Diversité et structure génétique des populations de la cécidomyie des fleurs du manguier

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Détection et déplacement vers la ressource

La spécialisation des insectes implique une capacité de reconnaissance de leur plante-hôte, voire de l’organe de cette plante-hôte (Masante-Roca et al. 2007). La sélection de la plante-hôte peut être divisée en deux phases consécutives : la recherche puis l’acceptation (Finch & Collier 2000). Cette deuxième phase fait appel à des mécanismes sensoriels spécifiques afin de reconnaitre une plante-hôte et sa qualité. Ces mécanismes ne seront pas abordés ici. Nous nous concentrerons sur la recherche de la plante-hôte.
La stratégie de recherche peut être aléatoire ou bien dirigée par des signaux olfactifs ou visuels provenant des plantes elles-mêmes. La modélisation des comportements de recherche montre que les mouvements aléatoires peuvent être un facteur important pour déterminer le succès de cette recherche (Morris & Kareiva 1991). Toutefois, la recherche dirigée est souvent vue comme une adaptation qui augmente l’efficacité de la recherche et qui produit un meilleur rendement par unité de temps et d’énergie investie (Schoonhoven et al. 2005).
Un insecte recherchant sa plante-hôte en conditions naturelles est soumis à une multitude de stimuli, qui sont distribués de manière hétérogène. Quantifier expérimentalement l’importance relative des stimuli visuels ou olfactifs est souvent difficile dans ces conditions (Finch & Collier 2000).

