LE PALUDISME
Le paludisme est une érythropathie fébrile due à un protozoaire du sang (hématozoaire) du genre Plasmodium, transmis par la piqûre infestante d’un vecteur hématophage, l’anophèle femelle. Sur plus d’une centaine d’espèces de plasmodium parasitant les mammifères, des rongeurs, des oiseaux ou même des batraciens, seules quatre sont spécifiques de l’homme et peuvent déclencher la maladie sous des formes plus ou moins graves. Ce sont : – Plasmodium falciparum, à l’origine de la fièvre tierce maligne (espèce prédominante et responsable de 90% de la mortalité due au paludisme) ; – Plasmodium vivax et Plasmodium ovale sont à l’origine de la fièvre tierce bénigne avec des rechutes jusqu’à 5 ans après la primo-infection – Plasmodium malaria, à l’origine de la fièvre quarte, peut provoquer des rechutes jusqu’à 20 ans après la primo-infection.
Avec 2,5 milliards de personnes exposées soit 40% de la population mondiale, 300 à 500 millions de malades dont 10 millions de cas graves, et 1,5 à 2,7 millions de décès par an, le paludisme est la plus importante parasitose dans le monde. Il constitue la première cause de mortalité et de morbidité en Afrique subsaharienne où environ 90% de ses victimes sont enregistrées, 10% en Asie et à l’Ouest de l’Océanie, et moins d’1% en Amérique.
Environ 110 millions d’Africains vivent dans des zones exposées au risque d’épidémie de paludisme, l’OMS estime que 803000 enfants de moins de 5 ans en Afrique subsaharienne sont morts du paludisme en 2000 et le nombre annuel de décès directement imputables aux paludisme est estimé entre 1,1 et 1,3 millions.
Selon le rapport de 2003 sur le paludisme en Afrique, le paludisme serait responsable de près de 20% de décès d’enfants de moins de 5 ans en Afrique et le nombre annuel de décès infantiles dû au paludisme se situe entre 75000 et 200000. Il serait également responsable de 25 à 40% de toutes les consultations externes et 20 à 50% des hospitalisations dans les pays endémiques.
Au Mali, le paludisme serait responsable de 14 à 20% de mortalité juvénoinfantile et 36% des fièvres chez les enfants de moins de 10 ans pendant la saison des pluies ainsi que 15% des hospitalisations des adultes [19]. L’espèce Plasmodium falciparum prédomine avec 85-90% de la formule parasitaire, suivie des espèces Plasmodium malaria (10 à 14%) ; Plasmodium ovale (1%), et un cas de Plasmodium vivax au Nord.
La transmission du paludisme
Il y a trois modes de transmission du paludisme : ● La transmission par piqûre d’un moustique femelle (anophèle). ● La transmission par transfusion sanguine ou par greffe d’organe. ● La transmission trans-placentaire de la mère à l’enfant.
Cycle évolutif du Plasmodium
Le cycle parasitaire est très complexe. Le parasite passe par différents stades où il change de morphologie. Le parasite a deux phases de reproduction qui sont (fig.2): – la phase asexuée (schizogonie) qui se passe chez l’homme.
– la phase sexuée (sporogonie) chez le moustique.
Chez l’homme
Après inoculation du sporozoite par le moustique lors d’un repas sanguin, la multiplication asexuée commence par la multiplication des mérozoïtes qui se divisent pour donner des schizontes dans le foie (hépatocytes) : c’est le stade exo-érythrocytaire. Cette phase est asymptomatique et correspond à la phase d’incubation (8-21 jours). Après le foie, le cycle continue dans le sang par la libération des mérozoïtes après éclatement des schizontes hépatiques. Les mérozoïtes venant du foie, attaquent les globules rouges en devenant des trophozoïtes qui utilisent l’hémoglobine pour s’accroître et se multiplier devenant ainsi des schizontes. Ces schizontes résultent des divisions nucléaires des trophozoïtes en formant des corps en rosace qui peuvent contenir 8 à 32 mérozoïtes. Les corps en rosace éclatent et libèrent dans le sang de nouveaux mérozoïtes qui sont capables d’envahir d’autres globules rouges ou de se différencier en gamétocytes mâles et femelles. Au moment du repas sanguin, le moustique ingère tous les éléments parasitaires qui sont tous digérés à l’exception des gamétocytes qui vont continuer le reste du cycle chez le moustique vecteur.
Chez le moustique
C’est la phase sexuée ou sporogonie. Les gamétocytes qui sont haploïdes vont se transformer en gamètes. La fusion des gamètes mâle et femelle donne naissance à un œuf diploïde. C’est à ce niveau que les chromosomes s’apparient et se croisent. Cet œuf va subir une division réductionnelle lors de la méiose pour donner naissance à un élément haploïde mobile appelé ookinète.L’ookinète traverse la muqueuse intestinale du moustique et s’enkyste dans la partie externe pour donner naissance à l’oocyste. Ces oocystes contiennent des sporozoites qui peuvent migrer vers les glandes salivaires. Lors d’un repas sanguin, ces sporozoites sont injectés chez un sujet sain. La sporogonie dure en moyenne 15 jours.
Physiopathologie du paludisme grave
Au niveau du SNC le plasmodium est à l’origine de complications redoutables dont le paludisme cérébral ou neuropaludisme. Celles-ci consistent en des thromboses capillaires responsables de lésions vasculaires et hémorragique, provoquant des altérations dégénératives des cellules nerveuses, entourées d’infiltrats cellulaires. Plusieurs théories sont invoquées pour expliquer ces phénomènes:
Des obstacles mécaniques sur la circulation micro-capillaire et veineuse à cause d’une déformabilité diminuée des érythrocytes parasités et de la formation de « rosettes » constituées d’un globule rouge parasité auquel adhèrent des érythrocytes normaux. Ces phénomènes causent une diminution du débit circulatoire et un coma métabolique réversible. Il a été rapporté récemment le rôle de polymorphisme du récepteur 1 du Complément (CR1) dans le phénomène d’adhésion entre les globules rouges aboutissant à la formation des rosettes. En effet, les globules rouges déficitaires en CR1 ne permettraient pas le phénomène de roseting au cours de l’infection par le Plasmodium.
Adhérence immunologique des globules rouges parasités à l’endothélium vasculaire post-capillaire causant des ralentissements circulatoires importants; cette adhérence serait sous la dépendance de certaines protéines de surface des globules rouges parasités visibles au microcope électronique (protubérances ou knobs), des lymphocytes T CD4+, de certaines cytokines en particulier du TNFα et des récepteurs endothéliaux du type ICAM-1 (Inter Cellular Adhesion Molecule-1). L’expression symptomatologique constituera en une hémiplégie ou des convulsions, des troubles de la thermorégulation avec hyperpyrexie, une altération progressive de la conscience. Durant la grossesse, l’accumulation des GR parasités qui adhèrent les un aux autres et qui sont détruits sur place, crée un appel de macrophages. Cet engorgement peut causer un blocage des espaces intervillositaires et une thrombose placentaire. Il y a une diminution des échanges entre la mère et le foetus. La diminution des échanges foeto-maternels est une des raisons pour lesquelles la chimioprophylaxie est préconisée chez la femme enceinte. Elle vise à prévenir les fortes parasitémies.