Dynamique du champ proche plasmonique et génération de dérivés réactifs de l’oxygène par des nanobâtonnets d’or sous irradiation laser ultrabrève
Nanobâtonnets d’or : propriétés optiques stationnaires et réponse transitoire ultrarapide
Introduction Avec le développement des nanosciences et des nanotechnologies, il est non seulement possible de réduire le rayon d’action des propriétés des matériaux à une échelle nanométrique, permettant leur intégration dans des circuits photoniques [4, 5] ou leur utilisation dans des applications médicales par exemple [6–9], mais aussi de faire émerger de nouvelles propriétés, liées au confinement des porteurs. C’est ainsi le cas des métaux. Ceux qui nous intéressent sont les métaux nobles : cuivre, argent et or. Les nanoparticules (NP) de métal noble sont capables de se coupler avec le champ lumineux excitateur et de générer des propriétés optiques remarquables grâce à la Résonance de Plasmon de Surface Localisée (LSPR, pour Localized Surface Plasmon Resonance). Il s’agit de l’oscillation collective et cohérente des électrons de la bande de conduction d’une nanoparticule métallique sous l’effet d’une onde électromagnétique. Dans le cas des métaux nobles ce phénomène a lieu à une fréquence dans le domaine de l’optique (proche UV – proche IR) [10]. Pour cette fréquence de résonance, le contraste diélectrique entre l’objet métallique et son milieu hôte distort les lignes de champ, avec comme conséquence une absorption efficace du rayonnement par la NP et une amplification du champ électromagnétique dans la NP et à proximité. Lorsque la NP est soumise à une excitation lumineuse impulsionnelle, il s’ensuit une cascade de processus ultrarapides. Ces processus sont responsables de la génération d’électrons hautement énergétiques dans le métal, appelés électrons chauds. La nanostructure absorbe un ou plusieurs photons et génère un plasmon. Un plasmon est une quasi-particule associée à l’oscillation collective des électrons de conduction. Le plasmon est aux oscillations collectives et cohérentes de ces électrons ce qu’un phonon est aux modes de vibrations du réseau cristallin. La cohérence du plasmon dure quelques femtosecondes (1 fs = 10 –15 s) au bout desquelles il se relaxe soit de façon radiative en émettant un photon, soit de façon non-radiative sous la forme sous la forme d’excitation de paires électron-trou individuelles. La distribution électronique est alors fortement hors équilibre, phase appelée régime athermal dont la durée varie d’une centaine à quelques centaines de femtosecondes. Les collisions entre « porteurs chauds » et les autres électrons non excités permettent alors le retour à l’équilibre thermodynamique interne du gaz d’électrons [11]. L’acquisition d’énergie cinétique par une fraction d’électrons suite à une absorption multiphotonique peut leur permettre de sortir du métal et donc d’être émis vers le milieu environnant. Puis, avec une dynamique plus lente, l’énergie électronique en excès dans la NP est dissipée vers les modes de vibration du réseau métallique ; la nanoparticule chauffe. La chaleur est ensuite dissipée vers le milieu environnant. Nous nous intéresserons principalement aux événements ayant lieu pendant le passage de l’impulsion laser femtoseconde dans les nanostructures métalliques. La génération des paires électron-trou, celle d’une distribution de porteurs chauds sous irradiation impulsionnelle, ainsi que l’exaltation du champ proche optique font des nanoparticules de métal noble des objets très exploités dans des domaines divers et variés comme le médical et la biologie. Ainsi, la compréhension des bases théoriques de l’interaction d’une onde électromagnétique avec les nanoparticules métalliques est cruciale pour pouvoir passer à leur exploitation concrète. Ceci fera l’objet du premier chapitre. Dans la première partie, nous commencerons par décrire la structure de bandes électroniques des métaux nobles. Puis, nous passerons aux propriétés optiques des métaux nobles en abordant les principales contributions électroniques à celle-ci : transitions intrabandes (décrites par la théorie classique de Drude) et transitions interbandes (décrites par le modèle de Rosei). Nous passerons par la suite à la description de la réponse optique stationnaire des nanoparticules de métaux nobles. Nous présenterons plus en détails la LSPR et nous introduirons la notion de section efficace d’absorption qui est grandement influencée par ce phénomène de résonance. Nous verrons aussi les principaux facteurs dont elle dépend. Nous décrirons ensuite la réponse optique transitoire des nanoparticules plasmoniques. Dans cette partie, nous examinerons plus en détails