Adaptations et spéciations

Les relations entre un insecte et une plante peuvent être modifiées aussi bien par des facteurs abiotiques comme le climat que par des facteurs biotiques propres aux insectes ou aux plantes. L’adaptation des insectes à de nouvelles conditions de vie ou à de nouvelles contraintes peut être très rapide, comme l’illustre le développement des résistances aux insecticides (Anstead et al. 2007; Denholm et al. 2002). Ces adaptations peuvent être à l’origine de spéciation en limitant les flux géniques entre populations. Quelques-uns des nombreux mécanismes mutationnels, écologiques et évolutionnaires de spéciation sont présentés dans la synthèse de Loxdale (2010). Quatre principaux facteurs de spéciation sont présentés ici : (i) l’isolement spatial, (ii) les barrières comportementales, (iii) l’allochronie dans les cycles de vie et (iv) les barrières à l’hybridation. Premièrement, l’isolement spatial est le facteur de spéciation le mieux documenté et qui peut être mis en évidence par de nombreuses méthodes basées sur l’étude du polymorphisme de marqueurs moléculaires (microsatellites, RAPD, RFLP) (Roderick 1996). Les barrières physiques, comme des hauts sommets ou des étendues marines, séparent les différentes populations et interrompent les flux géniques entre elles. Différentes pressions de sélection (nouvel hôte, conditions climatiques…), différentes mutations au sein de chaque population et les effets de la dérive génétique entraineront une différenciation des populations. Par exemple, deux espèces de chrysomèles Oreina cacaliae Schrank et O. speciosissima Scopoli (Coleoptera : Chrysomelidae) montrent des différences génétiques importantes entre des populations distantes de 40 à 250 km dans les Alpes (Rowellrahier 1992). L’efficacité de ces barrières dépend fortement de la capacité de dispersion des espèces. Ainsi, chez les espèces à faible capacité de dispersion, des différences peuvent apparaitre à des échelles fines comme des arbres voisins (Mopper 1996).
Deuxièmement, les comportements alimentaires ou reproducteurs permettent d’observer des cas de spéciation sympatrique, c’est-à-dire sans isolement géographique. La mouche de la pomme, Rhagoletis pomonella (Walsh) (Diptera : Tephritidae), est attirée par des composés volatiles des pommes tandis qu’une espèce jumelle R. mendax (Curran) est attirée par ceux des myrtilles (Frey & Bush 1990). Ces deux espèces s’hybrident en laboratoire mais des analyses génétiques en milieu naturel montrent qu’il n’y a pas d’échange entre ces deux espèces car les accouplements ont lieu uniquement sur leurs fruits-hôtes respectifs (Feder et al. 1990a, b). Les interactions entre un insecte et ses plantes-hôtes sont aussi une source de divergence. Les insectes peuvent manipuler la « chimie » de leur plante hôte à leur profit. Deux populations sympatriques de la guêpe à galle, Antistrophus rufus Gillette (Hymenoptera : Cynipidae), colonisent deux espèces différentes d’Astéracées. Les plantes porteuses de galles induites par A. rufus émettent des composés volatiles qui attirent préférentiellement les mâles issus de la même espèce de plante-hôte. Un isolement reproductif est ainsi créé entre les deux populations en fonction de la plante-hôte (Tooker et al. 2002).
Troisièmement, le décalage temporel des cycles de vie de l’insecte sur différentes plantes-hôtes (ou différents organes d’une plante-hôte) est une autre source de spéciation. Une étude de Lin & Wood (2002) sur le complexe d’espèces de Enchenopa binotata (Say) (Homoptera : Membracidae) a montré qu’un changement de plante hôte avait perturbé les cycles de vie des différentes espèces de ce complexe. Les accouplements des différentes espèces se déroulent de manière décalée dans le temps en fonction de la plante-hôte. Ainsi, les croisements ont été évités ce qui a favorisé leur spéciation en sympatrie.
Quatrièmement, les endosymbiotes peuvent créer des barrières à l’hybridation comme observées chez Bemisia tabaci (Gennadius) (Hemiptera : Aleyrodidae) à la Réunion (Thierry et al. 2011). Chez les insectes, la bactérie Wolbachia sp. est largement répandue (Hilgenboecker et al. 2008). Transmise verticalement par les femelles à leur descendance, elle participe aux phénomènes d’isolement post-zygotique à travers différents mécanismes d’action selon les espèces : féminisation, élimination des mâles (male-killing), incompatibilité cytoplasmique, etc. (Charlat et al. 2003).
Par ailleurs, il existe une variabilité intrinsèque des tissus des plantes-hôtes. Cette variabilité peut être due aux nutriments disponibles et à la composition du sol, aux microclimats, aux différences individuelles entre les plantes, à l’induction de réponses spécifiques suite à une exposition à des conditions abiotiques particulières ou à des dégâts de phytophages par exemple, et/ou à l’interaction de tous ces facteurs (Scriber 2002). Cette variabilité entre plantes d’une même espèce peut être à l’origine de populations d’insectes propres à chaque plante (individu). On parle alors de ‘deme’ (Mopper 1996).
Les successions d’adaptations sont à l’origine de l’hypothèse de la co-évolution qui a été proposée par Ehrlich & Raven (1964) suite à l’étude de la diversité des papillons et de leurs plantes-hôtes.

