Dynamique de la Complexité de l’infection à Plasmodium falciparum

Dynamique de la Complexité de l’infection à
Plasmodium falciparum

Introduction

Le paludisme est une érythrocytopathie fébrile et hémolysante due à la présence et au développement dans le foie puis dans le sang d’un hématozoaire du genre Plasmodium. Il est essentiellement transmis à l’homme par la piqûre infestante d’un moustique culicidé du genre Anopheles au moment de son repas sanguin. Seule la femelle, hématophage, transmet la maladie. Elle préfère piquer à partir du coucher du soleil avec un maximum d’activité entre 23 heures à 6 heures du matin. Par ailleurs, il existe d’autres voies plus rares d’infestations telles que la voie sanguine (transfusion sanguine) et fœto-maternelle [1], [2] Cinq espèces sont inféodées à l’homme : Plasmodium falciparum (P.falciparum), Plasmodium malariae (P. malariae), Plasmodium vivax (P. vivax), Plasmodium ovale (P. ovale), Plasmodium knowlesi (P.Knowlesi). Plasmodium falciparum est l’espèce la plus largement répandue à travers le monde. Elle développe des résistances aux antipaludiques et est responsable des formes cliniques graves potentiellement mortelles. Malgré les progrès récents, le paludisme reste un problème sanitaire majeur à l’échelle mondiale avec 228 millions de cas en 2018 dont 93 % en Afrique causant 405 000 décès dont 94% des décès en Afrique [3]. En plus du taux élevé de morbidité et de mortalité, les pertes économiques dues au paludisme en Afrique sont énormes. Ce qui fait que cette maladie constitue un lourd fardeau pour le continent. Il représente la première cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans et la première cause d’anémie chez les femmes enceintes avec un taux de mortalité de 13% dans la population générale [4] La lutte contre le paludisme est une approche globale comprenant, la prévention le diagnostic précoce et la prise en charge rapide des cas de paludisme confirmés par des antipaludiques efficaces. Les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) sont utilisées en première intention dans le traitement du paludisme simple dans les zones endémiques. Leur utilisation a donné un grand espoir quant à l’élimination du paludisme car il a permis de contrôler la maladie et de diminuer considérablement les cas de décès dû au paludisme. Au Mali les combinaisons Artemether-Lumefantrine (A-L), Artesunate-Amodiaquine (AS-AQ) sont utilisées en première intention contre le paludisme simple depuis 2006[5]. En Octobre 2020, le Programme National de lutte contre le Paludisme (PNLP) a fait la relecture des guides de traitements du paludisme et a ajouté les combinaisons Pyronaridine-Artesunate (PA) et Dihydroartemisinine-Piperaquine (DHA-PQP) sur la liste des médicaments de première intention contre le paludisme simple. La résistance aux dérivés de l’artémisinine lesquels sont les composant principaux des CTAs a déjà été mis en évidence en Asie du Sud-Est [6],[7].Cette 2 | P a g e résistance est définie comme un prolongement du temps de clairance parasitaire après traitement à l’artémisinine ou ses dérivés [8]. Elle est exprimée par l’augmentation de la demivie de la clairance parasitaire au-delà de 5 heures, [9], [10] ou une persistance des parasites détectés au microscope le troisième jour du traitement aux CTAs. Des mutations du gène K13- propeller (C580Y, R539T, Y493 et I543T) ont été associées à des cas de prolongement de temps de clairance parasitaire après traitement à l’artémisinine et à un taux de survie élevé des parasites après les avoir exposés in vitro à la Dihydroartémisinine (DHA) [11]. Ainsi en 2011 soit cinq ans après l’introduction des CTA comme traitement de première intention au Mali, Maiga et al. ont mené une étude prospective pour évaluer l’efficacité de l’artésunate en monothérapie à Bougoula-Hameau un village péri urbain du Mali [12]. Cette étude n’a pas révélé de prolongement du temps d’élimination des parasites. Des mutations du gène K13- propeller ont été décrites au Mali mais non associées à un prolongement du temps de clairance des parasites [13]. Dans le cadre de la surveillance régulière de l’efficacité de l’artémisinine et des travaux de ma thèse de doctorat d’état en pharmacie, nous avons reconduit le protocole de l’étude de Maiga et al. qui consistait à une évaluation de l’efficacité de l’artésunate en monothérapie à Bougoula-Hameau et à Faladje, deux villages du Mali. Nos résultats ont montré une différence significative du temps de clairance parasitaire entre les deux sites d’étude [14]. La prévalence de mutation du gène K13-propeller était comparable entre les deux sites et aucunes de mutations décrites en Asie comme déterminant de la résistance n’avaient été observés dans les échantillons maliens [15]. La complexité de l’infection à P. falciparum (COI) définie comme étant le nombre d’haplotypes de parasite (souche) génétiquement diffèrent présent dans le sang d’un individu infecté à un temps donné pourrais influencer sur les signes cliniques de la maladie et la réponse aux traitements antipaludiques ici défini comme le temps de clairance après le traitement [16]. Le faciès épidémiologique et l’intensité de la transmission peuvent à leur tour impacter sur la complexité de l’infection[17]. La multiplicité de l’infection et la diversité génétique des parasites ont été décrits comme étant négativement corrélés avec l’efficacité des médicaments antipaludiques [18]. C’est dans ce cadre que nous avons initié ce travail en formulant l’hypothèse de recherche que la complexité de l’infection serait plus élevée à Faladje (où le temps de clairance parasitaire était significativement plus élevé) qu’à Bougoula-Hameau.

