Du champ magnétique solaire aux champs magnétiques des étoiles froides 

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Le champ magnétique des étoiles froides

Une solution tangible pour tester les différentes théories de la dynamo solaire est d’étu-dier les champs magnétiques d’autres étoiles froides. Ceci permet de placer le Soleil dans un contexte évolutif, et d’observer comment les paramètres magnétiques de ces étoiles dépendent des paramètres stellaires fondamentaux tels que la température, la masse, la rotation angulaire ou l’âge. Cette section présente brièvement les différentes techniques uti-lisées pour mesurer le champ dans des étoiles autres que le Soleil ainsi que les principales informations déjà obtenues sur les dynamos de ces étoiles.

Etudes observationnelles

La première mise en évidence de champ magnétique stellaire a été effectuée par Babcock (1947), qui montra la présence de l’effet Zeeman (cf section 2.1) dans le spectre de l’étoile 78 Vir, de type A2p. L’effet Zeeman est particulièrement visible dans cette étoile car elle est chimiquement particulière et possède donc un fort champ magnétique à grande échelle, de quelques kG (Khalack & Wade 2006). Les étoiles de type solaire présentent des champs magnétiques moyens bien plus faibles, de l’ordre de quelques dizaines de G pour les plus actives. Il a donc fallu attendre l’émergence de nouvelles techniques et l’amélioration des instruments existants – ce qui a pris quelques dizaines d’années – pour obtenir des mesures indirectes puis directes des champs magnétiques stellaires et pour étudier de plus en plus précisément l’activité des étoiles de type solaire.

Observations indirectes

Activité chromosphérique Un des moyens d’évaluer le degré d’activité magnétique d’une étoile et ses variations temporelles est de mesurer l’émission dans le coeur des raies H&K du Ca II. Il a été mentionné dans la section 1.1.3 que l’augmentation de la température avec l’altitude dans la chromosphère a pour effet d’accroître le flux dans ces raies. L’intensité de l’émission peut augmenter localement si des inhomogénéités magnétiques sont présentes, et ses variations sont par conséquent un indicateur indirect de la force et de l’étendue des régions magnétiques (Schrijver et al. 1989). Par ailleurs, Saar & Baliunas (1992) ont montré en étudiant l’étoile de type solaire κ Ceti qu’il existe une relation directe entre le flux magnétique et le flux chromosphérique (Fig. 1.12).
Comme nous l’avons mentionné dans la section 1.1, l’émission dans les raies H&K du Ca II intégrée sur l’hémisphère visible du Soleil permet de retrouver la période de rotation solaire ainsi que le cycle magnétique d’environ 22 ans (Hale & Fox 1908; Sheeley 1967). Des mesures de ce type ont également été effectuées sur des dizaines d’étoiles froides pour suivre les variations globales de leur champ magnétique. Ainsi, la plus grande campagne de mesure et de suivi long-terme de l’émission dans les raies H&K du Ca II sur un échantillon d’étoiles F, G, K et M de la séquence principale a été entreprise en 1966 par O.C. Wilson (Wilson 1978) au Mont Wilson, et continuée et améliorée par la suite par Vaughan et al. (1978) et Baliunas et al. (1995, 1998). Cette étude a permis de mettre en évidence des cycles d’activité pour 60% des cibles observées, variant entre 2.5 et 25 ans. Un quart des étoiles de cet échantillon sont variables mais ne montrent pas de comportement cyclique  et 15% ne présentent pas de variations de leur flux chromosphérique sur la durée du suivi (Fig. 1.13). Les cycles identifiés sont présents dans tous les types spectraux mais sont plus rares parmi les étoiles F et plus répandus parmi les K. Plus récemment, l’étude des variations de l’émission dans les raies H&K a permis le découverte d’un cycle très court (1.6 ans) pour l’étoile de type F8V ι Horologii (Metcalfe et al. 2010).
Signature photométrique des taches froides En plus du suivi du B qui vient d’être présenté, il est possible de suivre l’évolution du champ magnétique photosphérique par des mesures de flux et par l’astérosismologie.
D’après la Fig. 1.9, les niveaux d’irradiance solaire totale et d’activité chromosphérique varient de la même façon au cours du cycle solaire. Pour déterminer les variations des intensités lumineuses stellaires, les observateurs ont recours aux mesures photométriques, i.e. aux mesures du flux sur la ligne de visée dans une gamme de longueurs d’onde spécifique (le plus souvent dans le visible).
Depuis le début du siècle, les mesures de flux photométriques d’étoiles actives ont commencé à être suffisamment nombreuses et bien échantillonnées dans le temps pour permettre d’étudier leurs variations à long-terme. Radick et al. (1998) et Lockwood et al. (2007) ont étudié simultanément les émissions chromosphérique et photosphérique d’échan-tillons d’étoiles principalement de type solaire. Ces deux auteurs ont noté que pour les étoiles dont l’âge est plus avancé, la luminosité augmente avec le flux chromosphérique comme dans le cas du Soleil, alors que cette tendance est inversée pour les étoiles plus jeunes. Oláh et al. (2000, 2009) ont quant à eux mis en évidence des cycles multiples et variables pour des étoiles de types F, G et K.
Dernièrement, l’astérosismologie a permis elle aussi de suivre les variations d’activité photosphérique des étoiles par le biais de leurs oscillations acoustiques. Un des résultats les plus marquants de cette méthode est la récente découverte par García et al. (2010) d’un cycle magnétique analogue à celui du Soleil pour l’étoile F5V HD 49933. Les auteurs ont en effet démontré l’existence d’une anti-corrélation entre l’amplitude des modes d’oscillation et leurs fréquences (Fig. 1.14). Ils ont également mesuré sur la même période de temps l’évolution de la dispersion de la courbe de lumière, considérée comme un indicateur de l’évolution des taches à la surface de l’étoile, donc comme un indice des fluctuations de l’activité. Ces mesures supplémentaires ont confirmé l’existence d’une variabilité de nature magnétique présentant une cyclicité d’au moins 120 jours.

