Dynamique de la végétation et des stocks de carbone de la forêt classée de Patako et sa périphérie

Dynamique de la végétation et des stocks de carbone de la forêt classée de Patako et sa périphérie

Relation entre forêt, foresterie et atténuation du réchauffement climatique 

 Réchauffement climatique et gaz à effet de serre

 L’atmosphère est composée d’azote (78,1%) et d’oxygène (20,9%), avec un certain nombre de gaz à l’état de trace dont l’argon (0,93%), et les gaz à effet de serre (GES) tels que le dioxyde de carbone CO2 (0,035%) et d’autres GES très faiblement représentés. En outre, l’atmosphère contient également de la vapeur d’eau, dont la proportion est très variable, mais dont la quantité est généralement de 1% (IPCC, 2001 ; IPCC, 2007). Ces composants de l’atmosphère contribuent à « un effet de serre dit naturel ». En effet, la planète Terre reçoit son énergie du soleil. Une partie de cette énergie est absorbée, le reste étant renvoyé dans l’espace sous forme de rayonnement infrarouge et intercepté par les GES. C’est ce processus naturel qui permet à la Terre de se réchauffer et de se maintenir à une température moyenne de +15°C, condition indispensable à la vie sur Terre. Cette moyenne serait de -18°C sans effet de serre naturel. Toutefois, si ces GES sont naturellement présents dans l’air, les activités anthropiques au cours de ces deux derniers siècles (depuis la révolution industrielle), en produisent d’énormes 7 quantités, particulièrement le CO2, le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). D’autres gaz comme les chlorofluorocarbones et le soufre (en ppb1 ) sont uniquement issus des activités industrielles. La concentration atmosphérique de CO2 a augmenté de 31% depuis 1750. Le GIEC (2007) estime que les principaux gaz à effet de serre, à savoir le gaz carbonique (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O) sont essentiellement produits par la combustion des énergies fossiles et les activités d’exploitation agricole et forestière. Il a été établit, que la concentration de GES a augmenté d’environ 70 % depuis l’ère pré-industrielle. Il existe, en outre, un lien direct entre l’augmentation de l’effet de serre et le réchauffement de la planète, lien démontré par l’observation du réchauffement du climat de la Terre au cours de cette même période de temps (Hansen et Sato, 2010). L’augmentation totale de température de 1850-2005 est de 0,76 °C (± 0,19). Cette hausse se traduit par une vitesse moyenne du réchauffement, qui varie de 0,10 à 0,16°C par décennie, au cours des cinquante dernières années, soit le double de la moyenne du siècle (IPCC, 2007). Il faut noter que les GES jugés responsables du réchauffement climatique présentent des caractéristiques différentes. Certains comme le CO2, le CH4 et le N2O ont un pouvoir de réchauffement global élevé. Cela signifie que, même en petite quantité, ils ont une très grande aptitude à retenir davantage le rayonnement infrarouge (IPCC, 2007). Quant au CH4 (deuxième plus important GES), sa concentration atmosphérique a atteint environ 1,824 ppb en 2013. L’accroissement des émissions anthropiques de ce gaz est attribué aux activités d’élevage de bétail, de riziculture, d’exploitation des combustibles fossiles, des décharges, ou encore de la combustion de biomasse. Ces émissions représentent environ 60% des rejets mondiaux. Le protoxyde d’azote (N2O), a atteint quelques 325,9 ppb à la même période. Si cette concentration est nettement plus faible que celle des deux autres gaz, son impact sur le climat est 298 fois supérieur à celui du CO2 . Les activités humaines, telles que la combustion de la biomasse, l’usage d’engrais et certains processus industriels, comptent pour environ 40% des émissions mondiales. 1 Partie Par Billion (= 1/ 1.000.000.000) 3 ppm (partie par million) ou ppb (partie par millliard) : ratio entre le nombre de molécules de GES et le nombre total de molécules d’air sec 8 Depuis l’an 2000, les émissions augmentent sans cesse au rythme de 3,1% par an (+2,6% entre 2011 et 2012). Alors qu’elles devraient baisser, les émissions mondiales ont augmenté de 58% entre 1990 (année de référence du protocole de Kyoto) et 2011 (IPCC, 2013). En 2013, l’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM) estime la teneur moyenne de CO2 dans l’atmosphère à 396 ppm2 . Cette observation intervient au moment où le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) estime qu’il faut absolument limiter la concentration de GES à 450 ppm en 2050 en vue de limiter la hausse de la température mondiale moyenne à 2°C maximum par rapport à l’ère préindustrielle, conformément à l’objectif fixé par la communauté internationale à la COP 21 de la CCNUCC à Paris (UNFCCC, 2015). Peters et al. (2013) estiment qu’un objectif de maintenir le réchauffement sous la barre des 2°C est atteignable mais à condition que des mesures immédiates et radicales soient prises. Ces mesures doivent permettre de réduire les émissions de CO2 d’au moins 3% par an et d’atteindre le pic des émissions avant 2020. L’incertitude des émissions historiques est de ± 5%. Selon les experts du GIEC, tout délai supplémentaire entrainera des coûts élevés et augmentera le taux de réduction nécessaire. La baisse envisagée doit s’appuyer sur des « émissions négatives », c’est à dire par la séquestration du carbone, par des biais naturels ou industriels. Le GIEC a développé plusieurs scénarios d’émission qui ont pour objectif d’obtenir une représentation simplifiée de l’évolution du climat futur. Cette représentation est fondée sur des hypothèses d’évolution des « forces motrices » déterminant les émissions de GES. En effet, les hypothèses servent d’entrée à des modèles permettant ainsi d’obtenir des projections liées aux émissions de GES dans différents domaines et, en particulier sur le climat. IPCC (2013) a publié une étude comparant les trajectoires d’émissions des dernières années à quatre générations de scénarios ex-ante (Figure 1): les Evaluations Scientifiques ou Scientific Assessment en 1990 (SA90)4, les Scénarios du GIEC ou IPCC Scenarios en 1992 (IS92), les Rapports Spéciaux sur les Scénarios d’Emissions ou Special Report on Emissions Scenarios (SRES), et les Trajectoires de Concentration Représentatives ou Representative Concentration Pathways (RCPs) qui ont été présentés dans le son 5ème rapport. Ces scénarios, peuvent correspondre à des efforts plus ou moins grands de réduction des émissions de GES au niveau mondial. La plupart des scénarios définis ont des profils plus ou moins similaires, à 2 Partie par million 9 l’exception du RCP3-PD qui semble être le moins probabiliste car prédisant une réduction drastique des émissions de GES dès 2020 ; ce qui est loin d’être le cas. Il existe une relation linéaire approximative entre les émissions de CO2 cumulées et la réponse de la moyenne globale des températures. En effet, le cumul des émissions de CO2 détermine dans une large mesure la moyenne mondiale du réchauffement en surface vers la fin du 21e siècle et au-delà. Selon IPCC (2013), la plupart des caractéristiques du changement climatique persisteront pendant de nombreux siècles même si les émissions de CO2 sont arrêtées. L’inertie du changement climatique est considérable, de l’ordre de plusieurs siècles, et elle est due aux émissions de CO2 passées, actuelles et futures. (Source : Peters et al. 2013) Figure 1. Scénarios des émissions mondiales de CO2 10 L’augmentation sans cesse de la concentration des GES dans l’atmosphère constitue un surplus artificiel qui est responsable du réchauffement du climat. Ce dernier est donc attribué directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui vient s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables (Nations Unies, 1998). En vue d’atténuer les impacts du changement climatique, la communauté internationale s’est mobilisée (Seguina et Soussana, 2008). Cette mobilisation découle d’une prise de conscience de l’influence de l’homme sur le climat démontrée dans les rapports successifs du GIEC. Dès lors, le CO₂ est devenu un GES plein d’enjeux dont il est important de comprendre la complexité du cycle. 