Travaux antérieurs similaires

Des études portant sur l’évaluation du temps de clairance parasitaire après traitement du paludisme simple non compliqué par l’artémisinine et ses dérivés ont été déjà conduites au Mali [19] et en Asie du Sud-Est [6]. Le temps d’élimination des parasites après traitement du paludisme grave et compliqué par l’artésunate par voie intraveineuse comme recommandé par l’OMS a été évalué en Uganda [20]. Des études portant sur l’évaluation du temps de clairance parasitaire après traitement aux CTAs ont aussi été réalisées en Côte d’Ivoire [21] au Vietnam [22] ainsi que dans beaucoup de régions endémiques. Mais très peu d’études ont été menées sur l’valuation de l’efficacité de l’artémisinine et ses dérivés en monothérapie, car l’OMS ne recommande pas la monothérapie par voie orale comme traitement du paludisme simple par crainte d’émergence et de sélection des parasites résistants. Néanmoins dans le cadre de la recherche il est très utile d’évaluer l’efficacité de l’artémisinine et de ses dérivés qui représentent les médicaments principaux des CTAs. L’évaluation de l’efficacité des CTAs peut porter un biais sur la vraie sensibilité des parasites à l’artémisinine à cause du médicament partenaire. L’avènement des nouvelles techniques de séquençage et de la bio-informatique ont permis la mise au point des nombreuses techniques d’évaluation de la complexité de l’infection à Plasmodium falciparum. Des études d’évaluation de la COI après traitement aux CTAs ont été conduites en République Démocratique du Congo [18] et en Uganda [23]. Mais ces études ont utilisé juste la PCR comme méthode d’évaluation de la COI qui est moins spécifique que le séquençage. Beaucoup d’études d’exploration de la multiplicité de l’infection ont été menées en Afrique en Asie du Sud-Est dont certaines ont été conduites dans le cadre de la caractérisation des candidats vaccins (AMA1[24], CSP [19]). Des études avec comme objectif d’évaluer l’impact de la complexité de l’infection sur l’efficacité des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine ont déjà été conduites utilisaant la PCR comme moyen d’évaluation de la COI. La plupart de ces études ont portées sur les CTAs ce qui peut apporter un biais par rapport à l’efficacité de l’artémisinine et ses dérivés qui représentent les composants principaux des CTAs. Notre étude vise à combler ces insuffisances en utilisant le séquençage pour évaluer la complexité de l’infection et en utilisant comme médicament d’étude l’artésunate en monothérapie ce qui permet d’éliminer le biais du médicament partenaire. L’originalité de notre travail s’expliquait par le fait qu’il constait à évaluer la complexité de l’infection avant l’instauration du traitement et au cours du suivi des patients (H0, H08, H16, H24, H32) afin de caractériser le rôle du médicament sur la dynamique de la complexité de l’infection. 

