Dynamique hamiltonienne et phénomènes de relaxation
Systèmes à interactions à longue portée
Nous vivons tous les jours, via la gravité, l’expérience physique d’un système à interaction à longue portée. La définition de tels systèmes repose sur la vitesse de décroissance à l’infini du potentiel d’interaction à deux corps qui leur est associé. Formellement, soient deux objets vivant dans un espace métrique de dimension d. Notons r la distance entre ces deux objets. Si la décroissance du potentiel à l’infini vérifie V (r) ∼ r→+∞ 1 r α , (1.1.1) avec α < d, ce dernier est dit à longue portée 1 . A trois dimensions, le potentiel gra- ` vitationnel décroˆıt en 1/r, tout comme le potentiel d’interaction électrostatique. Ce sont donc des interactions à longue portée. Lorsque le potentiel vérifie (1.1.1), mais que α ≥ d, ce dernier est alors dit à courte portée. Les interactions de Van Der Waals tombent par exemple dans cette catégorie, ces dernières décroissant à l’infini en 1/r6 . Les potentiels d’interaction à longue portée se retrouvent dans de nombreux domaines de la physique. En cosmologie par exemple, on note l’existence d’un modèle simple (Gravitational Sheet Model [37]) permettant d’étudier le comportement temporel d’amas d’étoiles. La généralisation de l’équation de Poisson à une dimension permet d’écrire un hamiltonien HGS dont vont dériver les équations du mouvement : HGS = X N i=1 p 2 i 2m + 2πGm2X i>j |xi − xj | . (1.1.2) Les particules, au nombre de N, toutes de masse m, et repérées par leurs positions xi , évoluent dans un espace unidimensionnel sous le potentiel, ici linéaire, dérivant de l’équation de Poisson sus-mentionnée. Notons que par rapport à la définition (1.1.1), le potentiel d’interaction défini dans cet hamiltonien vérifie bien α = −1 < d = 1. L’étude des propriétés d’équilibre d’un tel système a donné lieu à une littérature abondante, mais c’est surtout l’impact de la partie cinétique du hamiltonien (1.1.2) sur la dynamique temporelle qui passionne la communauté. Malgré la simplicité apparente du modèle, ce dernier exhibe des propriétés toutes particulières relatives à sa relaxation vers l’équilibre thermodynamique, parmi lesquelles la divergence du temps de vie d’états dits quasistationnaires lorsque l’on augmente le nombre de particules en interaction [36–39]. On retrouve un hamiltonien du mˆeme type en physique des plasmas [29, 30], ou encore en mécanique des fluides [40–42]. Tous ces systèmes hamiltoniens ont en commun le fait de mettre en évidence une dynamique temporelle non triviale, dont les liens avec la physique statistique d’équilibre ne sont pas encore totalement résolus à ce jour. Dans l’optique de comprendre un peu mieux la phénoménologie de ces systèmes à longue portée, nous allons par la suite nous placer en conditions limites périodiques et étudier le cas particulier du modèle HMF, pour Hamiltonian Mean Field. Il s’agit d’un système unidimensionnel à N particules tout à fait générique, mais o`u l’on a développé le potentiel d’interaction en série de Fourier avant de le tronquer au premier mode, correspondant à la composante de Fourier “longue-portée” du potentiel choisi. Ce modèle présente l’avantage d’ˆetre à champ moyen, ce qui nous permettra d’établir exactement ses propriétés statistiques d’équilibre. De surcroˆıt, l’implémentation numérique de sa dynamique temporelle se révèle peu coˆuteuse. En dépit de sa simplicité, nous verrons que ce modèle présente des propriétés de relaxation temporelle rappelant celles de systèmes plus complexes.
Approche champ moyen
Considérons N particules sur le tore S N L × R N évoluant selon la dynamique hamiltonienne suivante : HLR = X N i=1 pi 2 2 + 1 2N Xs n=1 X N i,j=1 Vn cos [kn(qj − qi)] , ou qi ∈ SL représente la position de la particule i sur le cercle SL ≡ R/L, et pi son moment conjugué. Comme exposé précédemment, la partie potentielle de ce hamiltonien fait intervenir un développement de Fourier tronqué à l’ordre s d’un potentiel pair, agissant sur toutes les particules. Notons la présence du préfacteur 1/N assurant l’additivité de l’énergie (prescription de Kac [43]). Nous avons de plus défini les nombres d’onde kn = 2πn/L pour 1 ≤ n ≤ s. Lorsque Vn ∝ n −2 , notre hamiltonien (1.2.1) correspond à la troncature à grande échelle du potentiel newtonien unidimensionnel aux conditions limites périodiques, ce qui décrit au choix l’interaction gravitationnelle ou Coulombienne, suivant le signe choisi devant le terme de potentiel. Définissons l’ensemble de champs moyens {Mn} comme Mn = 1 N X N j=1 {cos(knqj ),sin(knqj )} = Mn{cos φn,sin φn}. (1.2.2) Les équations du mouvement associées au Hamiltonien (1.2.1) sont données par dqi dt = ∂HLR ∂pi et dpi dt = − ∂HLR ∂qi . (1.2.3) Ces relations permettent alors d’écrire simplement l’équation du mouvement de chaque particule en fonction de ces champs moyens. q¨i + Xs n=1 knVnMn sin(knqi − φn) = 0. (1.2.4) C’est ainsi que nous observons l’apparition d’une relation d’autocohérence implicite. En effet, le mouvement de particules conditionne les champs moyens, qui à leur tour interviennent dans l’équation du mouvement de ces dernières. La trajectoire de chaque particule est ainsi globalement couplée au système complet via l’ensemble {Mn, φn}.