Carbone et cycle du carbone

 Le carbone terrestre est contenu sous différentes formes dans quatre grands réservoirs (Ricklefs et Miller, 2005). Son cycle est biogéochimique car il est échangé entre la biosphère (la partie de la terre habitée par des organismes vivants), la géosphère (intérieur de la terre, les roches, les minéraux et les reliefs), l’hydrosphère (composée de l’eau de la surface de la terre), et l’atmosphère. Les cycles du carbone entre ces quatre réservoirs se font par un certain nombre de mécanismes différents: la photosynthèse, la respiration, le dégazage, entre autres. Sur des échelles de temps géologiques, le cycle du carbone a une réponse d’autorégulation des variations naturelles de concentration de CO₂ dans l’atmosphère (Cantat et Gires, 2004). Il y a aussi un cycle du carbone biologique relativement rapide où le carbone du CO2 est accumulé dans la biomasse. Ces différents réservoirs sont susceptibles de réaliser des échanges entre eux pour rester en équilibre si théoriquement les sommes des flux entrants et sortants sont partout égales. Dans le cas contraire le système est déséquilibré et un des réservoirs s’enrichit ou s’appauvrit en carbone. Dans le cycle du carbone, la biosphère a un rôle particulier. C’est un compartiment qui est directement au contact des activités humaines. Il est donc possible d’agir sur ce compartiment. Le changement d’utilisation et d’affectation des terres fait diminuer son stock de carbone et, par opposition, planter de nouvelles forêts ou protéger les forêts existantes peut le faire augmenter (Houghton et al. 2005). Les processus naturels d’échange de carbone entre l’atmosphère, la végétation et le sol sont : la photosynthèse, la respiration autotrophe (plante) et la respiration hétérotrophe (activité microbienne et tous les microorganismes).

