Dynamique électronique de CO2 en champ intense : Excitation-Ionisation

Modèle et détails des calculs

Étendre l’espace actif en ajoutant simplement une ou plusieurs orbitales virtuelles tout en maintenant les 22 électrons actifs est coûteux, car chaque orbitale ajoutée pouvant être la cible d’une excitation simple ou double à partir de n’importe quelle orbitale occupée, le nombre de CSF dans l’espace Q augmenterait rapidement, et le nombre de voies ioniques (nombre de valeurs de J+) exploserait tout aussi rapidement. En passant, ce nombre de voies ioniques pour une ionisation simple peut être évalué avec l’équation 4.3 en considérant T orbitales, N 1 électrons et S = 12 , pour que le couplage avec le spin de l’électron ionisé (dans l’orbitale représentant le continuum), s = 12 , puisse donner un état singulet pour l’ensemble des N électrons. Comme chaque voie ionique est en fait un continuum (de valeurs du vecteur d’onde ~ ) discrétisé, une telle extension deviendrait rapidement inaccessible. De plus, un tel traitement k complet s’accompagnerait nécessairement d’une perte importante au niveau de la lisiblité ou de l’intelligibilité des résultats.
En mettant l’accent sur le dernier aspect, c.-à-d. sur la compréhension de la physique, on a donc procédé en commençant avec le plus petit espace actif qui soit, constitué de deux électrons distribués dans deux orbitales seulement, dont la première est une des orbitales de valence (HOMO-n) et la deuxième, l’orbitale virtuelle (LUMO+n’) qui lui est plus proche en énergie, et qui lui est couplée par le champ, ici considéré polarisé en x, c.-à-d. perpendiculairement à la molécule, toujours à la géométrie d’équilibre. Puis on met ensemble ces paires, (HOMO-n, LUMO+n’), pour constituer le plus grand espace actif dans cette étude. Pour décrire rapi-dement le type d’espace actif, nous emploierons ici une terminologie empruntée de la théorie MCSCF en Chimie Quantique. Un calcul utilisant tous les CSF qu’on peut engendrer avec nel électrons (électrons actifs) et nact orbitales (actives) sera désigné CAS(nel, nact) où CAS est l’acronyme de Complete Active Space (espace actif complet). On y joindra le préfixe TD pour rappeler que les calculs sont dépendants du temps.
La détermination de la LUMO+n’ qui est couplée à une HOMO-n donnée par le champ se fait par des considérations de symétrie, par rapport au groupe de symétrie de la molécule libre, car on veut simplement déterminer quelle paire d’orbitales (’1; ’2) est telle que < ’1jxj’2 >6= 0. Il est utile (et suffisant) de faire appel alors, comme on le fait ordinairement dans les calculs en Chimie Quantique, à un sous-groupe de D1h. Ce sera D2h ici, dans lequel x se transforme selon la représentation irréductible B3u. Le tableau 6.1 donne le produit direct 1 B3u 2, où i; i = 1; 2 est la représentation irréductible dans laquelle se transforme les deux orbitales ’i; i = 1; 2 :
Il est bien connu que < ’1jxj’2 >6= 0, c’est-à-dire que l’on a un couplage entre ’i; i = 1; 2 seulement si le produit 1 B3u 2 contient Ag. On voit donc que la HOMO-2 n’interagit qu’avec une orbitale plus haute en énergie que les cinq premières LUMO. On négligera donc ce couplage. La LUMO+1 interagit avec la HOMO-3, mais celle ci étant de plus basse énergie et contribue bien moins au signal d’ionisation que les autres HOMO-n, on négligera cette paire aussi. On note que la LUMO n’est couplée à aucune de ces orbitales de valence.
Les calculs ont été faits avec la même base d’ondes planes, avec deux types de champ : champ pulsé avec deux valeurs de la CEP, = 0; 3 =2 , et/ou champ CW. À moins qu’elle soit spécifiée autrement, l’intensité crête est implicitement fixée à 1 1014 W=cm2. La longueur d’onde du champ est toujours 2100 nm.

Résultats en TDCAS(2,2)

