composent. La dynamique des couches de surface, quant à elle, résulte à la fois de la tur-bulence 3D petite échelle au sein de la couche mélangée et de la turbulence mésoéchelle et submésoéchelle. L’objectif de ce travail est d’étudier l’impact de la dynamique océanique sur la compétition phytoplanctonique en se focalisant dans un premier temps sur la dif-fusion verticale turbulente dans la couche mélangée et dans un deuxième temps sur la turbulence mésoéchelle et submésoéchelle. Pour étudier séparément ces deux dynamiques physiques, l’outil le plus approprié est la modélisation numérique. En effet, elle permet dans notre cas, d’aborder le problème sous la forme d’une étude de processus dont le but est de mieux comprendre les relations de causes à effets de certains processus fonda-mentaux en utilisant des modèles simplifiés et idéalisés. Nous pouvons désormais poser plus spécifiquement les questions suivantes : (1) Quel est l’impact sur la compétition au sein d’un écosystème planctonique de la diffusion turbulente verticale d’une part, et de la turbulence mésoéchelle et submésoéchelle d’autre part ? (2) Ces deux dynamiques de sur-face associées à deux modes de transport (diffusion turbulente et advection) peuvent-elles garantir la coexistence de deux espèces (voire plus) de phytoplancton sur une ressource limitante ? L’objectif est d’apporter un éclairage supplémentaire sur le role joué par le mélange vertical et la dynamique océanique mésoéchelle et submésoéchelle c’est-à-dire à l’échelle des tourbilllons et filaments, sur la diversit´ phytoplanctonique (Hutchinson, 1961).
Pour répondre à ces questions, nous utiliserons deux modèles physiques simples et idéalisés : un modèle 1D de couche mélangée et un modèle 3D SQG (surface quasi-géostrophique). Un modèle d’écosystème simple sera intégr´ dans chacun de ces modèles physiques. Pour une meilleure interprétation de la distribution phytoplanctonique, il est nécessaire de connaˆıtre parfaitement la dynamique de l’écosystème. Pour cela, notre démarche est la suivante : tout d’abord, nous choisirons un modèle d’écosystème très simple qui reproduit correctement la réalit´ et permet l’étude de la compétition phytoplanctonique, puis nous l’étudierons analytiquement pour connaˆıtre sa dynamique intrinsèque autant d’un point de vue de la compétition phytoplanctonique que par rapport à des paramètres extérieurs comme la lumière et la quantité de nutriments. Seulement après, nous le spatialiserons en l’intégrant dans un premier temps dans une dynamique 1D de couche mélangée afin d’étudier l’effet de la diffusion turbulente puis dans une dynamique SQG pleinement tur-bulente (à mésoéchelle et submésoéchelle).
Ce manuscrit s’organise de la manière suivante : dans le chapitre 2, nous allons tout d’abord commencer par présenter notre modèle d’écosystème NPPZD avec deux espèces de phytoplancton, puis nous l’étudierons en profondeur grˆace aux méthodes classiques des systèmes dynamiques. Ensuite, nous intégrerons ce modèle dans une dynamique 1D equilibrée pour voir l’influence de la diffusion turbulente dans la couche mélangée sur la compétition entre phytoplanctons. Nous étendrons nos résultats à un plus grand nombre d’espèces de phytoplancton. Le chapitre 3 sera consacré à l’étude de la compétition entre nos deux espèces de phytoplancton dans une dynamique mésoéchelle et submésoéchelle pleinement turbulente à l’aide du modèle SQG. Nous mettrons l’accent sur l’étude de la coexistence entre phytoplanctons et sur l’interprétation de la distribution phytoplancto-nique en lien avec les processus physiques contenus dans la dynamique SQG. Enfin, dans le chapitre 4, nous dresserons une conclusion détaillée de ces résultats.

Table des matières

1 Introduction 
2 Dynamique intrinséque de l’écosystéme et r^ole du mélange vertical 
2.1 Introduction
2.2 Description du modèle d’écosystème
2.3 Phytoplankton competition and coexistence : intrinsic ecosystem dynamics and impact of vertical mixing
2.3.1 Abstract
2.3.2 Introduction
2.3.3 Description of the ecosystem model
2.3.4 Intrinsic Ecosystem dynamics
2.3.4.1 Equilibrium solutions and their stability
2.3.4.2 Equilibria and associated time scales as a function of light (I) and total nitrogen (C0)
2.3.4.3 Influence of biological parameters on the (I,C0) equilibrium solutions
2.3.4.3.1 Sensitivity to the remineralisation rate τ
2.3.4.3.2 Sensitivity to growth rates μ1 and μ2
2.3.4.3.3 Sensitivity to gross growth efficiency and ingestion rate (β and g)
2.3.5 The ecosystem model behaviour in 1D diffusive dynamics
2.3.6 Discussion
2.3.7 Appendix
2.3.7.1 Calculation of the equilibria
2.3.7.2 Segregation of the two phytoplankton species
2.4 Influence du mélange sur la diversité phytoplanctonique
2.5 Validation du modèle d’écosystème dans un contexte réaliste
2.6 Conclusion
3 Turbulence SQG et compétition phytoplanctonique 
3.1 Introduction
3.2 Description du modèle SQG
3.2.1 Les équations
3.2.2 Caractéristiques du modèle SQG
3.2.2.1 Equations du modèle SQG dans le domaine spectral
3.2.2.2 Adimensionnalisation et redimensionnement géostrophique
3.2.3 Energétique de la dynamique turbulente SQG
3.2.3.1 Invariants
3.2.3.2 Cascades d’énergie en SQG
3.2.3.2.1 Cascade d’énergie potentielle de surface
3.2.3.2.2 Cascade d’énergie totale tridimensionnelle
3.2.3.3 Sens des cascades en SQG
3.2.3.4 Analogie avec les cascades d’énergie cinétique et d’enstrophie en turbulence 2D
3.2.4 Configuration adoptée
3.2.4.1 Aspects numériques
3.2.4.2 For¸cage-Filtrage
3.2.4.3 Equations des traceurs
3.2.5 Limitations du modèle
3.3 Effects of Surface Quasi-Geostrophic turbulence on phytoplankton competition and coexistence
3.3.1 Abstract
3.3.2 Introduction
3.3.3 Model description
3.3.3.1 Surface Quasi-Geostrophic dynamics
3.3.3.2 Ecosystem model
3.3.4 Results
3.3.4.1 Physical fields
3.3.4.2 Biological fields
3.3.5 Conclusion
3.4 Conclusion – Discussion
4 Conclusion générale et Perspectives 

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