L’importance de la synchronisation

La synchronisation du cycle de vie de l’insecte et de celui de sa plante-hôte est cruciale. Elle détermine la quantité et la qualité de la ressource disponible pour les insectes. Dans les habitats tempérés ou avec des saisons marquées, les espèces doivent synchroniser précisément leur émergence avec le cycle de leur plante-hôte pour disposer de tissus végétaux adéquats pour leur reproduction ou leur alimentation. Au contraire, dans les régions chaudes et humides des tropiques, de nombreuses espèces produisent des générations en continu, comme le papillon monarque (Knight & Brower 2009). La synchronisation influence plusieurs aspects de la relation plante-insecte. Une mauvaise synchronisation peut entrainer une compétition inter-spécifique avec un autre insecte exploitant la même ressource, ce qui peut réduire l’avantage compétitif de l’une ou des deux espèces (Denno et al. 1995). Ainsi, la quantité et la qualité de la ressource modifie la dynamique, la densité mais aussi le risque de prédation ou de parasitisme des populations d’insectes.
Shibata (2001) a montré que les populations d’un hyménoptère induisant des galles dans les feuilles de bambou peuvent fortement se réduire si les dates d’émergence des insectes et de débourrement des jeunes pousses de bambous ne coïncident pas. Les femelles ont alors plus de difficulté à trouver les sites de pontes les plus favorables (avec une meilleure valeur nutritive) c’est-à-dire les jeunes pousses de bambous. La vitesse de développement des chenilles et la masse des chrysalides de Operophtera brumata L. (Lepidoptera : Geometridae) est d’autant meilleure que leur émergence coïncide parfaitement avec l’apparition des nouvelles feuilles du chêne Quercus robur L., moins concentrées en tannins que les feuilles plus âgées (Feeny 1968). L’effet ‘bottom-up’ (des plantes sur les insectes) est essentiel dans ce type de relations (Price & Martinsen 1994). L’effet ‘top-down’ (des ennemis naturels sur les insectes) peut aussi jouer un rôle majeur sur la dynamique des populations. Chez certains papillons nocturnes, les ennemis naturels diminuent le taux de survie des premières populations émergées (Hunter & Elkinton 2000). Les premières populations d’un thrips invasif en Amérique du Nord, Thrips calcaratus Uzel (Thysanoptera : Thripidae), explosent du fait qu’elles ne sont pas soumises à la prédation. L’émergence des prédateurs de thrips de cette zone colonisée est plus tardive que celle des prédateurs de sa zone d’origine (Werner et al. 2006).
Les conditions naturelles jouent un rôle prépondérant sur la synchronisation et les dynamiques des populations des insectes et des plantes (Singer & Parmesan 2010). L’augmentation des températures liée au réchauffement climatique est une source importante de désynchronisation et/ou de modification des cycles de vie (Ellwood et al. 2012). Chez les espèces spécialistes, comme chez le coléoptère Dendroctonus ponderosae Hopkins (Coleoptera : Scolytidae), ces changements peuvent se traduire par l’avancement de la saison de vol d’un mois et par la réalisation, chez certaines populations, de deux générations par an au lieu d’une seule (Mitton & Ferrenberg 2012).
En milieu tempéré, l’hiver, en plus d’être synonyme de basses températures, se caractérise par l’absence de croissance végétative. Les faibles températures et l’absence de ressources alimentaires rendent les conditions de vie des insectes phytophages impossibles. Les insectes adoptent alors diverses stratégies (Danks 2007). Ils peuvent mettre en place un long cycle de vie avec un développement larvaire lent ou une prolongation de la vie de l’adulte avec plusieurs périodes de reproduction (Saulich 2010). Le changement de plante-hôte peut être une autre possibilité dans les milieux où la survie des insectes est possible à un stade actif. Toutefois, les deux stratégies principales pour contourner une saison défavorable  sont la migration (évitement spatial) et la dormance (évitement temporel) (Roberts 1978). Certaines espèces mettent en place ces deux mécanismes en fonction des populations et de leur habitat comme le papillon monarque (Knight & Brower 2009) ou au cours de leur vie comme certains cafards (Tanaka & Zhu 2003). Les stratégies mises en place doivent permettre la survie de l’espèce et assurer une réapparition des insectes synchronisée avec celle de leur plante-hôte. Dans les cas où les adultes ont une courte durée de vie, les œufs et les stades larvaires sont au cœur de ces stratégies de survie. Les individus doivent anticiper le manque de ressource et les conditions de vie difficiles et développer une forme résistante avec des besoins énergétiques très faibles (vie ralentie).