Mesures directes

Les méthodes d’observation du champ magnétique décrites dans les paragraphes précé-dents permettent de suivre l’évolution temporelle de l’activité magnétique globale, mais ne délivrent aucune indication sur la valeur du champ magnétique ou l’orientation des lignes de champ, ni sur sa distribution à la surface de l’étoile observée. Le développement de tech-niques basées sur l’analyse d’observations spectroscopiques, puis spectropolarimétriques a permis une percée significative dans l’étude des propriétés des champs magnétiques stel-laires.
En lumière non-polarisée Les premières mesures fiables de champs magnétiques sur des étoiles de type solaire ont été effectuées par Robinson et al. (1980). Ce dernier a étudié l’élargisse-ment des raies par effet Zeeman au moyen d’observations spectroscopiques haute résolution en lumière non-polarisée. En comparant des profils de raies à grand facteur de Landé et des profils de raies peu sensibles au champ magnétique (Fig. 1.15), il est parvenu à évaluer la force du champ et son facteur de remplissage à la surface de l’étoile. Il a par exemple estimé que dans le cas de l’étoile active ξ Bootis A (de type G8V), un champ magnétique d’environ 2.5 kG couvrait une fraction de la surface comprise entre 20 et 45%. Marcy (1984) a étendu ce type de mesure à un échantillon plus conséquent d’étoiles froides. Ce-pendant, comme le montre la Fig. 1.15, cette technique est limitée à des détections de champ de l’ordre de plusieurs kG, ce qui rend donc impossible son application dans le cas de jumeaux solaires.
En lumière polarisée L’étude du champ magnétique des étoiles de type solaire par des spectres polarisés a longtemps été impossible du fait de la complexité de leur champ. En effet, la grande majorité des étoiles n’étant pas spatialement résolue, les régions proches de polarité opposée se trouvant à la surface s’annulent mutuellement, produisant une composante résultante du champ presque nulle.
L’étude des spectres polarisés a commencé il y a une vingtaine d’années, avec le dévelop-pement des techniques d’imagerie tomographique basées sur la modulation rotationnelle d’observations spectropolarimétriques2. Les premières topologies magnétiques obtenues grâce à cette technique pour des rotateurs rapides (Donati et al. 1992; Donati & Collier Cameron 1997) ont montré l’existence de grandes régions magnétiques photosphériques dans lesquelles la composante du champ est principalement toroïdale. Plus récemment, Petit et al. (2009) et Fares et al. (2009) ont mis en évidence respectivement un renverse-ment de polarité et une succession de deux renversements dans le cas des étoiles de type solaire HD 190771 et τ Bootis (Fig. 1.16).