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Rôle des forêts dans les échanges Biosphère –Atmosphère

 L’écosystème forestier représente une unité fonctionnelle qui se perpétue de façon autonome au travers du flux de l’énergie et du cycle de la matière entre ses différentes composantes en constante interaction (Souidi et al. 2014). La compréhension du fonctionnement de la forêt repose sur la connaissance des mécanismes qui régissent les flux d’énergie et de matière au sein de l’écosystème et leur interaction avec le milieu environnant. Les flux carbonés et les flux hydriques constituent les principaux régulateurs de ce fonctionnement. En effet, l’intensité des flux de dioxyde de carbone et de vapeur d’eau entre l’atmosphère et le couvert forestier est régie par des mécanismes biogéochimiques qui sous-tendent la production de biomasse. Le processus de base de ce mécanisme est le couple photosynthèse-respiration, c’est-à-dire la conversion du carbone inorganique du CO2 en carbone organique des végétaux (photosynthèse) et le processus inverse (respiration) qui consiste à convertir la matière organique en carbone inorganique (Audibert, 2003). La photosynthèse est un processus par lequel les êtres vivants autotrophes (les végétaux, les algues, les bactéries, etc.) convertissent l’énergie de la lumière solaire en énergie chimique apte à l’utilisation. Au cours de ce processus, les végétaux chlorophylliens fixent le CO2 atmosphérique, le réduisent et l’intégrent dans les composés organiques. Le procédé est également dénommé procédé de fixation de carbone durant lequel se produisent des composés de carbone qui stockent l’énergie chimique destinés à être utilisés dans la croissance cellulaire (Audibert, 2003). Ainsi, la lumière, l’eau, la chlorophylle et le dioxyde de carbone sont les exigences de base pour ce processus. Cela explique le rôle des puits de carbone dans la production de biomasse, qui contrebalance l’émission des CO2 à travers le stockage de carbone atmosphérique (Hopkins, 2003). Les végétaux chlorophylliens, autotrophes par la photosynthèse, constituent le maillon fondamental de la production de matière organique du globe. Ils sont de ce fait le point de départ de chaînes de transfert de matière ou d’énergie entre les êtres vivants. A travers ce processus, ils contribuent à réguler la teneur en oxygène et en dioxyde de carbone dans l’atmosphère. La valeur de la photosynthèse varie généralement du fait de facteurs génétiques déterminant le type de métabolisme (C3, C4, CAM), de l’état de santé (sénescence, flétrissement) et des facteurs écologiques (Bethenod et al. 1982; Crèvecœur et Ledent, 1984). 12 La respiration des plantes est la réaction inverse de la photosynthèse. Au cours de cette réaction, les plantes absorbent l’oxygène (oxydation des sucres) et libère du gaz carbonique (CO2) et de l’eau. Dans un écosystème forestier, on distingue la respiration autotrophe et la respiration hétérotrophe. Ces deux formes de respiration constituent un flux important dans le cycle global du carbone (Raich et Schlesinger, 1992b ; Kuzyakov et al. 2006). La respiration hétérotrophe est le processus de régulation de la décomposition de la matière organique, du stockage des détritus, du cycle des nutriments et des flux de CO2 vers l’atmosphère (Schlesinger et Andrews, 2000). La productivité des écosystèmes forestiers permet de rendre compte de leur fonctionnement et de leur évolution. Elle traduit l’accroissement de la quantité de biomasse par unité de temps et dans un espace bien déterminé (Fortin et al. 2012). L’unité généralement utilisée est la tonne de matière sèche par hectare et par an (t MS/ha/an ou g MS/m2 /an) ou encore le volume de bois par hectare et par an (m3 /ha/an). Dans un écosystème forestier, on prend en compte trois paramètres essentiels:  la Productivité Primaire Brute (PPB) qui représente la quantité totale de carbone fixé par la végétation lors de la photosynthèse (ha/an) ;  la Productivité Primaire Nette (PPN) qui correspond à la PPB en dehors de la respiration des plantes. PPN équivaut à la biomasse produite par les plantes ;  la Production Nette de l’Écosystème (PNE) correspond à la PPN et ne considère pas la respiration hétérotrophe. Cette production exclut également d’autres exportations de carbone de l’écosystème, notamment celles liées aux feux de brousse, à l’exploitation forestière, aux pertes dues à l’érosion (Mbow, 2009). Au cours du vieillissement d’un peuplement forestier, la PPB augmente d’abord rapidement, avant de se stabiliser. En effet, au fur et à mesure que ce peuplement de végétation se développe, sa respiration autotrophe augmente aussi, en occasionnant une baisse progressive de la PPN (Longdoz et al. 2000). Ces auteurs estiment que la PPN varie en fonction des types de forêts, de leur âge, de leur mode de gestion et des conditions climatiques. C’est un indicateur important pour la gestion et l’optimisation des puits et/ou réservoirs carbone (Buysse et Aubinet, 2010)

