L’innovation, la technologie, la recherche et le développement, la compétitivité prennent part au développement du tissu économique (Saporta, 1994; Ndonzuau, 2000; Pirnay & al., 2003) et participent à la croissance globale (Stearns & Allen, 2000).Véritable enjeu stratégique, l’innovation définie comme « the process whereby new and improved products, processes, materials, and services are developed and transferred to a plant and /or market where they are appropriate » (Rubenstein, 1989) est au cœur de la croissance des nations et des organisations (Aliouat, 2010). Depuis des décennies, elle est à la source de nombreuses mesures institutionnelles comme par exemple le crédit d’impôt recherche créé en 1983, le concours de création d’entreprises de technologies innovantes et la promulgation de la loi sur l’innovation et la recherche (1999), la création des pôles de compétitivité en 2004, le soutien de la S.A. OSEO, entreprise publique, qui, depuis 2005, est un acteur majeur du financement de l’innovation ou encore la proposition 19 du rapport Gallois du 5 novembre 2012 qui mise sur le développement de partenariats public-privé pour soutenir les entreprises ayant de forts besoins d’investissements au moment de l’industrialisation des innovations. Les efforts entrepris depuis plus d’une décennie ont dynamisé la création d’entreprises multipliant par 3 son rythme annuel entre 1995 et 2002 et le nombre de brevets déposé est en constante augmentation (Commission Européenne, 2002). Cependant, malgré les moyens institutionnels mis en œuvre, les systèmes industriels et de recherche souffrent de sérieux handicaps. Dés 1994, les études réalisées par la Commission Européenne évoquaient une «capacité limitée à transformer les percées scientifiques et les réalisations technologiques en réussites industrielles et commerciales » (Livre Blanc: Croissance, Compétitivité, Emploi, 1994, chapitre 4). En 2007, le rapport de l’inspection générale des finances puis celui du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (2009) confirment que la valorisation de la recherche et de l’innovation ne progresse pas. Le rapport de l’Institut des Entreprises qui regroupe des dirigeants d’entreprises françaises et étrangères, affirme le 4/12/2012 lors de la 11 éme journée dédiée aux pôles de compétitivité que ces derniers produisent 1,5 % des brevets français, représentent 4,5 % des dépenses de R&D et ne créent que 5% d’entreprises innovantes. Malgré un nombre annuel croissant d’entités économiques, un projet sur quatre débouche sur une innovation en tant que telle. Ceci s’explique par le fait que les entreprises technologiques sont insérées dans un contexte économique et financier difficile. Elles évoluent dans un univers marqué par un fort taux d’incertitude (Venkatarama & al., 1990; Monsted, 2003; Shane, 2003) où les ressources se raréfient du fait d’un environnement international pris dans une succession de crises majeures sans précédent. De plus, la technologie et l’innovation impactent à la fois sur l’entreprise et sur la Société. Par exemple, l’innovation technologique du téléphone cellulaire a contribué à changer les habitudes sociales des individus : le salarié, qui se trouve hors de l’entreprise, reste connecté en permanence à celle-ci. La technologie et l’innovation influencent non seulement les aspects techniques des activités mais aussi les comportements des individus et des groupes présents dans l’organisation (White & Burton, 2007). Les impacts de la technologie et de l’innovation sur la Société et sur les entreprises technologiques contribuent à l’augmentation des risques (Bernasconi & Moreau, 2005) que les entrepreneurs ne parviennent pas toujours à maîtriser. Cette croissance des risques technologiques et managériaux a pour effet d’accentuer « le renouvellement du parc d’entreprises » (Fayolle, 2005, p.19). Cela se traduit par un taux élevé de création d’entreprises et un taux de survie de plus en plus court. L’accélération du renouvellement du parc d’entreprises a pour conséquence de maintenir une croissance faible : les success stories sont marginales et moins d’une entreprise en activité sur dix atteint un chiffre d’affaires d’1 million d’euros en 4 ans. Bien que les rapports précédemment cités démontrent que les moyens pour l’accompagnement et le financement de la création d’entreprises innovantes ne manquent pas en France, l’étude réalisée en 1999 sur l’évaluation des dispositifs d’incubation, montre que les structures d’accompagnement à la création (Albert & al., 1994, Chabaud & al., 2010) se révèlent être d’une grande complexité : trop nombreuses, cloisonnées et insérées dans une logique institutionnelle, elles manquent de réactivité. Leur focalisation, ancrée sur le volume de projets incubés, entraine une mauvaise sélectivité des projets. Une dizaine d’années plus tard, le rapport