Statistiques Bayésienne

La statistique bayésienne est une approche statistique fondée sur l’inférence bayésienne, où la probabilité exprime un degré de croyance en un événement. Les méthodes statistiques bayésiennes reposent sur le théorème de Bayes pour calculer et mettre à jour les probabilités après l’obtention de nouvelles données. Le théorème de Bayes décrit la probabilité conditionnelle d’un événement basée sur des informations ou des croyances antérieures sur l’événement ou les conditions liées à l’événement[25] Le cadre bayésien est défini avec les notions de lois a priori et a posteriori. Les densités a posteriori sont calculés grâce à la formule de Bayes. La loi a posteriori a une densité par rapport à ν égale à : 𝑓𝜃|𝑋=𝑥 (𝜃) = 𝑝𝜃(𝑥)𝜋(𝜃) ∫ 𝑝𝜃 (𝑥)𝜋(𝜃)𝑑𝜈(𝜃) (1) Équation 1 : Formule de Bayes Dans l’échantillonnage la loi de Bayes a posteriori dans le modèle d’´échantillonnage a une densité par rapport à 𝜈 égale à : 𝑓𝜃|𝑋1,𝑋2,………,𝑋𝑛 (𝜃) = ∏ 𝑝𝜃(𝑋𝑖)𝜋(𝜃) 𝑛 𝑖=1 ∫ ∏ 𝑝𝜃 (𝑋𝑖 )𝜋(𝜃)𝑑𝜈(𝜃) 𝑛 𝑖=1 (2) Équation 2 : Bayes et échantillonnage 

Méthodes de Monte-Carlo par chaînes

Les méthodes de Monte-Carlo par chaînes de Markov (ou méthodes MCMC pour Markov chain Monte Carlo en anglais), sont une classe de méthodes d’échantillonnage à partir de distributions de probabilité. Ces méthodes de Monte-Carlo se basent sur le parcours de chaînes de Markov qui ont pour lois stationnaires les distributions à échantillonner. La méthode MCMC consiste à construire une chaine de Markov {Xn,n ∈ N} de noyau de transition P dont π soit la loi stationnaire. Les chaînes de Markov sont très simples à simuler : – Simuler l’état initial X0 suivant la loi initiale ξ. – Simuler conditionnellement Xn+1 ∼ P (Xn) en utilisant le noyau de transition P Lorsque la chaîne est ergodique, la loi de Xn donnée par ξn = ξPn converge vers la loi stationnaire. 5 | P a g e Le théorème ergodique de Birkhoff montre aussi que la moyenne d’une réalisation de la chaine converge vers la loi d’équilibre. 1 𝑛 ∑𝑓(𝑋𝑘) → ∫ 𝑓 𝑑𝜋 𝑛−1 𝑘=1

Diversité Génétique Fst

L’indice de fixation Fst est définie comme une mesure de la différenciation génétique des populations [26]. C’est un paramètre très important dans l’étude de la structure des populations de l’homme, des animaux, des plantes et des microorganismes. L’indice de fixation Fst permet de décrire les processus évolutifs qui influent sur la structure de la variation génétique au sein des populations et entre les populations. L’indice de fixation Fst est l’une des statistiques les plus largement utilisées en génétique des populations et de l’évolution. 𝐹𝑠𝑡 = 𝐻𝑇−𝐻𝑆 𝐻𝑇 (3) Équation 3 : Index Fst HS : Nombre moyen de différences par paire entre deux individus échantillonnés à partir de sous-populations différentes. HT : Nombre moyen de différences par paire entre deux individus échantillonnés à partir de de la même sous-population Si la valeur de l’indice de fixation Fst est égale ou très proche de 0, cela signifie qu’il y a de nombreux échanges génétiques entre les populations. Par ailleurs si la valeur de l’indice de fixation Fst est proche de 1, cela se traduit par une forte différenciation génétique entre les populations, suggérant très peu voire aucun flux de gènes entre les populations. Un indice de fixation Fst compris entre 0 et 0.05 révèle une différenciation faible ; un Fst compris entre 0.05 et 0.15 traduit une différenciation modérée ; un Fst entre 0.15 et 0.25 suggère une différenciation importante.

Diversité nucléotidique Pi

La diversité nucléotidique Pi est le nombre de différence de nucléotides pour une séquence donnée pour 2 individus sélectionnés au hasard dans la population. π = δ𝑖𝑗 𝐿 (4) Équation 4 : Calcul de diversité nucléotidique 6 | P a g e δij : Moyenne du nombre de différences nucléotidiques entre les séquences d’un échantillon prises deux à deux L : Longueur de la séquence en nombre de nucléotides. π = 1/12 π = 6/12 Figure 1 : Illustration de calcul de diversité nucléotidique

Analyse en composantes principales 

L’analyse en composantes principales (PCA en anglais : principale components analysis) sert à mettre en évidence des similarités ou des oppositions entre variables et à repérer les variables les plus corrélées entre elles. Il s’agit donc d’obtenir le résumé le plus pertinent possible des données initiales. Son principe consiste à remplacer une famille de variables par des nouvelles variables de variance maximale, non corrélées deux à deux et qui sont des combinaisons linéaires des variables d’origines. Ces nouvelles variables, appelées composantes principales, définissent des plans factoriels qui servent de base à une représentation graphique plane des variables initiales.