Propriétés d’équilibre
Point de vue statistique
Un des avantages de cette classe de modèles est que leur fonction de partition se calcule exactement. Particularisons le cas s = 1, avec L = 2π et k1 = 1. Ceci correspond à ne garder que la composante de plus grande période dans la partie potentielle de (1.2.1). Plaçons-nous aussi dans le cas d’un potentiel attractif. Le hamiltonien que nous considérons dans toute la suite est alors donné par H = X N i=1 pi 2 2 + 1 2N X N i=1 X N j=1 [1 − cos (qi − qj )] . (1.3.1) C’est ce modèle que nous appellerons par la suite “HMF”, pour Hamiltonian Mean Field. L’unique champ moyen M = (Mx, My) s’y rapportant s’apparente alors à l’aimantation moyenne du modèle XY [44, 45] : Mx = 1 N X N i=1 cos qi et My = 1 N X N i=1 sin qi ce qui peut se réécrire comme M = (M cos φ, M sin φ), o`u φ est l’angle que fait ce vecteur avec la direction de référence choisie pour les angles. L’équation (1.3.1) prend alors la forme plus compacte H = X N i=1 pi 2 2 + 1 2 l’ensemble microcanonique que nous choisissons pour mener l’étude statistique d’équilibre, mais l’ensemble canonique, ce dernier étant nettement plus adapté aux calculs analytiques. La fonction de partition Z dans cet ensemble s’écrit Z = Z d N q d N p exp h − βH (q, p) i . (1.3.6) La partie cinétique s’intègre trivialement, tandis qu’il reste à évaluer l’intégrale “angulaire” sur {qi}, que nous notons ZXY en raison du modèle hamiltonien éponyme qu’elle décrit. A une constante multiplicative près, il découle de (1.3.1 ` ) que ZXY = Z SN 2π Y N ℓ=1 dqℓ e β 2N PN i=1 cos qi !2 + PN i=1 sin qi !2 . (1.3.7) Grˆace à la transformation dite de “Hubbard-Stratonovich”, nous obtenons ZXY = Z SN 2π Y N ℓ=1 dqℓ 1 π Z R2 e −u 2+ √ 2βNu·M({qi}) d 2u. (1.3.8) Soit, après inversion des intégrales et en développant le produit scalaire u · M, ZXY = 1 π Z R2 e −u 2 » I0 r 2β N kuk !#N d 2u, (1.3.9) o`u I0 est la fonction de Bessel modifiée d’ordre zéro, définie par I0(z) = Z 2π 0 e z cos q dq. (1.3.10) Finalement, la fonction de partition totale s’écrit Z = e−βN/2 2π β N/2 N 2πβ Z R2 e −Nψ(v) d 2v, (1.3.11) o`u nous avons posé v = p 2β/Nu et o`u la fonction ψ est définie par ψ(v) = v 2 2β − log I0(v). (1.3.12) La généralisation à d’autres troncatures du potentiel ne pose pas de problème technique supplémentaire. Prenons un hamiltonien plus général, HLR = X N i=1 pi 2 2 + 1 2N Xs n=1 X N i,j=1 Vn cos [kn(qj − qi)] , nous obtenons alors la fonction de partition canonique ZLR = e−βN/2 2π β N/2 Ns (2πβ) s Ys n=1 Z R2 1 Vn e −Nψn(v) d 2v, (1.3.14) ` o`u nous avons défini, de la mˆeme façon que (1.3.12) ψn(v) = v 2 2βVn − log I0(v). (1.3.15) Dans l’ensemble canonique, l’obtention des propriétés d’équilibre de ces modèles s’opère en minimisant l’énergie libre du système f, dont l’expression est donnée par f = lim N→∞ − 1 βN log Z. (1.3.16) Pour le modèle HMF, en injectant (1.3.11) dans (1.3.16), on trouve dans la limite N → ∞, f = f0 − lim N→∞ 1 βN log
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