La diapause, une stratégie majeure de survie dans le temps

L’une des alternatives des insectes pour survivre à l’absence de ressource sont les arrêts de développement tels que la diapause ou la quiescence. La définition de ces termes pouvant varier entre les auteurs (Kostal 2006), nous allons préalablement préciser la signification que nous utiliserons.
Selon Danks (1987) et Denlinger (1986, 2002), la dormance est le terme le plus général sous lequel sont désignés tous les arrêts de développement, en particulier chez les insectes. La quiescence est une réponse immédiate et directe à l’action d’un ou plusieurs facteurs environnementaux. Ce ou ces facteurs contrôlent l’entrée et la levée de la quiescence. Par contre, la diapause est une interruption qui dévie le métabolisme continu de l’insecte vers un métabolisme d’arrêt spécifique qui précède l’arrivée de conditions défavorables. Ainsi, la diapause est un arrêt programmé en amont du stade où elle est observée. Elle est liée à des mécanismes physiologiques et génétiques.
La diapause, au sens large, se divise en trois phases : (i) la pré-diapause (ii) la diapause proprement dite, et (iii) la post-diapause (Figure 1). De nombreuses études ont été conduites sur ces différentes phases avec, en conséquence, l’apparition d’un vocabulaire riche pour désigner un même état. Danks (1987) et plus récemment Kostal (2006) proposent une synthèse de ce vocabulaire. Premièrement, la phase (ou période) de pré-diapause assure l’induction pendant le stade sensible de l’insecte et la préparation de la diapause (comportement spécifique, constitution de réserves). Deuxièmement, l’entrée en diapause au sens strict a lieu durant le stade réactif. Un développement endogène se met alors en place permettant l’évolution ou la maturation de diapause jusqu’à restaurer la capacité de l’insecte à répondre aux conditions environnementales. Même si les conditions environnementales sont favorables au développement, les individus entrés en diapause restent dans cet état de vie ralentie. Des processus endogènes et/ou des facteurs environnementaux maintiennent cet état (métabolisme ralentie) mais ils participent à sa lente évolution. La levée de diapause est assurée par des conditions environnementales spécifiques qui terminent la maturation de la diapause et permet de synchroniser l’état physiologique des individus au sein d’une population. Troisièmement et dernièrement, la phase post-diapause est comparable à une quiescence. L’individu attend le retour des conditions favorables, telles qu’un seuil de température, pour retrouver une activité normale. D’autres termes plus spécifiques sont aussi employés comme l’aestivation pour une diapause en saison chaude et la pluviation pour une diapause en saison humide.
Généralement, un seul stade peut entrer en diapause pour une espèce donnée. Denlinger (1986) indique que pour 73 espèces tropicales, les stades avec diapause sont dans 7% des cas des œufs, 30% des larves, 32% des nymphes, 31% des adultes. Il existe des exemples de diapause pour tous les stades larvaires mais avec toujours un stade spécifique par espèce. Par ailleurs, la sensibilité aux signaux inducteurs de la diapause augmente en se rapprochant du stade entrant en diapause. En général, la sensibilité est maximale un stade ou deux avant celui entrant en diapause comme chez le papillon Helicoverpa armigera (Hübner) (Lepidoptera : Noctuidae) (Kurban et al. 2007). Des exceptions peuvent exister en particulier chez des espèces se nourrissant à l’intérieur de fruits ou des tissus végétaux. Seuls les œufs et les premiers stades larvaires de Grapholita molesta (Busck) (Lepidoptera : Tortricidae), dont les larves pénètrent dans les tissus de sa plante-hôte, sont réceptifs aux stimuli lumineux inducteurs de diapause (Sausen et al. 2011). Enfin, la diapause peut aussi être modifiée par la (ou les) générations précédentes (effet parental), comme c’est le cas chez plusieurs espèces du genre Trichogramma (Hymenoptera : Trichogrammatidae) (Reznik et al. 2012).
Enfin, la diapause est un mécanisme intéressant pour résister aux conditions extrêmes. Certaines adaptations physiologiques et/ou comportementales spécifiques augmentent cette résistance. Chez le doryphore, le ralentissement du métabolisme et l’enfouissement dans le sol assurent un meilleur taux de survie hivernale (Piiroinen et al. 2011). Une autre adaptation physiologique est une meilleure résistance à la dessiccation et au froid (Rinehart et al. 2006), etc. Les individus en diapause sont également moins sensibles aux conditions anaérobies, aux poisons respiratoires et insecticides grâce à leur métabolisme ralenti. Cependant, la diapause augmente la vulnérabilité des insectes aux parasitoïdes, prédateurs et pathogènes de par l’immobilisation des individus (Danks 1987).

