Dopage (Co/Fe) de nanoparticules de RuO2
Synthèses des nanoparticules
La première étape de la stratégie présentée en introduction consiste en la synthèse de nanoparticules (NPs) de RuO2, dopées au Cobalt ou Fer, ou non. Avant de présenter les travaux réalisés au cours de cette thèse, il est essentiel de présenter la multitude de travaux déjà effectués sur RuO2. Ainsi, ce chapitre commence par une présentation de l’état de l’art des propriétés de RuO2, puis des différentes approches de synthèses répertoriées dans la littérature. Enfin, nous résumerons comment différentes équipes travaillant sur RuO2 ont réussi à doper et caractériser cet oxyde. Cette introduction bibliographique sera suivie d’une présentation des résultats des trois voies de synthèses de RuO2 non dopé, et dopé au Cobalt ou au Fer utilisées pendant cette thèse, puis d’une comparaison entre ces différentes méthodes. I. Etat de l’art RuO2 est un oxyde aux multiples propriétés. C’est ce qui le rend si intéressant. De nombreuses études ont été menées sur cet oxyde dont l’intégralité ne peut être présentée ici. Cependant il est important de mettre en évidence l’ensemble des propriétés du Ruthénium et plus précisément de RuO2. Tout d’abord, les principales propriétés de Ru/RuO2 seront présentées puis les diverses méthodes de synthèse de RuO2 développées. Ensuite, nous décrirons comment ces méthodes peuvent influencer les propriétés en jouant, soit sur la taille et la morphologie du système, soit sur la composition chimique par l’intermédiaire de solution solide ou de dopage.
Les propriétés de Ru et RuO2
Le Ruthénium est connu pour être un catalyseur homogène majeur pour certaines réactions organiques.[1] Ru et RuO2 révèlent également une chimie de surface unique et complexe, qui les rend particulièrement efficaces pour la catalyse hétérogène, la catalyse électrochimique et aussi en tant que supercondensateur.[2–4] Enfin leurs propriétés remarquables de conductivité font de Ru et RuO2 d’excellents candidats dans le domaine des nanotechnologies.
Catalyse Les propriétés catalytiques de Ru et de RuO2 sont complémentaires
. En effet, le Ruthénium est très efficace pour l’hydrogénation de l’ammoniaque[5,6]ou l’hydrogénation des oléfines[7–9] En revanche RuO2 est un excellent catalyseur pour de nombreuses réactions d’oxydations dont celle du CO en CO2. [10–] CO est un gaz inodore, incolore mais particulièrement toxique pour les mammifères et pour l’environnement, c’est un agent réducteur très puissant. La surface de RuO2 est stable vis-à-vis de cette réduction jusqu’à 370 K mais, exposé au CO à 4 K, une réduction de la surface commence à se produire. Il est donc nécessaire d’être sous un flux de O2 et à une température comprise en entre 350 et 400 K afin 30 de protéger la surface de toute réduction.[] Le degré maximum de conversion de CO (80%) est observé pour un ratio CO/O2 = 2. (Figure 2 A). L’optimum de la vitesse de catalyse, TOF, est observé aussi pour une composition proche de la stoechiométrie à une pression p(CO) de 19 mbar d’après la Figure 2 B pour une pression p(O2)=9,1 mbar.[] Le plus actif des systèmes à base de Ruthénium pour l’oxydation du CO est constitué de NPs cœur-coquille de Ru recouvertes par une couche de RuO2 d’épaisseur de 1 à 2 nm [,] Figure 2 : A) Conversion du CO (en %) obtenue par oxydation de CO sur ,5 mg de RuO2 ; B) TOFs (Nombre de molécules de CO2 formées par site de Ru et par seconde) mesurés pour l’oxydation du CO à trois températures en fonction de la pression partielle en CO (P(O2)=9,1 mbar°).[] RuO2 catalyse de nombreuses autres réactions notamment d’oxydations, comme celle du méthanol[,] de NH3 [] ou de HCl en Cl2. [,19] Cette dernière est connue sous le terme du procédé Deacon lorsqu’elle se fait par catalyse hétérogène. Le procédé Deacon a été découvert il y a 0 ans, mais présente comme inconvénients majeurs l’instabilité du catalyseur et sa faible activité catalytique. De nombreux métaux ont été essayés tels que Cr, Cu, Fe, Mn et Ni. Ce sont toutefois les catalyseurs à base de Ruthénium, et plus précisément RuO2, qui montrent l’une des activités catalytiques les plus importantes. Cette activité dépend particulièrement du support sur lequel sont déposées les NPs de RuO2. RuO2/TiO2-rutile, système développé industriellement par Sumimoto, montre l’activité la plus élevée. (Figure 3). La stabilité de ce catalyseur est due à la forte interaction entre RuO2 et son support TiO2, tous deux de structure rutile.[] Figure 3 : Activité relative des catalyseurs à base de Ruthénium pour l’oxydation de HCl[] 31 RuO2 catalyse aussi l’oxydation de plus grosses molécules. Par exemple, lorsqu’il est supporté sur alumine, RuO2 oxyde des amines secondaires et primaires pour former des nitriles et des imines.[20] Déposé de nouveau sur TiO2, RuO2 permet la dégradation de VOC (Volatil Organic Compound). Sassoye et al. ont mis en évidence l’oxydation totale du propane en CO2 par RuO2/TiO2. [21] La dégradation du propane commence à basse température dès 0 °C et sa conversion complète en CO2 à 450 °C, sans trace de formation de CO. (Figure 4) Cette étude montre ainsi que RuO2 est un catalyseur à haute activité catalytique, efficace à faible température et sélectif. Figure 4 : Oxydation du propane. Les formes pleines correspondent à la conversion du propane, les formes vides, à la sélectivité. Rouge : RuO2/TiO2 Bleu : RuO2/TiO2 calciné Jaune : V2O5/TiO2 vert : TiO2.. [21] L’oxyde de Ruthénium possède donc des propriétés de catalyse hétérogène remarquables. Ce n’est cependant pas le seul domaine dans lequel RuO2 excelle. Il est recherché pour ces propriétés électro-catalytiques ainsi que pour ces propriétés de conduction.
