D’une économie post-industrielle à une économie hyper-industrielle

D’une économie post-industrielle à une économie hyper-industrielle

La société «post-industrielle»: un aboutissement du développement économique?

  La tripartition sectorielle de l’activité apparaît dans les pratiques statistiques australiennes et néo-zélandaise de l’entre-deux-guerres et ce sont deux économistes anglais ayant travaillé dans ces pays, Allan B. Fisher et Colin Clark, qui ont commencé à s’intéresser au secteur tertiaire. Le premier suggère, dès 1935[1], le nécessaire glissement dans le temps des activités de secteur à secteur. C’est à lui que l’on doit sans doute l’invention du terme tertiaire. Mais c’est le second, Colin Clark, dans son ouvrage principal

The conditions of economic progress  paru en 1940 mais réécrit dans sa plus grande partie en 1957, qui fonde, de manière certes marginale par rapport au contenu de l’ouvrage (chapitres III à V), cette «trinité sectorielle» ou cette «trilogie sectorielle».

Une montée évidente du secteur tertiaire dans l’activité

  L’accroissement de la productivité et le déplacement de la demande sont historiquement des éléments clés de la réallocation des facteurs entre les différents secteurs de l’économie. Dans la plupart des pays industrialisés à la fin du XIXe siècle, près de 50 % de la main d’œuvre était mobilisée dans l’agriculture. Avec d’une part, la diffusion du progrès technique et l’amélioration de la productivité dans l’agriculture et d’autre part, une évolution de la demande des produits agricoles vers les produits manufacturés et les services au fur et à mesure du développement économique, la part des emplois agricoles dans l’économie diminue fortement dans l’ensemble des pays industrialisés au profit de l’industrie et des services, qui bénéficient du transfert de la main d’œuvre durant les années 1870-1970. Le mouvement de tertiarisation de l’emploi existait au cours de la première moitié du XX ème siècle mais de manière timide pour la France (de 28% de l’emploi total en 1906 à 38 % en 1954). Mais certains auteurs en repèrent la genèse dès le début du XIX ème siècle. Le tertiaire connaît cependant une progression rapide après la seconde guerre mondiale que ce soit dans la phase de croissance rapide des années 1960 ou dans la phase de croissance ralentie qui l’a suivie.

Une désindustrialisation qui s’amorce dans les années 1970

   Pour la plupart des pays industrialisés, le début des années soixante-dix constitue le pic en matière d’emplois manufacturiers(i.e industriels) puisque l’on observe à partir de cette date une diminution tendancielle de la part de l’emploi industriel dans l’emploi total, dans la plupart de ces pays. La désindustrialisation a commencé dès le milieu des années soixante aux Etats-Unis qui connaît par la suite une diminution forte: la part de l’emploi manufacturier passe de 28 % en 1965 à 14 % en 2006. Certains observateurs américains pensent qu’elle est désormais en dessous de 10%[1]. Au Japon, la désindustrialisation s’amorce plus tardivement au milieu des années soixante-dix et est plus lente. Dans l’Union européenne la baisse de la part de l’emploi industriel, qui était comparativement aux États-Unis et au Japon plus élevée, débute au début des années soixante-dix et est importante : au Royaume-Uni, on constate une très forte diminution au cours des années quatre-vingt ; en France et en Allemagne, la baisse est importante, mais de moindre ampleur qu’au Royaume-Uni.Dans le même temps, on observe une augmentation continue de l’emploi dans les services dans tous les pays industrialisés depuis 1960. Les États-Unis sont les premiers à connaître cette tertiarisation de l’économie : la part des services y est élevée dès 1960 (environ 56 % des emplois) et ne cesse de s’accroître.

Une tertiarisation qui s’affirme à partir des années 1960

  La croissance de la part du tertiaire dans le PIB et la population active est nette depuis le début des années 1960 même si le mouvement a pu commencer au milieu du XIXème (avec un ralentissement de 1881 à 1945) pour la France. Dans ce secteur fourre-tout, on peut identifier les branches d’activité qui ont porté cette croissance: un tertiaire à croissance explosive (on raisonne ici sur le poids relatif dans l’emploi) qui est composé des services marchands aux ménages, plus encore des services de santé et des services marchands aux entreprises, un tertiaire à croissance régulière mais plus lente (services non marchands hors santé publique), un tertiaire à croissance lente (commerce, transports et télécommunications).

  L’emploi tertiaire (dans le cas français) a été multiplié par 2 depuis 1945. En 1954, sa part dans l’emploi total était égale à celle de l’industrie (1/3), elle est devenue majoritaire au début des années 1970 et atteint aujourd’hui les ¾ (74,2 % en 2002 contre 51 % en 1974). A contrario, l’industrie qui employait, au faîte des Trente Glorieuses (1974) 38,6 % des actifs n’en regroupe plus aujourd’hui que 21, 9 %. Cette évolution est comparable dans les autres PDEM: le tertiaire occupe plus de 70 % de la population aux Etats Unis et en Grande Bretagne, plus de 60 % en Allemagne et au Japon

Þ  La modernisation a, en effet, entraîné une spécialisation accrue des tâches et suscite un affinement des services (transports et télécommunications, services marchands aux entreprises mais surtout une révolution des structures financières -avec la course à l’ouverture de guichets en France de la fin des années 1960 au début des années 1980- et des structures commerciales E infra II)

Þ L’élévation des niveaux de vie et la saturation progressive de la consommation de biens durables pousse aussi à la consommation de services marchands. Le développement de l’état providence implique l’extension des services non marchands même si leur poids reste assez stable dans la valeur ajoutée. La croissance de la demande de services est d’abord due à la demande de consommation finale (santé, services marchands aux ménages) mais elle est prolongée par la montée des services marchands aux entreprises.Le vecteur principal de la création nette d’emplois depuis 40 ans est le secteur tertiaire, en France comme dans les autres grands pays industrialisés (E document joint Insee Premières).  Les deux branches qui ont le plus progressé, avec l’enseignement, sont constituées d’activités d’assistance ou de soins, et de conseil ou de transfert de connaissances. Santé et action sociale, enseignement et services aux entreprises expliquent ainsi les 2/3 de l’accroissement du poids relatif du tertiaire dans l’emploi depuis un demi-siècle (4,6 % en 1936, 23 % en 1990).

 

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