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Dynamo des étoiles de type solaire

L’amélioration des techniques de détermination des champs magnétiques stellaires com-binée à des campagnes d’observation à long-terme permettent peu à peu de dégager des informations sur les processus dynamo à l’oeuvre dans les étoiles de type solaire. Les sous-sections suivantes présentent les découvertes majeures sur les dynamos des étoiles FGK.

Le vide de Vaughan-Preston

Une caractéristique maintenant bien connue dans la distribution des indices d’activité chromosphérique obtenus au Mont Wilson a été mise en évidence par Vaughan & Preston (1980). Ces auteurs ont noté une discontinuité dans la distribution des étoiles dans le plan indice d’activité chromosphérique/(B-V). Plus précisément, il semble exister un “vide” entre les étoiles plus jeunes et plus actives et les étoiles plus âgées et moins actives (Fig. 1.17).
Plusieurs explications théoriques ont été avancées pour expliquer le vide de Vaughan-Preston. Durney et al. (1981) ont suggéré qu’un taux de rotation critique séparerait un régime de rotation rapide, dans lequel plusieurs modes de dynamo seraient excités, d’un régime plus lent où seul le mode fondamental serait excité. De leur côté, Knobloch et al. (1981) ont proposé qu’au-delà d’un taux de rotation critique, la convection n’agit plus par le biais de cellules de convection, mais par le biais de rouleaux longitudinaux, ce qui amplifierait le champ magnétique de surface plus efficacement. Ces deux théories mettent donc en jeu un changement brusque et rapide dans le régime de dynamo entre les deux groupes d’étoiles entourant le vide de Vaughan-Preston. Cependant, Noyes et al. (1984a) ont tempéré l’existence d’un changement aussi brusque en soulignant qu’aucune disconti-nuité n’apparaît si l’activité chromosphérique exprimée en terme de logRhk′3 est tracée en fonction du nombre de Rossby Ro4 pour le même échantillon.
Prot vs. activité
La période de rotation des étoiles semble être étroitement liée avec l’activité magné-tique. En effet, à partir des observations du Mont Wilson, Noyes et al. (1984a) ont noté que les étoiles les plus actives au niveau chromosphérique sont celles qui tournent le plus vite. Comme il a été mentionné dans la section précédente, ils ont aussi souligné que l’ac-tivité chromosphérique est liée au nombre de Rossby. Les auteurs notent cependant que cette relation est plus ou moins marquée selon le modèle de zone convective considéré pour calculer Ro, et ne tirent pas de conclusion quant à l’influence de la rotation sur l’activité.
Par ailleurs, la période de rotation influence aussi le champ magnétique de surface et sa géométrie. En reconstruisant le champ magnétique de surface de 4 étoiles de type solaire possédant des périodes de rotation comprise entre 8.8 et 22.7 jours, Petit et al. (2008) ont observé une augmentation du module du champ moyen ainsi que de la fraction d’énergie magnétique stockée dans la composante toroïdale du champ corrélée avec une diminution de la période de rotation (Fig. 1.18). Les auteurs précisent qu’une période de rotation inférieure à 12 jours semble nécessaire pour que l’énergie stockée dans la composante toroïdale devienne comparable à celle stockée dans la composante poloïdale. De plus, ces résultats se trouvent être en accord avec ceux des simulations numériques de Brown et al. (2010) et Jouve et al. (2010).
Relation entre Prot et Pcyc
Une autre découverte de poids est la relation entre la période des cycles magnétiques Pcyc et la période de rotation des étoiles correspondantes Prot. En se focalisant sur les rotateurs les moins rapides de l’échantillon de Wilson (1978), Noyes et al. (1984b) ont trouvé que Pcyc ∝ Protn avec n = 1 25 ± 0 5. Un peu plus tard, en utilisant un échantillon élargi comprenant les étoiles de Baliunas et al. (1995) et des étoiles variables, Saar & Brandenburg (1999) et Saar (2002) ont montré qu’il y avait en réalité deux branches pour les étoiles de type solaire : une branche d’étoiles “actives” pour laquelle n = 1 15 et une branche d’étoiles “inactives” pour lesquelles n = 0 8 (Fig. 1.19). La même dichotomie est présente si on considère le nombre de Rossby à la place de la période de rotation. Par ailleurs, Jouve et al. (2010) ont retrouvé ces relations par une modélisation de type Babcock-Leighton impliquant en particulier plusieurs cellules de circulation méridienne.
En revanche, la corrélation entre Prot et Pcyc cesse a priori dans le cas de taux de rotation élevés. Pizzolato et al. (2003) ont en effet noté une saturation de l’émission en X dans le cas de forts taux de rotation quels que soit la masse et le type spectral de l’étoile, la saturation se produisant à un taux d’autant plus bas que la masse de l’étoile est faible. Ces résultats ont été confirmés plus tard à la fois par des simulations numériques (Browning 2008) et par des observations (Reiners 2009).