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L’induction de la diapause

L’induction est un processus dynamique durant lequel interviennent des signaux environnementaux biotiques et abiotiques (Danks 1987).
Les deux principaux facteurs abiotiques participant à l’induction de la diapause sont la photopériode et la température. La photopériode est le facteur cyclique le plus fiable pour définir la saison actuelle et future. Une différence de photopériode de 10 min peut être suffisante pour déclencher une réponse (He et al. 2009). Le signal dépend de nombreux facteurs propres à l’insecte. La longueur du jour (photophase) ou de la nuit (scotophase) peut agir en valeur absolue (minutes) ou dynamique (jour de plus en plus court) (Saunders 2011, 2012, 2013). La température apparait moins fiable pour définir à elle seule la saison. Elle peut être modifiée fortement selon les conditions (position à l’ombre ou au soleil). Le coléoptère, Epicauta gorhami Marseul (Coleoptera : Meloidae), entre en diapause à des températures supérieures à 27,5°C quelle que soit la photopériode (Shintani et al. 2011). Les variations de température entre le jour et la nuit peuvent aussi être un facteur d’induction comme chez H. armigera (Mironidis & Savopoulou-Soultani 2012). La combinaison de la photopériode et de la température dans l’induction de diapause est également possible. Ainsi, Xiao et al. (2010) montrent que le taux d’induction de la diapause du papillon Chilo suppressalis (Walker) (Lepidoptera : Crambidae) est supérieur pour des scotophases1 de 11 à 16h combinées avec une température de 28°C. L’humidité et les pluies sont globalement des caractéristiques saisonnières qui peuvent être identifiées aux basses latitudes où la saison des pluies et la saison sèche sont très marquées. Ces composantes sont quelquefois mentionnées comme un facteur d’induction (Vinod & Sabu 2010).
Les principaux signaux biotiques participant à l’induction de la diapause sont le régime alimentaire et la composition chimique de la plante-hôte. La ressource a des effets directs sur la croissance et le développement des individus en fonction de sa qualité nutritionnelle (Hunter & McNeil 1997). La composition chimique des plantes-hôtes peut varier au cours du temps et préfigurer la saison à venir. Ainsi, l’augmentation de certains composés dans les végétaux (lipides, protéines) (Danks 1987) ou la baisse de la qualité de la plante (tendreté, azote, eau) (Ishihara & Ohgushi 2006; Takagi & Miyashita 2008) peuvent être des signaux d’induction de la diapause.
Ces facteurs biotiques ou abiotiques peuvent intervenir seuls pour induire la diapause, mais généralement ils agissent en interaction. Toutefois, plusieurs populations au sein d’une même espèce peuvent réagir à des conditions qui leur sont spécifiques (Burke et al. 2005; Rajon et al. 2009; Xia et al. 2012). Chez les populations du papillon Sericinus montelus Gray (Lepidoptera : Papilionidae), la durée de photophase critique à partir de laquelle la diapause est induite est positivement corrélée avec la latitude et elle augmente d’environ une heure pour chaque 6,67 degrés de latitude en direction du nord (Wang et al. 2012).

Levée de diapause

La température est un facteur fréquent de levée de diapause (Hodek, 2002, Kostal 2006). Chez les espèces de milieu tempéré, un passage au froid favorise la levée de diapause comme chez le papillon Loxostege sticticalis L. (Lepidoptera: Pyralidae) (Jiang et al. 2010). La photopériode peut aussi intervenir entre autres lors de diapause estivale (Masaki 1980). Une étude sur le papillon Anarsia lineatella (Zeller) (Lepidoptera : Gelechiidae) a aussi mis en évidence que les jours longs favorisaient la levée de diapause (Damos & Savopoulou-Soultani 2010). Cette même étude met aussi en avant que la sensibilité à la photopériode des individus en diapause diminue avec l’avancée de la diapause, comme mentionné précédemment par Tauber & Tauber (1976). La levée de diapause peut être aussi modifiée par l’interaction entre la photopériode et la température (He & Wang 2012; Roux et al. 1997). L’humidité est un autre facteur de levée de diapause (Hodek 2003). Les périodes de sècheresse et de pluies jouent directement sur la croissance des végétaux. Par conséquent, une augmentation de l’humidité est un bon marqueur de la disponibilité prochaine de ressources végétales (Hodek 2003; Tauber et al. 1998).