Morand et Manceau (2009) confirme que les aides à la croissance demeurent insuffisantes : les moyens consacrés à l’amorçage sont faibles (Vilpoux, 2011) du fait de l’absence du capital-risque et de la frilosité des institutions bancaires à ce stade du développement des entreprises (Rapport SINE, INSEE, 2009). Par conséquent, faute de moyens financiers suffisants, peu d’entreprises atteignent une taille critique leur permettant de posséder un portefeuille de technologies valorisables. Force est de constater que les résultats attendus sont loin de l’objectif fixé par le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 qui ambitionnait de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l’horizon 2010 ». Malgré l’enjeu sociétal que représentent les projets de hautes technologies, ils sont peu étudiés. Cela vient du fait que si le projet de haute technologie n’est pas inséré dans une structure d’accueil ou un incubateur, il est très difficile d’avoir connaissance de son existence (Gelderen & al., 2006). De même, peu de travaux intègrant le développement quasi complet d’une technologie (Missonier, 2008) conjointe à la création d’une entreprise sont réalisés sur les entreprises de haute technologie. De ce fait, « la dynamique sociotechnique de chaque phase, leur interaction, la manière dont elles se chevauchent, restent en grande partie oubliées par les chercheurs » (De Vaujany & Formin, 2006 ). De plus, ces problématiques sont rarement intégrées dans une seule et même recherche (Rivard, 2002) et les relations entre les acteurs et les objets techniques sont peu explorées (Virgili, 2005). C’est à partir de ces constats que ce travail de recherche est engagé.
L’évolution de son histoire montre que l’entrepreneuriat se présente comme un vaste champ hétérogène (Hernandez, 2001), un phénomène complexe et multidimensionnel (Bruyat & Julien, 2001) où il existe une grande diversité de situations entrepreneuriales (Fayolle, 2004) et où la création d’entreprise constitue un de ses axes fondamentaux (Verstraete & Fayolle, 2004). Les premiers travaux naissent sous l’impulsion des économistes (Filion, 1997) : l’entrepreneur, à l’origine de la création d’une activité économique, est perçu comme un homo economicus capable de décisions rationnelles et omniscientes (Hernandez & Marco, 2006). Les travaux de Schumpeter (1935) le définissent comme un individu innovateur qui sait combiner économie et technique. Les études se focalisent alors sur la nature de cet entrepreneur particulier (Filion, 2000), sur ses caractéristiques, sur ses actes et ses comportements en situation entrepreneuriale, sur les facteurs de réussite et d’échec du projet entrepreneurial et plus récemment sur les processus entrepreneuriaux. Proche du cheminement des chercheurs en sciences de gestion, l’ensemble de ces travaux structure la recherche en entrepreneuriat autour de trois axes fondamentaux (Stevenson & Jarillo, 1990; Landström, 1998; Fayolle, 2000; Hernandez, 2001): le fondamentalisme, la contingence et le processus (Annexe 0). Cette structuration favorise la compréhension de l’évolution et des déplacements d’intérêt de la recherche entrepreneuriale (Fayolle, 2005). Elle a le mérite de situer les travaux réalisés dans les différentes écoles de pensée qui apportent chacune une vision particulière du phénomène entrepreneurial (Cunningham & Lischeron, 1991).
L’approche fondamentaliste ou « the trait approach » se caractérise par la recherche du « one best way » (Thévenet & Vachette, 1992, p. 197). Les premiers chercheurs se sont focalisés sur le repérage du créateur en opposition au non créateur (McClelland, 1961-1969). L’objectif était de comprendre les critères séparant ces deux états. L’ensemble des études menées s’inscrit dans un paradigme positiviste dominant (Fayolle, 2005) dans lequel les typologies fonctionnalistes et descriptives mobilisent une méthodologie quantitative plutôt que qualitative. Les thèmes étudiés portent sur l’entrepreneur individualiste et plus précisément sur ses caractéristiques personnelles, psychologiques, la recherche de l’accomplissement de soi, les facteurs contextuels proches de l’entrepreneur (famille, éducation, situation sociale) ainsi que sur ses capacités de contrôle et son pouvoir centralisateur. Cette approche a donné lieu à de nombreux travaux notamment sur les modèles de création d’entreprise dont le plus connu est le modèle multidimensionnel de Shapero (1975) qui va marquer l’approche fondamentaliste. Shapero explique l’avènement entrepreneurial axé sur la discontinuité, la crédibilité et la faisabilité. A ces trois critères fondamentaux, l’auteur ajoute des variables psychologiques, sociologiques et économiques. L’aboutissement du projet de création est caractérisé par l’apparition d’une situation entrepreneuriale.
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