DIVERSITE DES INSECTES RAVAGEURS DU MIL ET LEUR REGULATION BIOLOGIQUE

DIVERSITE DES INSECTES RAVAGEURS DU MIL ET
LEUR REGULATION BIOLOGIQUE

Généralités sur le mil

Origine et systématique 

Le mil a été domestiqué à l’ouest du Sahara, il y’a 4892 ans, plus précisément dans la région nord du delta du Niger, à partir de ses ancêtres sauvages P. glaucum monodii (L.) R.Br., (Burgarella et al., 2018). Ainsi à partir de cette région il s’est diffusé il y’a 4900 ans vers les autres régions de l’Afrique puis vers l’Inde et les Etats Unis (Reddy, 2017; Burgarella et al., 2018). Le terme « mil » désigne un groupe important de céréales cultivées ayant une valeur nutritionnelle élevée. Ce groupe renferme plusieurs espèces notamment P. glaucum généralement cultivée en Afrique de l’Ouest. P. glaucum, est une graminée annuelle qui appartient à la famille des Poacae et à la sous famille des Panicoidae. Appelée à l’origine P. americanum (L.) leeke, l’espèce a été révisée à P. glaucum et comprend plusieurs noms communs y compris le mil perlé, le petit mil, le mil à chandelle, le mil péniciliaire et « barja » en Inde. Espèce diploïde (2n=14), c’est une plante à C4 avec une capacité élevée de photosynthèse et de production de matières sèches (Anonyme, 1991; Reddy, 2017). 

 Exigences éco-climatiques 

Le mil est connu pour être cultivé sur des sols pauvres, dans des zones où les températures et l’éclairement solaire sont élevés et où la pluviométrie est comprise entre 200 et 1500mm. La germination du grain de mil se produit généralement à des températures supérieures à 12°C avec un optimum entre 23 et 40°C. La température optimale pour les premiers stades de développement est de 28°C tandis que la maturation des grains exige des températures journalières plus élevées. En dépit de son adaptabilité à la sècheresse, le développement du mil exige une distribution régulière des pluies pendant la saison de culture. La pluviométrie optimale est comprise entre 400 et 700mm. Les quantités élevées de pluies pendant la floraison et la maturation des grains peuvent conduire à l’avortement, mais également à l’installation des certaines maladies. Le mil est moins exigeant que les autres plantes cultivées concernant la qualité du sol. Cependant, il préfère les sols sablo-argileux bien drainés. Son développement est limité sur les sols argileux et ne tolère pas les zones inondées (Sarr, 1998; Polaszek and Khan, 2000; Anonyme, 2011; Sy, 2016). 

Phénologie

 La durée de développement et de croissance du mil peut être subdivisée en deux grandes phases principales et comporte plusieurs stades allant du semis à la maturité (Maiti et Bidinger, 1981; Sy, 2016).

 Phase végétative 

Elle commence avec l’émergence du coléoptile à la surface du sol. Elle comporte plusieurs stades dont principalement la levée et le tallage. La levée a lieu après la germination 2 à 3 jours après semis. Pendant ce stade, le système racinaire primaire ainsi que de nombreuses racines adventices et les bourgeons de l’ensemble des feuilles se forment. Le tallage commence 20 – 25 jours après la levée (JAL) et se caractérise par la multiplication des bourgeons de la tige principale des jeunes plantules qui forment des talles (tiges secondaire). La plante poursuit son développement et atteint sa vitesse de croissance maximale 30 – 40 JAL. Le processus de formation de la panicule commence à ce stade avec l’arrêt de la production foliaire. La phase végétative se termine par l’apparition et le développement de la feuille étendard (feuille drapeau). Le dôme apical s’allonge et une constriction se forme à la base de l’apex avec le méristème qui change de fonction pour amorcer l’initiation de la panicule. A ce stade, le maximum de feuilles a été produit mais la croissance de la plante continue avec l’allongement des entre-nœuds.

Phase de reproduction 

La phase de reproduction va de l’initiation de la panicule à la maturité physiologique ou complète. Pendant cette phase, l’accumulation de la biomasse concerne les tiges, les panicules, les grains (caryopses) ainsi que les feuilles et les tiges des talles susceptibles de produire des épis. Elle renferme les stades épiaison, floraison (femelle et mâle), grains laiteux, pâteux et durs. L’épiaison a lieu 50 – 60 JAL. A ce stade, la surface foliaire est à son maximum et la partie de la tige (pédoncule) comprise entre la feuille étendard et la panicule commence à s’allonger. La taille potentielle maximale de la panicule ainsi que le nombre de grains par panicule sont aussi déterminés. La floraison a lieu 2 à 3 jours plus tard après l’apparition effective de la panicule et correspond à 50% des plants avec les fleurs femelles et mâles apparues sur les épillets. Ce processus s’accompagne par l’élongation du dernier entre-nœud sur la tige principale. Immédiatement après la floraison, la fécondation se produit, suivie par la formation des grains. Les grains entament un processus de maturation qui dure environ 20 à 30 jours pendant lequel le fruit ou grain prend forme et passe par les stades laiteux, pâteux avant de durcir. Il se produit en même temps la senescence des feuilles basales qui virent du vert au jaune suite à la perte d’humidité. 