Les différents types de diapause

Il est difficile de faire une seule typologie des diapauses en raison de la complexité et de la variété des stratégies observées.
On parle de diapause facultative quand le déclenchement de la diapause est optionnel, dépendant de facteurs environnementaux, par opposition à la diapause obligatoire qui est une composante fixe du programme de développement de l’insecte et pour laquelle il n’y a pas besoin de signaux inducteurs (Denlinger 2002; Kostál 2011). La diapause obligatoire est moins fréquente que la diapause facultative (Kostál 2011). La diapause facultative permet aux insectes d’augmenter significativement leur fitness quand les conditions sont favorables ou d’entrer en diapause quand les conditions sont défavorables (Hunter & McNeil 1997). La stratégie de diapause facultative est souvent décrite pour des espèces évoluant dans des habitats aux saisons peu prévisibles, et elle semble être un point commun des insectes vivant dans des environnements qui favorisent le multivoltinisme (Hunter & McNeil 1997)
En fonction de leur durée, les diapauses peuvent être classées en quatre types. La simple diapause dure seulement une « mauvaise saison » : dès le retour des conditions favorables, l’ensemble des individus émergent (Mahdjoub & Menu 2008; Roux et al. 1997). Les diapauses d’une durée supérieure à un an sont regroupées sous le terme « diapause prolongée ». On distingue la fixed prolonged diapause pour laquelle plusieurs génotypes ont une « durée de diapause fixe » existent c’est-à-dire que pour une même population, il existe plusieurs génotypes, chacun déterminant la durée de la diapause (un, deux, trois ans…) (Menu 1993). Le troisième type de diapause est la risk-spreading diapause (ou bet-hedging). Cette notion a été développée à l’origine pour les plantes annuelles (Cohen 1966). Elle suppose que tous les individus n’émergent pas lors de la 1ère année, c’est-à-dire lors de la première apparition des conditions favorables mais émergent lors d’une année ultérieure, lors du retour pour la nième fois de ces mêmes conditions favorables. La durée de la diapause n’est pas fixée par un génotype. Chez les insectes, ce type de diapause est observé chez le balanin des châtaignes Curculio elephas (Gyllenhal) (Soula & Menu 2003). Quatrièmement, pour la predictive diapause, la durée de la diapause dépend de signaux perçus avant l’entrée en diapause tels que la présence de composés chimiques de la plante-hôte ou le stress hydrique de la plante. Ces signaux permettent à l’individu d’anticiper l’état de la ressource (plante-hôte) dans le futur. Le pourcentage de larves entrant en diapause prolongée de Lasiomma melania Ackland (Diptera : Anthomyiidae) et de Megastigmus spermotrophus Wachtl (Hymenoptera: Torymidae) est inversement relié à la quantité de ressource disponible l’année suivante (Roques 1989; Roux et al. 1997).
Par ailleurs, les diapauses prolongées (d’une durée supérieure à une année) sont des phénomènes répandus (Hanski 1988) en particulier chez les espèces vivant dans des milieux où la saison favorable au développement est courte et imprévisible, chez les espèces subtropicales avec des saisons liées à des pluies imprévisibles, chez les espèces associées aux fleurs, aux graines et fruits d’une plante-hôte dont ces états ne sont pas d’une abondance régulière d’une année sur l’autre. La durée de la diapause peut varier en fonction de l’imprévisibilité du milieu (Menu & Debouzie 1993). Par ailleurs, elle peut influencer la capacité invasive des espèces (Mahdjoub & Menu 2008). L’hétérogénéité des réponses (dépendantes de facteurs environnementaux ou stochastiques) est importante, particulièrement dans les environnements peu prévisibles.