l’ensemble des processus ultrarapides induits par l’excitation plasmonique, et plus précisément dans le régime athermal. Nous profiterons de cette partie pour introduire le travail de Brown et al. [12] que nous avons intégré dans notre modèle de calcul de la réponse optique ultrarapide [13]. Nous optimiserons de ce fait ce modèle. Dans la partie suivante, nous décrirons les principales méthodes numériques employées pour calculer la réponse optique en régimes stationnaire et transitoire. Nous parlerons plus spécifiquement de la Méthode des Éléments Frontières (BEM) qui sera la méthode utilisée dans notre approche numérique. Nous finirons ce premier chapitre en exposant les principales applications médicales employant la LSPR et plus précisément la photothérapie dynamique contre le cancer qui est la base de mon projet de thèse. 1.2 Structures de bandes électroniques des métaux nobles
Schéma énergétique global
L’or Au, l’argent Ag et le cuivre Cu présentent 5 niveaux à quelques eV sous le niveau de Fermi, issus des orbitales atomiques d, formant la bande d complètement remplie, et une bande dite sp partiellement remplie, issue de l’hybdridation d’orbitales atomiques s et p. La bande entièrement vacante située au-dessus de la bande de conduction sera appelée s ; elle interviendra dans nos calculs. La bande d est la bande de valence et la bande sp celle de conduction (figure 1.1). Les métaux nobles en conditions normales de pression et température sont organisés dans une structure cristalline cubiques à faces centrées (cfc). La structure atomique de ces trois métaux, le paramètre de maille du réseau cristallin a˜, l’énergie de Fermi EF et la température de Fermi TF (TF = EF /kB où kB est la constante de Boltzmann) sont donnés dans le tableau 1.1. L’or est le métal noble le plus stable. Il est de ce fait utilisé dans plusieurs domaines dont des applications biomédicales et biologiques. Notre étude portera uniquement sur l’or et nous nous intéresserons à ses propriétés Fig. 1.1. Représentation schématique simplifiée des transitions électroniques dans les métaux autour du niveau de Fermi. optiques dans le domaine spectral s’étendant du visible au proche infrarouge, i.e, pour des énergies de photons de 1,0 eV à 3,5 eV. Ces énergies de photons sont beaucoup trop faibles pour engendrer des transitions électroniques depuis les bandes se trouvant en-dessous des bandes d. Ainsi, nous ne considérerons que les bandes de valence d et les bandes s et p dans cette étude, compatibles avec des transitions dans notre domaine spectral d’intérêt. Métal Structure atomique a˜ (Å) EF (eV) TF (K) Cu [Ar]3d 104s 1 3,61 4,67 54400 Ag [Kr]4d 105s 1 4,08 5,49 63800 Au [Xe]4f 105d 106s 1 4,07 5,53 64200 Tab. 1.1. Structure atomique, paramètre de maille du réseau a˜, énergie de Fermi EF et température de Fermi TF du cuivre, de l’argent et de l’or [14–16] .
Les électrons de conduction
Les électrons de conduction sont délocalisés dans tout le réseau cristallin. La surface de Fermi des métaux nobles [17] révèle une forme quasi-sphérique sauf aux points de symétries L et X à cause du potentiel ionique (le cas parfaitement sphérique correspond à un gaz d’électrons libres). Ainsi, les électrons de conduction peuvent être assimilés à un gaz d’électrons quasi-libres. Ceci fait des métaux nobles des métaux de hautes conductivités thermique et électrique. La relation de dispersion des électrons de conduction est donc quasi-parabolique, donnée par : E(k) = ! 2k 2 2m∗ (1.1) où E(k) et k sont l’énergie et le vecteur d’onde de l’électron et ! est la constante de Planck réduite. m∗ est la masse effective des électrons de conduction. Pour l’or, celle-ci est approximativement égale à la masse réelle m de l’électron. Aussi, l’emploi de m∗ permet d’avoir la densité d’états électroniques ρ(E). Elle est assimilée à celle d’un gaz d’électrons libres de masse m∗ : ρ(E) = 1 2 π 2 ! 2 m∗ ! 2 « 3/2 √ E ≈ 1 2 π 2 ! 2 m ! 2 « 3/2 √ E . (1.2) f(E) est le taux d’occupation de l’état d’énergie E, appelé aussi fonction de distribution électronique. Pour une température électronique Te bien définie, comme nous le verrons plus tard, f(E) obéit à la statistique de Fermi-Dirac : f(E) = 1 1 + exp# E−µ(Te) kB Te $ , (1.3) où kB est la constante de Boltzmann et µ(TE) est le potentiel chimique assimilé à EF pour Te ≪ TF . L’équation 1.3 devient alors : f(E) = 1 1 + exp# E−EF ) kB Te $ . (1.4) Ainsi, plusieurs propriétés thermodynamiques associées au gaz d’électrons dépendent de la température électronique Te comme la constante de couplage électron-phonon G et la capacité calorifique électronique Ce. Nous parlerons plus en détails de ces deux grandeurs dans la suite du chapitre.