Table des matières

DEDICACE
Illustrations
Remerciements
Sigles et acronymes
Résumé
Abstract
Introduction générale
Chapitre 1 Etat des connaissances sur le carbone, le climat et les forêts
1.1. Relation entre forêt, foresterie et atténuation du réchauffement climatique
1.1.1. Réchauffement climatique et gaz à effet de serre
1.1.2. Carbone et cycle du carbone
1.1.3. Rôle des forêts dans les échanges Biosphère –Atmosphère
1.2. Carbone et enjeux pour le changement climatique
1.2.1. Forêts tropicales et dynamique des stocks de carbone
1.2.2. Mécanismes de Kyoto et activités de compensation carbone dans le secteur de la foresterie
1.2.3. Projets forestiers et marché volontaire du carbone.
Chapitre
Cadre biophysique et humain
2.1. Présentation de la zone d’étud
2.2. Climat et variabilité climatique
2.2.1. Variabilité interannuelle de la pluviométrie
2.2.2. Variabilité intermensuelle de la pluviométrie
2.2.3. Température et humidité de l’air
2.2.4. Autres paramètres climatiques
2.3. Cadre hydrogéologique
2.4. Réseau hydrographique
2.5. Principaux types de sol
2.6. Flore et végétation
2.. Contexte démographique et socio-économique 3
Chapitre 3.Dynamique de l’occupation du sol et facteurs de dégradation de la forêt classée de Patako et sa périphérie
3.1. Introduction
3.2. Matériels et méthodes
3.2.1. Données images
3.2.2 Facteurs de déforestation et de dégradation
3.3. Résultats4
3.3.1. Occupation du sol de 12 à 24
3.3.2. Analyse des changements d’occupation du sol entre 12 et 2
3.3.3. Estimation du taux annuel de déforestation
3.3.4. Facteurs de dégradation
3.4. Discussion
Conclusion
Chapitre 4.Diversité floristique et caractéristiques structurales de la végétation ligneuse
4.1. Introduction
4.2. Matériel et méthodes
4.2.1. Plan d’échantillonnage
4.2.3. Traitement et analyse des données
4.3. Résultats
4.3.1. Composition floristique
4.3.2. Diversité des espèces végétales ligneuses
4.3.3. Analyse des paramètres structuraux de la végétation ligneuse
4.4. Discussion
Conclusion
Chapitre 5 Stocks et dynamique du carbone dans la végétation ligneuse et les sols
5.1. Introduction
5.2. Matériel et méthodes
5.2.1. Évaluation des stocks de carbone de la végétation ligneuse
5.2.2. Échantillonnage pour l’évaluation du carbone organique du sol
5.2.3. Modélisation de la dynamique du carbone
5.4. Résultats
5.4.1. Stocks de carbone de la biomasse ligneuse dans la forêt classée de Patako
5.4.2. Stocks de carbone de la biomasse ligneuse de l’agrosystème
5.4.3. Teneur et stock du carbone organique des sols
5.5. Caractérisation de la dynamique des stocks de carbone
5.5.1. Modélisation des variations de stocks de carbone dans la FCP
5.5.2. Incertitude globale liée à l’inventaire des GES 6
5.6. Discussion
5.6.1. Stock de carbone et sa dynamique dans la biomasse ligneuse et le sol
5.6.2. Bonnes pratiques en matière de gestion durable des stocks de carbone
Conclusion
6. Conclusion générale et perspectives
Bibliographie
ANNEXES

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