Espace actif 1 : {HOMO,LUMO+3}

Avec deux orbitales, deux électrons, on aurait, comme dans le cas-école de H2 en base minimale, 3 CSF dans l’espace Q, et 2 voies dans l’espace P. Les CSF de Q sont :
j1 > ! [F C](HOMO)2 (6.1a)
j2 > ! [F C](HOMO)1(LUMO+3)1 (6.1b)
j3 > ! [F C](LUMO+3)2 (6.1c)
où [FC] (pour Frozen core) désigne la configuration (à 22 électrons) de l’état fondamental de la molécule moins 1 g;x2 (1 g;x est la HOMO). On utilisera ici HOMO-n, LUMO+n pour désigner les orbitales actives. La dynamique part d’un état initial qui est l’etat fondamental (de plus bassse énergie) dans la base de ces 3 CSF de Q. Il est dominé à plus que 99 % par le CSF j1 >.
Les deux voies ioniques ici sont
j1+ > ! [F C](HOMO)1 1 (6.2a)
j2+ > ! [F C](LUMO+3)1 1 (6.2b)
Champ pulsé
Les résultats pour un champ pulsé sont montrés à la figure 6.1 qui montre qu’il y échange de populations entre les CSF de l’espace Q, en tenant compte du fait qu’une population non-nulle de j3 > était présente déjà au temps initial. C’est surtout le CSF j2 > qui gagne en population au détriment du CSF j1 >, au début de l’impulsion, et ce, dû au couplage radiatif entre la HOMO et la LUMO+3. On observe en fait une oscillation de sa population, qui traduit un va-et-vient entre cet état et l’état j1 >. Cette oscillation ne se voit pas bien sur le profil de la population de j1 > cependant, car elle est fortement affectée par l’ionisation forte à partir de cet état. Le profil d’ionisation privilégie la formation du cation sur la voie j1+ >, dominée par l’ionisation directe de la HOMO à partir du CSF j1 >.
Figure 6.1 – Profils d’excitation et d’ionisation avec l’espace actif 1. En (a), le champ pulsé est montré au panneau du haut, la population du CSF j1 > au panneau du centre, celles des CSF j2 > (courbe en trait bleu) et j3 > (courbe en trait rouge) au panneau du bas.En (b), la population de l’état ionique j1+ > est montrée en trait bleu.
Le spectre de vitesse du photoélectron sur la voie j1+ >, montré au panneau de gauche de la figure 6.2 est caractéristique de l’ionisation à partir de la HOMO, ayant la même structure nodale qu’à la figure 5.5. On note cependant des différences au niveau de la forme des contours dans les lobes séparées par le plan nodal à kz = 0, et au niveau des interférences holographiques. On peut raisonnablement associer ces différences à la contribution de la voie d’ionisation indirecte via la formation de l’état j2+ >, dont le spectre photoélectronique (nouveau) est montré au panneau de droite de la figure 6.2. Il n’y pas de polarisation apportée par ce mélange de la HOMO avec la LUMO+3. Les résultats obtenus avec la même forme d’impulsion, mais avec la CEP = 3 =2 sont similaires à ce niveau.
Champ CW
Figure 6.2 – Spectre photoélectronique en échelle linéaire (première rangée) et en échelle logarithmique (deuxième rangée) sur la voie ionique j1+ > (ionisation à partir de la HOMO),
à gauche, et sur la voie ionique j2+ > (ionisation à partir de la LUMO+3), à droite. Cas du champ pulsé à I = 1014 W=cm2.
Ce n’est qu’avec un champ CW que l’on trouve une légère polarisation le long de kx, du spectre photoélectronique associé à la voie HOMO, comme le montre la figure 6.3, (panneau (a) ; le panneau (b) est pour la voie j2+ >), pour un cycle optique d’un champ CW à la même fréquence et intensité. Pour ce qui est de la dynamique des populations, ce qui était dit ci-haut pour le cas pulsé reste vrai pour le cas CW. En fait, les oscillations de population entre les CSF j1 > et j2 > de l’espace Q se répètent d’un cycle à l’autre, avec un amortissement progressif dans le temps, fort pour l’état j1 >, léger mais observable pour l’état j2 >, dû à l’ionisation à partir de ces CSF, principalement pour produire l’état ionique j1+ >, (voir figure 6.9 discutée plus tard).

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Espace actif 2 : {HOMO-1,LUMO+2}

Ici aussi, on a 3 CSF dans l’espace Q, et 2 voies dans l’espace P. Les CSF de Q sont :
j1 > ! [FC]2 (HOMO-1)2 (6.3a)
j2 > ! [FC]2 (HOMO-1)1(LUMO+2)1 (6.3b)
j3 > ! [FC]2 (LUMO+2)2 (6.3c)
où [F C]2 désigne maintenant la configuration (à 22 électrons) de l’état fondamental de la molécule moins 1 g;x2 (1 g;x est la HOMO-1). Les deux voies ioniques ici sont
j1+ > ! [FC]2 (HOMO-1)1 1 (6.4a)
j2+ > ! [FC]2 (LUMO+2)1 1 (6.4b)
Champ pulsé
Les mêmes observations que pour le cas précédent peuvent être répétées ici : Le couplage radiatif entre ces deux orbitales produit une oscillation de la population des CSF j1 > et j2 >, particulièrement visible pour j2 >, figure 6.4(a). L’ionisation se fait préférentiellement sur l’état j1 > produisant l’état ionique j1+ > dont la population est montrée en fonction du temps à la figure 6.4(b).
Le spectre de vitesse du photoélectron sur la voie j1+ >, (ionisation majoritaire à partir de la HOMO-1 dans le CSF j1 >) montré au panneau de gauche de la figure 6.5 est à être comparé avec celui de la figure 5.6. La structure nodale est plus claire ici et des différences marquées sont trouvées au niveau de la forme des contours dans les lobes séparées par le plan nodal à kz = 0, et au niveau des interférences holographiques. Le spectre photoélectronique sur la voie j2+ >, ici associée à LUMO+2, est montré au panneau de droite de la figure 6.2. Il n’y pas de polarisation du spectre le long de kx apportée par ce mélange de la HOMO-1 avec la LUMO+2. Comme dans le cas précédent, une telle polarisation ne s’observe qu’en champ CW.
Champ CW
La figure 6.6 montre le spectre photoélectronique pour la voie j1+ > dans le cas d’un champ CW, en échelle linéaire au panneau (a) et en échelle logarithmique au panneau (b). Le spectre en échelle linéaire fait ressortir une légère polarisation de ce spectre vers les valeurs négatives de kx. La dynamique des populations des CSF liés est similaire au cas précédent, avec des oscillations de la population de j2 > qui se répètent d’un cycle à l’autre avec un léger amortis-sement. Superposés sur cette oscillation de jC2(t)j2 qui suit de près celle du champ, on observe des oscillations de plus faible amplitude et de bien plus haute fréquence. On peut voir ces oscillations sur le panneau inférieur droit de la figure 6.7, qui compare le cas CW, à droite, au cas pulsé, à gauche, au niveau de la population des 3 CSF liés pour ce choix d’espace actif. La période des oscillations de haute fréquence correspond à 1=20-ième de celle du champ, indiquant une absorption multiphotonique d’ordre 20 pour aller de l’état j1 > à l’état j2 >.

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