Les cécidomyies, une famille liée aux plantes

D’après Gagné (2010), les Cecidomyiidae forment la plus importante famille de l’ordre des Diptères, avec plus de 6100 espèces. Elle appartient au sous-ordre des Nematocères et existe depuis au moins le Jurassique. Elle a connu une diversification importante au Crétacé, concomitante de l’apparition des plantes à fleurs. Les cécidomyies sont présentes dans le monde entier. Leur nom anglais gall midge se rapporte à la faculté de nombreuses espèces d’induire des galles sur les végétaux attaqués. Cette famille constitue d’ailleurs le plus grand groupe d’insectes gallicoles. Environ 70% des espèces de cette famille induisent des galles. La plupart sont sténophages, quelques espèces seulement sont connues pour utiliser en même temps ou au cours de leur cycle des plantes pouvant appartenir à différentes espèces. Enfin, cette famille comprend également des espèces mycophages, prédatrices ou phytophages sans induction de galles. En raison de leur diversité et de leur longue évolution avec les plantes, les Cecidomyiidae apparaissent comme une famille particulièrement intéressante pour l’étude des relations entre les insectes et les plantes.
Les Cecidomyiidae sont divisées en cinq sous-familles (Gagné 2010). Les Cecidomyiinae constituent la sous-famille la plus récente, la plus importante et la plus diversifiée, avec plus de 4700 espèces décrites. C’est un groupe monophylétique qui est divisé en quatre super-tribus. Les Stomatosematidi et les Brachineuridi regroupent peu d’espèces et leur biologie est peu connue. Les Cecidomyiidi et les Lasiopteridi sont les mieux connues et les plus diversifiées. Ces deux tribus regroupent entre autres les espèces phytophages.

Biologie

D’après Gagné (1994), les femelles émergent généralement avec leurs œufs pleinement matures et s’accouplent directement avec les mâles qui les attendent sur la plante-hôte ou sur le sol. La durée de vie des adultes est de seulement quelques jours. Le sex ratio parmi les adultes émergeants est souvent déséquilibré en faveur des femelles. La monogénie est présente chez certaines espèces, c’est-à-dire que toute la progéniture d’une femelle est soit mâle, soit femelle (Tabadkani et al. 2011). Les femelles non fécondées attirent les mâles grâce à des phéromones sexuelles qui ont été identifiées et synthétisées chez la cécidomyie du pois, Contarinia pisi (Winnertz) (Hillbur et al. 1999; Hillbur et al. 2000). Les femelles fécondées recherchent immédiatement la plante-hôte pour commencer l’oviposition (Gagné 1994). Leur dispersion est fortement influencée par le vent (Kolesik 2000; Sylvén 1970). Mais elles sont aussi guidées par des composés émis par les plantes-hôtes, comme dans le cas de la cécidomyie des feuilles du manguier, Procontarinia matteiana Kieffer & Cecconi (Augustyn et al. 2010a; Augustyn et al. 2010b). Le choix des sites de ponte et le nombre d’œufs pondus peuvent être influencés par les substances volatiles émises par la plante-hôte (Gharalari et al. 2011). Chez la plupart des cécidomyies phytophages, les œufs sont pondus en surface des plantes ou entre les écailles des bourgeons ou sur les feuilles. Selon les espèces, les œufs sont pondus soit individuellement soit en groupe (Tabuchi & Amano 2006). Certaines espèces pondent leurs œufs à la surface des plantes. Les larves du premier stade rampent alors jusqu’à un site adéquat d’alimentation (à la surface ou à l’intérieur des tissus végétaux). Les larves issues d’œufs pondus dans les tissus peuvent directement commencer à se nourrir. Selon les espèces, les larves peuvent soit vivre librement à la surface les tissus végétaux (sans former de galles), soit vivre à l’intérieur des tissus végétaux en formant des galles dans la plupart des cas. A la fin de la phase d’alimentation, certaines des espèces de cécidomyies gallicoles restent dans la plante-hôte, mais d’autres se forcent un passage jusqu’à l’extérieur de la galle pour rejoindre le sol (Gagné 1994). Une fois au sol, les larves se déplacent jusqu’à un site adapté en rampant, sautant ou creusant le sol. La pupaison au sol est un caractère ancestral et les larves de ces espèces ont toujours une spatula2. La pupaison achevée à l’intérieur d’un cocon, l’adulte remonte jusqu’à la surface du sol.