Propriétés optiques des métaux nobles
La réponse optique des métaux nobles est traduite par sa fonction diélectrique ǫ(ω) complexe dépendant de la fréquence ω de l’excitation extérieure [18]. La fonction diélectrique relie le déplacement électrique D et le champ électrique E. Cette relation est valable pour un milieu linéaire, homogène et isotrope : D(ω) = ǫ0ǫ(ω)E(ω) = ǫ0[1 + χ(ω)]E(ω) (1.5) où ǫ0 est la permittivité du vide et χ est la susceptibilité du milieu. La fonction diélectrique ǫ est une fonction complexe et s’écrit, donc, sous la forme : ǫ(ω) = ǫ1(ω) + iǫ2(ω) (1.6) où ǫ1 et ǫ2 sont les parties réelle et imaginaire, respectivement. Ces deux contributions sont reliées à travers les relations de Kramers-Kronig : ǫ1(ω)=1+ 1 π V P % ∞ −∞ ǫ2(ω ′ ) ω ′ − ω dω ′ ǫ2(ω) = −1 π V P % ∞ −∞ ǫ1(ω ′ ) ω ′ − ω dω ′ , (1.7) où VP dénote la valeur principale de Cauchy. La réponse optique des métaux, et plus précisément celles des métaux nobles, reflète la contribution des transitions électroniques au sein de la bande de conduction (transitions intrabandes) et des transitions entre la bande de valence et la bande de conduction (transitions interbandes) (voir figure 1.1). En supposant que ces deux contributions sont indépendantes, les susceptibilités correspondantes s’ajoutent : ǫ =1+ χ D + χ ib = ǫ ib + χ D (1.8) où ǫ ib est la fonction diélectrique interbande et χ D(ω) est la susceptibilité de Drude-Sommerfeld (contribution intrabande). 1.3.1 Contribution intrabande à la réponse optique : modèle de Drude Les électrons de la bande de conduction étant des électrons quasi-libres dans les métaux nobles, leurs propriétés peuvent être étudiées via le modèle classique de Drude-Sommerfeld. Dans ce modèle, les électrons sont quasi-indépendants, de masse effective m∗ et de charge −e. Leur réponse à un champ électrique extérieur E(t) est décrite via l’équation du mouvement suivante : m∗¨r = −m∗Γr˙ − eE(t) (1.9) où Γ est la constante de diffusion phénoménologique et r le vecteur déplacement relatif des électrons. Le déplacement des électrons crée un moment dipolaire p = -er relié à la polarisation mésoscopique du milieu P = nep = ǫ0χ D(ω)E, ne étant la densité électronique. La fonction diélectrique de Drude χ Drude s’écrit alors ǫ D =1+ χ D = 1 − ω 2 p ω(ω + iΓ) (1.10) où ωp = & nee 2 ǫ0m∗ est la fréquence plasma. Les parties réelle ǫ Drude 1 et imaginaire ǫ Drude 2 s’écrivent : ǫ D 1 = 1 − ω 2 p ω2 + Γ2 ǫ D 2 = ω 2 pΓ ω2 + Γ2 . (1.11) La détermination de la contribution intrabande à la réponse optique des métaux nobles repose sur la détermination de la constante de diffusion Γ et de ωp. Γ est la somme de deux contributions majoritaires, la diffusion électron-électron (Γe−e) et la diffusion électron-phonon (Γe−ph) : Γ(ω, Te, Tl) = Γe−e(ω, Te) + Γe−ph(ω, Te, Tl) (1.12) où Te et Tl sont les températures du gaz électronique et du réseau ionique cristallin, respectivement. En supposant que les électrons sont quasi-libres (relation de dispersion parabolique) et en supposant que les énergies de phonons sont négligeables devant celles des photons, la contribution Γe−ph à la constante de diffusion totale s’écrit d’après Tsai et al. [19] et en appliquant la règle d’or de Fermi au deuxième ordre [14] : Γe−ph(ω, Te, Tl) = Ge−ph !ω % ∞ 0 ‘ E(E + !ω)f(E)[1 − f(E + !ω)]dE (1.13) où Ge−ph est un paramètre de couplage électron-phonon dépendant de la température du réseau Tl (à ne pas confondre avec la constante de couplage électron-phonon que nous verrons plus loin) [15]. Pour une température Te donnée, soit pour un gaz d’électrons thermalisé, le terme de diffusion électron-électron Γe−e, calculé par Gurzhi suivant la théorie de Landau des liquides de Fermi, est donné par [20] : Γe−e = ω 2 4π 2ωp [1 + (2πkBTe !ω ) 2 ] (1.14) où !ω est l’énergie de photon absorbée. Pour des fréquences optiques et pour des températures électroniques pas trop élevées !ω >> kBTe, le second terme de l’équation 1.14 devient négligeable entraînant une faible dépendance de Γe−e avec Te.