Rotation différentielle

Enfin, plusieurs auteurs ont tenté de déterminer l’existence de liens entre la rotation différentielle et les paramètres fondamentaux ou l’activité magnétique des étoiles de type solaire. Si aucune corrélation n’a été mise en évidence entre rotation différentielle et âge ou rotation différentielle et masse (Reiners & Schmitt 2003), Barnes et al. (2005) ont avancé une diminution de la rotation différentielle pour des étoiles plus froides que le Soleil.
En outre, une augmentation de la rotation différentielle en fonction de la période de rotation a été mise en évidence à la fois par des observations (Saar 2009) et par des modèles numériques (par exemple Brown et al. 2008, Fig. 1.20). Cette dernière corrélation n’est toutefois pas étonnante puisque nous avons vu dans la section 1.3.2 que période de rotation et activité chromosphérique sont liées. Il semble également que les étoiles dont l’activité chromosphérique est la plus élevée (ie logRHK′ > 4 75) soient dans la majorité des cas en rotation quasi-solide (Henry et al. 1996).

Table des matières

Introduction 
1 Du champ magnétique solaire aux champs magnétiques des étoiles froides 
1.1 Observations du champ magnétique solaire
1.1.1 Le champ magnétique interne
1.1.2 La photosphère
1.1.3 La chromosphère
1.1.4 La couronne
1.1.5 Variations de l’activité et cycle solaire
1.2 Modéliser le champ magnétique solaire
1.2.1 Le problème de la dynamo
1.2.2 La dynamo solaire
1.2.3 Simulations numériques de dynamo
1.3 Le champ magnétique des étoiles froides
1.3.1 Etudes observationnelles
1.3.2 Dynamo des étoiles de type solaire
2 Mesures spectropolarimétriques : acquisition et techniques d’exploitation 
2.1 Effet Zeeman
2.2 Mesures spectropolarimétriques
2.2.1 Paramètres de Stokes
2.2.2 Instrumentation
2.2.3 Déconvolution par moindres carrés
2.3 Champ longitudinal
2.4 Imagerie-Zeeman Doppler
2.4.1 Reconstruction de la topologie magnétique de surface
2.4.2 Calcul des paramètres de rotation différentielle de surface
2.5 Elargissement des raies par effet Zeeman
2.6 Activité chromosphérique
2.6.1 Ca II H&K
2.6.2 Hα
2.7 Vitesses radiales
2.8 Asymétrie des raies
2.8.1 Bissecteurs
2.8.2 Velocity spans
2.9 Présentation de l’échantillon étudié
3 Evolution à court-terme 
3.1 Modulation rotationnelle
1.1 Variations des différents traceurs
3.1.2 Bissecteurs
3.2 Evolution rapide du champ à grande échelle de ξ Boo A
4 Evolution à long-terme et cycles magnétiques 
4.1 Un cycle sans renversement de polarité pour ξ Bootis A
4.1.1 Observations
4.1.2 Evolution temporelle du champ magnétique
4.1.3 Rotation différentielle
4.2 Les multiples renversements de polarité de HD 190771
4.2.1 Cartes magnétiques
4.2.2 Traceurs d’activité complémentaires
4.2.3 Présence d’un compagnon de faible masse
4.3 Le cycle court de HD 78366
4.3.1 Observation d’un cycle
4.3.2 Superposition de cycles
4.4 Caractéristiques des étoiles à comportements cycliques
5 Relations entre traceurs du champ magnétique et paramètres stellaires fondamentaux 
5.1 Activité chromosphérique
5.2 Champ longitudinal
5.3 Géométrie magnétique
5.4 Rotation différentielle
Conclusions et perspectives 
A Traceurs pour l’échantillon complet
Liste des figures
Liste des tables
Bibliographie 
Publications

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