Approches moléculaires de détermination de la multiplicité de l’infection

La multiplicité de l’infection (MOI) encore appelée complexité de l’infection (COI) est définie comme le nombre de souches parasitaires coinfectant un même hôte [27] . C’est un indicateur très important en épidémiologie du paludisme. La MOI peut être le résultat de piqure de moustiques différents ou de la piqure du même moustique infecté inoculant à l’hôte des sporozoïtes génétiquement différents. Les méthodes de génotypage par PCR d’évaluation de la MOI peuvent sous-estimées le nombre de souche parasitaire. Par contre les nouvelles techniques de séquençage (NGS) fournissent des méthodes plus sensibles d’exploration du génome. Cependant la détermination avec exactitude du nombre de clones par infection utilisant des méthodes moléculaires souffre de beaucoup d’ambigüité à cause des artefacts au cours de la PCR et des erreurs de séquençage. C’est pourquoi des outils efficients sont indispensables pour caractériser les haplotypes afin de minimiser les biais au cours de l’évaluation de la complexité de l’infection. Parmi les outils bio-informatiques d’évaluation de la COI on peut citer : Fws [28], estMOI [29], COIL[30], SeekDeep[31], HaplotypR [32], pfmix [33], THE REALMcCOIL [34], DEploid [35].

FWS [28] : C’est une technique d’analyse qui à partir d’un ensemble de SNPs distribué le long du génome de Plasmodium falciparum permet de calculer les statistiques Fws pour chaque échantillon représentant la diversité au sein de l’hôte. L’indice Fws est compris entre 0 et 1. Il permet d’explorer la diversité génétique au sein d’un même hôte au cours d’une infection à Plasmodium falciparum. L’analyse de l’hétérozygotie nécessite la mesure des fréquences alléliques par des méthodes qui tiennent compte de la variabilité intra individuelle.

Table des matières

I. Introduction
I.1. Travaux antérieurs similaires
I.2. Statistiques Bayésienne[25]
I.3. Méthodes de Monte-Carlo par chaînes
I.4. Diversité Génétique Fst
I.5. Diversité nucléotidique Pi
I.6. Analyse en composantes principales
I.7. Approches moléculaires de détermination de la multiplicité de l’infection
extractor
qluster
processClusters
popClusteringViewer
Méthode catégorielle
Méthode proportionnelle
II. Objectifs
II.1. Objectif Général
II.2. Objectifs spécifiques
III. Matériels et Méthodes
III.1. Sites d’étude
III.2. Travaux antérieurs
III.3. Echantillonnage
III.4. Extraction de l’ADN et amplification des gènes Pfama1 et Pfcsp
III.4.1. Amplification du gène Pfama1
III.4.2. Amplification du gène Pfcsp
III.5. Préparation de librairies et séquençage
III.6. Analyse des données
IV. Résultats
IV.2. Répartition des échantillons par jour de suivi
IV.3. Temps de clairance parasitaire dans l’échantillon sélectionné
IV.4. Dynamique de la Complexité de l’infection
IV.5. Comparaison de la complexité de l’infection entre Bougoula-Hameau et Faladje
IV.6. Corrélation entre Complexité de l’infection et Fws
IV.7. Corrélation entre Parasitémie et Complexité de l’infection
IV.8. Corrélation entre Complexité de l’infection et PCT à Bougoula-Hameau et à Faladje
IV.9. Diversité génétique de Pfama1 et Pfcsp
IV.9.1. Diversité génétique des séquences entre les populations de Bougoula-Hameau .
IV.9.2. Diversité génétique des séquences entre les populations de Faladje
IV.9.3 Diversité génétique des séquences entre Bougoula-Hameau et Faladje
IV.10. PCA à l’inclusion et un jour après l’initiation du traitement
IV.11. Diversité nucléotidique des séquences
IV.11.1. Diversité nucléotidique entre les populations de Bougoula-Hameau
IV.11.2. Diversité nucléotidique entre les populations de Faladje
IV.12.3. Diversité nucléotidique entre Bougoula-Hameau et Faladje
V. Discussion
VI. Conclusion
VII. Limites et Perspective

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