Contribution interbande à la réponse optique : modèle de Rosei
La réponse optique de l’or est également régie par les transitions électroniques interbandes. La contribution interbande à la réponse optique d’un métal noble se caractérise par la fonction diélectrique interbande ǫ ib. Les transitions électroniques interbandes ont lieu lorsque l’énergie de photon est supérieure à l’énergie seuil Eib comme indiqué sur la figure 1.1. Eib est définie comme étant la différence d’énergie minimale entre le haut de la bande d (bande de valence) et le premier niveau électronique vide de la bande de conduction sp (pour une transition électronique verticale directe). Une absorption de photon d’énergie !ω ≥ Eib autorise une transition électronique de la bande d vers la bande la bande de conduction (figure 1.2). La figure 1.2 présente la structure de bandes de l’or. Afin de garder les mêmes notations que celles de Rosei et al., reprises dans le travail de Stoll, je décide d’appeler d le plus haut niveau constituant la bande de valence, p la bande de conduction et s celle située juste au-dessus. L’intervalle en énergie est minimal près des points X et L de la zone de Brillouin où il prend les valeurs 1,8 eV et 2,4 eV, respectivement. Nous considérons les transitions électroniques autour de ces deux points. En effet, dans la zone spectrale considérée (proche UV-proche IR), les principales contributions électroniques interbandes proviennent essentiellement des points L et X. Les transitions au voisinage du point L présentent néanmoins une plus grande force d’oscillateur. De plus, leur contribution domine la réponse optique transitoire ultrarapide, ce qui explique qu’elles ont initialement été les seules considérées pour le calcul de cette dernière [13]. Néanmoins, la contribution des transitions autour du point X n’est pas négligeable et nous l’intégrerons dans nos calculs. La détermination de la contribution des transitions électroniques interbandes à ǫ repose sur une approche purement quantique. Ainsi, on utilise la théorie de Lindhard présentée par exemple dans le travail de Y. Guillet [14]. La structure de bandes électroniques de l’or est donnée sur la figure 1.2. Les transitions électroniques autour des points L et X ont lieu dans les zones représentées par les rectangles rouges sur la figure. On modélise la structure de bandes en utilisant le modèle de Rosei où les bandes électroniques sont considérées paraboliques dans chaque direction (Λ, Q, ∆, Z sur la figure 1.2) [21]. La courbure des bandes paraboliques est décrite par l’approximation de la masse effective (figure 1.2). La figure 1.3 présente la structure de bandes électroniques aux points à haute symétrie de la première zone de Brillouin associées aux rectangles sur la figure 1.2 : les points L et X. On définit, au point L, !ω0 l’énergie séparant les bandes p et d, !ωf celle entre la bande p et le niveau de Fermi EF , et !ωg celle entre EF et s. Au point X, !ωf et !ωg correspondent aux intervalles entre la bande d et EF et la bande p et EF , respectivement. Les valeurs associées à la structure de bandes électroniques considérées dans ce travail, et adaptées à partir de calculs théoriques et de résultats expérimentaux, reposent sur le travail des références [15, 16, 22]. La densité d’état jointe (JDOS) est donnée par : Ji→f (!ω) = % Ef Ei Di→f (E, !ω)[1 − f(E)]dE.
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