DYNAMIQUE DE LA POPULATION DE MYZOPODA
Malgré les nombreuses études déjà effectuées sur Myzopoda aurita, entre autres l’écologie relative à l’utilisation de « bemavo » comme gîte diurne (Schliemann et Maas, 1978 ; Schliemann et Goodman, 2003 ; Ralisata et al., 2010), le régime alimentaire (Göpfert et Wasserthal, 1995 ; Ramasindrazana et al., 2009), la structure et la fonction de l’organe adhésif (Riskin et Racey, 2009 ; Schliemann et Goodman, 2011), le domaine vital (Ralisata et al., 2010) et la génétique de la population (Russell et al., 2008), les informations sur l’écologie de la population restent lacunaires. Très peu d’information sur la taille de la population de Myzopoda aurita est disponibles. Russell et ses collaborateurs (2008) ont estimé la taille effective de la population de Myzopoda aurita entre 100 054 et 132 742 individus. Cependant, elle est rarement capturée en grand nombre (Russ et al., 2001 ; Jenkins et al., 2008). La présente étude se focalise sur l’aspect démographique de cette espèce de chauves-souris à Kianjavato. L’objectif principal de cette étude est alors d’estimer la taille de la population, il est décliné en trois objectifs spécifiques suivant :
répétitives de capture, de marquer tous les individus avant de les relâcher au crépuscule au niveau de l’emplacement de capture. Aucun individu n’est alors compté plus d’une seule fois en se basant au marquage. La session s’est déroulée durant six périodes : octobre-novembre 2009, février-mars 2010, juillet-août 2010, octobre-novembre 2010, février-mars 2011 et juillet-août 2011. Deux méthodes complémentaires de capture ont été utilisées et suit le même protocole qu’au cours du précédent chapitre. La première est la capture au filet japonais. Elle est effectuée toutes les nuits de 18 heures à 21 heures. Quatre à cinq filets de 6, 9 et 12 m sont montés avec une hauteur de 3 m sur des larges pistes pour maximiser la prise des chauves-souris au niveau de la zone d’étude. La deuxième est la capture au niveau des dortoirs durant la journée avec le grand sac en tissu. Cette technique est active en utilisant un grand sac en tissu (Figure 19).
La technique de marquage permet d’identifier chaque individu afin de le reconnaître lors de la recapture. Cette technique permet d’estimer la taille de la population et du taux de survie annuel d’une espèce (Leigh et Handley, 1991 ; Hoyle et al., 2001 ; Young, 2001 ; O’Donnell, 2002, 2009), de déterminer le niveau de fidélité de l’espèce pour les gîtes (Lewis, 1995 ; Kunz et Lumsden, 2003 ; Zubaid et al., 2006), de la Plusieurs techniques sont disponibles pour le marquage à long terme, il y a entre autres l’anneau en plastique ou en métal, PIT (Passive Integrated Transponder) (Stebbings, 2004). Durant cette étude, l’anneau métallique (Porzana Ltd., Wetland- Trust, UK) a été utilisé. L’anneau est fixé sur l’avant-bras de l’animal (Figure 20). Chaque anneau a un numéro unique pour l’identification de chaque animal capturé. Ce type de marquage est le plus utilisé et peut durer longtemps. Cependant, l’anneau peut endommager le patagium s’il n’est pas correctement posé (Dietz et al., 2006 ; Kunz et Weise, 2009). Ainsi, la pose de l’anneau sur l’avant-bras ne doit pas être trop serré pour eviter la déchirure du patagium.
Estimation de la taille et de survie de la population
Les données obtenues à partir des sessions de capture sont traduites sous forme de base de données sur un tableur Excel. Les informations en rapport direct avec la capture et la recapture seront analysées avec le Programme MARK afin d’estimer la taille de la population et son taux de survie annuel (White et Burnham, 1999 ; Lettink et Armstrong, 2003 ; Pryde, 2003). Le Program MARK dispose de plusieurs modèles d’analyse de population, cependant pour la présente étude, le modèle compatible aux populations ouvertes est adopté, car il respecte les conditions suivantes (Pledger et al., 2003) : La clé de la théorie de la population ouverte est d’estimer le taux de survie annuel (φ) et la probabilité de capture (p). Une fois la probabilité de capture connue, la taille des populations pour chaque occasion de capture (notée i) peut être estimée par l’équation (White et Burnham, 1999) : Les individus marqués, lors de la première occasion de capture, seront suivis tout au long de leur vie à travers plusieurs occasions de recapture. A chacune des occasions de capture, la présence et l’absence de chaque individu sont notés. L’absence peut signifier deux choses : soit la non-capture de l’individu, soit sa mort, en sachant, qu’il faut au moins deux occasions de recapture pour estimer les taux de survie annuel.
Six modèles compatibles avec l’analyse de la population ouverte ont été testés pour estimer la taille de la population et le taux de survie annuel. Le choix du modèle approprié est basé selon leur adaptation avec les différentes grandeurs utilisées en modélisation comme l’AIC (Akaike Information Criterion). Cooch et White (2009), suggèrent que le modèle qui a la plus faible valeur d’AIC est le meilleur. Le tableau 3 montre les différents modèles analysés. Pour pallier à l’ambiguïté dans le choix des modèles, MARK donne aussi une autre grandeur qui est le facteur de pondération d’AICc « AICc Weight » pour chaque modèle lancé ; cette grandeur donne la proportion des données qui soutient un modèle donné.
Effet des captures répétées
Le nombre cumulatif de nouveaux individus capturés augmente progressivement et forme une asymptote à la fin de juillet-août 2011. Le nombre cumulatif de nouveaux individus capturés est de sept individus pour la première session de capture, puis 15, 16 jusqu’à 268 individus à la dernière session de capture (Figure 21). Ceci suggère que la majorité des individus au niveau de la zone d’étude sont capturées. Le taux de recapture augmente de plus en plus d’une manière significative. Il semble alors que les captures multiples et le marquage des individus n’ont aucun effet négatif sur le comportement de Myzopoda aurita. D’ailleurs, il y a une différence significative entre le nombre cumulatif des nouveaux individus capturés et ceux recapturés (Test Kolmogorov-Smirnov p = 0,001). Ce qui fait que l’hypothèse sur l’indifférence de cette espèce aux captures répétées quant à son comportement est vérifiée.
Il y a une corrélation positive (Figure 22) entre le nombre cumulatif d’individus recapturés et le nombre cumulatif d’individus capturés (Corrélation de Spearman = 0,991, p < 0,0001). Cette constatation suppose que les individus sont fidèles à leur zone d’occupation ou territoire. Elle renforce aussi l’observation de tout à l’heure sur leur non susceptibilité vis-à-vis des captures répétitives. La taille de la population de Myzopoda aurita correspond au nombre total des individus recensés dans le site au cours des six périodes. Les modèles les plus fiables pour l’analyse de la taille de la population sont ceux qui ont la plus petite valeur d’AICc. Parmi les modèles analysés deux modèles ont été choisis {φ (t), p(t), pent(.), N} (AICc = 969,4) et {φ (t), p(.), pent(.), N} (AICc = 974,4). Le tableau 4 illustre le classement permettant de choisir le modèle qui explique le mieux la distribution des données dans les résultats de capture et recapture.