Electrochimie
Une des réactions électrocatalytiques majeures qui impliquent l’utilisation de RuO2 électrocatalyse est l’oxydation de HCl. Le procédé Deacon présentant de nombreux inconvénients, il a été développé en parallèle une méthode électrochimique pour produire Cl2. Cette réaction forme, à partir de saumure, Cl2 et NaOH, grâce au procédé DSA (Dimensionally Stable Anode).[3] Les réactions de l’électrolyse peuvent être résumées ainsi : La réaction à la cathode correspond à la réaction HER. (Hydrogen Evolution Reaction), pour laquelle RuO2 présente une très bonne activité catalytique bien qu’elle soit plus faible que celle du Pt pour cette réaction. Toutefois, contrairement au Pt très sensible à l’empoisonnement 32 de sa surface, la surface de RuO2 présente l’avantage d’être insensible à l’empoisonnement par les métaux lourds.[22] À l’anode il s’agit de l’oxydation de HCl, encore dite la réaction de CER (Chlore Evolution Reaction). Le potentiel d’équilibre de cette réaction dans les conditions standard est de 1,36 eV vs ESH (Electrode Standard à Hydrogène) à température ambiante. Alors que le potentiel d’oxydation d’O2 (OER) est de 1,23 eV vs ESH. C’est pourquoi cette réaction est si difficile à mettre en place, il y a un problème de sélectivité des réactions, la réaction d’OER ayant lieu à plus bas potentiel que celle de CER. Cependant il existe quelques matériaux, comme le plus connu et efficace le RuO2, qui permettent de supprimer efficacement le problème de la sélectivité avec l’OER. À la surface de RuO2, à bas pH, la surtension pour la réaction d’OER est supérieure à celle pour la CER. Il y aura donc une sélectivité très élevée pour la réaction de CER.[3] Ainsi, RuO2 électrocatalyse la réaction de CER, cependant à très haut potentiel il n’est pas très stable. Il est possible de synthétiser une solution solide RuO2-TiO2 rutile (30 %-70 %), déposée sur un substrat de Ti. La présence de 70 % de TiO2 ne modifie pas les propriétés catalytiques de RuO2 mais augmente sa sélectivité et sa stabilité à haut potentiel.[23,24] C’est l’électrode utilisée pour le procédé DSA. Ce procédé représente une des plus grandes applications industrielles électrochimiques avec une production de 50 Millions de tonnes/an de Cl2. [3] RuO2 a donc une place très importante dans l’industrie et l’électrocatalyse. Il est efficace pour la catalyse de l’HER et de la CER, et comme mentionné plus tôt, il est aussi actif pour l’OER.[3,25,26] La grande difficulté liée à cette dernière réaction est de développer un électrocatalyseur stable dans la région de potentiel où l’OER a lieu. Aucun métal n’est thermodynamiquement stable à ces potentiels, auxquels ils se dégradent ou se passivent. La conductivité électronique et la passivation du matériau utilisé pour l’OER sont donc des paramètres cruciaux dans le choix de l’électrode. Un groupe de métaux particulièrement stables est celui du Pt (Pt, Ir, Os, Pd, Rh et Ru). La stabilité de ces métaux en fonction du potentiel appliqué est représenté en Figure 5. Les régions en bleu représentent les zones où le matériau possède une conductivité métallique. Les barres pleines en rouge indiquent le potentiel auquel démarre l’OER sur chaque métal avec une densité de courant de 1 mA/cm². À partir de ce diagramme, il est clair que seul IrO2 et RuO2 sont conducteurs et stables aux potentiels de l’OER. Ces deux oxydes peuvent donc catalyser la réaction. On peut noter que la stabilité d’IrO2 est plus grande, cependant RuO2 est un des électrocatalyseurs les plus actifs à bas potentiel
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