Table des matières

Introduction
Chapitre I Synthèse bibliographique
I.1. Les relations entre les insectes et leurs ressources
I.1.1. Les plantes, une ressource hétérogène dans le temps et dans l’espace
I.1.2. Détection et déplacement vers la ressource
I.1.3. Adaptations et spéciations
I.1.4. L’importance de la synchronisation
I.2. La diapause, une stratégie majeure de survie dans le temps
I.2.1. L’induction de la diapause
I.2.2. Levée de diapause
I.2.3. Les différents types de diapause
I.3. Les cécidomyies, une famille liée aux plantes
I.3.1. Biologie
I.3.1. Les galles, une caractéristique des cécidomyies
I.3.2. La synchronisation des cycles de vie
I.3.3. La diapause chez les cécidomyies
I.3.4. Espèces d’importance économique agricole et méthodes de lutte
Références bibliographiques
Chapitre II Contexte et modèle d’étude
II.1. La Réunion, une ile subtropicale aux conditions très variées
II.2. Le manguier, un fruitier d’importance mondiale en zone tropicale
II.2.1. Origine, sélection et diffusion
II.2.2. Production mondiale
II.2.3. Cycle phénologique
II.2.4. Le manguier à la Réunion
II.2.5. Les ravageurs du manguier à la Réunion
II.3. Cécidomyies du manguier
II.3.1. Généralités
II.3.2. Procontarinia mangiferae
Références bibliographiques
Chapitre III Diversité et structure génétique des populations de la cécidomyie des fleurs du manguier
III.1. Développement de marqueurs moléculaires : les microsatellites
ARTICLE A: Isolation and characterization of microsatellite markers from Procontarinia mangiferae (Felt).
III.2. Diversité et structure génétique des populations de P. mangiferae à l’ile de la Réunion
ARTICLE B: Invasive mango blossom gall midge, Procontarinia mangiferae (Felt) (Diptera: Cecidomyiidae) in Reunion Island: ecological plasticity, permanent and structured populations.
III.3. Conclusion du chapitre
Références bibliographiques
Chapitre IV Diapause de la cécidomyie des fleurs du manguier
IV.1. Présentation
ARTICLE C: Diapause of the mango blossom gall midge, Procontarinia mangiferae (Felt) in Reunion Island
Abstract
Introduction
Materials and methods
Results
Discussion
Supplementary data
IV.2. Conclusion du chapitre
Références bibliographiques
Chapitre V Dispersion de la cécidomyie des fleurs du manguier
V.1. Présentation
ARTICLE D: Immigration of the mango blossom gall midge, Procontarinia mangiferae (Felt) in a mango orchard mediated by insect flight abilities and by mango resources: a modelling approach
Materiel and methods
Results
Discussion
Conclusion and perspectives
Acknowledgements
V.2. Conclusion du chapitre
Références bibliographiques
Chapitre VI Discussion et Perspectives
VI.1. Une seule espèce pour deux types de ressource d’une plante-hôte
VI.2. Un faible signal de structuration spatiale des populations ?
VI.3. Les stratégies de vie de la cécidomyie des fleurs du manguier
VI.3.1. Traits de vie
VI.3.2. Une diapause facultative dans un habitat presque toujours favorable
VI.4. Perspectives appliquées en terme de contrôle des populations
Conclusion Générale
Références bibliographiques
Annexes
I. Effet de la température et de l’humidité sur la durée de nymphose sans diapause chez la cécidomyie des fleurs du manguier, Procontarinia mangiferae (Felt)
II. Identification et phénologie de trois parasitoïdes de la cécidomyie des fleurs du manguier, Procontarinia mangiferae (Felt), à l’ile de la Réunion.
III. Stades reproducteurs du manguier
IV. Stades végétatifs du manguier
V. Script R du modèle 2 de dispersion de la cécidomyie des fleurs du manguier

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