 Groupes de mils cultivés

 Selon la durée du développement, les mils cultivés peuvent être répartis en trois groupes : – les variétés tardives qui arrivent à maturité à 100 – 150 jours après semis (JAS). C’est le cas du mil de type Sanio au Sénégal, cultivé au Sud du pays où les précipitations sont favorables à son développement; – les variétés précoces dont le cycle varie entre 80 – 100 JAS comme le cas du type Souna, cultivé au Nord et au Centre du Sénégal où la pluviométrie est faible et erratique; – les variétés extra précoces qui bouclent leur cycle en 65 – 75 JAS comme le cas du Zongo, cultivé également dans les zones à faible pluviométrie (Gupta, 1986; Tapsoba, 1991).

 Importance et utilisation

 Le mil est cultivé dans plus de 30 pays à travers le monde sur près de 30 millions d’hectares de terre. Il représente la 6ème céréale en termes de production et nourrit plus de 100 millions de personnes. C’est une importante céréale dans les régions semi-aride d’Asie et d’Afrique du fait de sa part élevée dans l’alimentation des populations (Reddy, 2017). Les principaux pays producteurs sont l’Inde, le Niger, le Mali, le Nigeria, le Soudan, le Burkina Faso, le Sénégal, et le Tchad (FAOSTAT, 2017). Plus de la moitié de la production globale du mil provient de l’Inde et concernant l’Afrique, le Niger produit environ 30% du mil annuel (Jukanti et al., 2016; FAOSTAT, 2017; Reddy, 2017). Au Sahel, le mil représente environ 1/3 de la consommation totale des céréales alimentaires au Burkina Faso, au Tchad et en Gambie, plus de 1/3 au Mali et au Sénégal et plus de 2/3 au Niger (FAO, 1995). En termes de valeur nutritionnelle, le mil a une valeur énergétique élevée avec environ 350 – 360 kcal/100 g comparé aux céréales telles que le sorgho, le riz et le blé. Il comprend des protéines, des minéraux, de la vitamine, des fibres alimentaires, de la matière grasse et des antioxydants (Dykes et Rooney, 2007; Amadou et al., 2013; Jukanti et al., 2016; Ratnavathi, 2017; Jeeterwal et al., 2018). Il possède également des vertus thérapeutiques dues à son potentiel prébiotique capable d’accroître la viabilité ou la fonctionnalité des pro-biotiques et prévient contre le diabète, le cancer, les maladies cardiovasculaires et dégénératives (Dykes et Rooney, 2007; Nambiar et al., 2011; Amadou et al., 2013; Jukanti et al., 2016). Dans les régions semi-arides d’Afrique et d’Asie, les grains de mil sont principalement utilisés pour l’alimentation humaine. La farine peut être utilisée pour faire des galettes, de la bouillie, du couscous ou «tiéré» au Sénégal et autres divers produits. Brassé et fermenté, le mil peut servir à la fabrication de bières artisanales (FAO, 1995; Jukanti et al., 2016; Ratnavathi, 2017). Les tiges et les feuilles servent généralement à l’alimentation du bétail mais également à la construction des 8 clôtures des maisons, des jardins potagers, dans la confection des greniers, de nattes pour couchette et lorsqu’elles sont brûlées, la cendre peut être utilisée dans la poterie (Tapsoba, 1991). Dans les pays comme les Etats Unis et l’Europe, le mil est principalement produit pour l’alimentation du bétail et de plus en plus utilisé comme aliment de volailles (Reddy, 2017). 

Principales contraintes biotiques du mil 

 Mauvaises herbes et maladies 

Le mil est soumis à de nombreux stress biotiques tels que la compétition avec les mauvaises herbes, les maladies cryptogamiques, bactériennes, virales et les nématodes. Striga hermonthica est l’une des espèces de striga les plus importantes. C’est une mauvaise herbe qui est rencontrée dans la plupart des zones de production du mil au Sahel en particulier au niveau du bassin arachidier du Sénégal (Ndoye et al., 1986; Gworgwor, 2007). Les pertes rapportées sont variables et peuvent atteindre 60 à 70% sur le rendement (Ndoye et al., 1986; Aladelel et Mustapba, 2003). C’est un parasite obligatoire dont la germination des grains est déclenchée par la présence de substances chimiques secrétées par les racines des plantes telles que les sesquiterpènes et strigolactones. En outre, des températures comprises entre 25 et 45°C qui sont combinées à des sols suffisamment humides contribuent à stimuler la germination des semences. Le développement de S. hermonthica affecte les capacités d’assimilation de l’eau, des nutriments, du carbone etc. par son hôte (Olivier, 1995; Van Mourik, 2007). Les principales maladies cryptogamiques rencontrées sur le mil comprennent entre autres le mildiou, le charbon et l’ergot. Elles sont très largement distribuées dans la plupart des régions de production du mil en Afrique et en Asie (Mbaye, 1993; Thakur et al., 2011; Sharma et al., 2015; Das, 2017; Zoclanclounon et al., 2018). Le mildiou est la maladie la plus redoutable en raison de son potentiel épidémique. Les dégâts varient selon la région et la variété cultivée et peuvent occasionner jusqu’à 40% de pertes en rendement voire plus sur des variétés sensibles (Sharma et al., 2015; Das, 2017; Zoclanclounon et al., 2018). Le pathogène responsable est Sclerospora graminicola. C’est un parasite oomycète obligatoire qui se reproduit de façon asexuée en produisant des sporanges et sexuée par le biais des oospores. Les oospores sont responsables des infections primaires tandis que les sporanges sont à l’origine des infections secondaires. L’humidité relative élevée (85 – 90%) et les températures modérées (20 – 30°C) favorisent le développement de la maladie. Sa dissémination dépend des conditions climatiques et de la vitesse du vent. Le mildiou est une maladie systémique dont l’infection s’exprime au niveau des feuilles et des épis. Les infections sévères causent la mort 9 des jeunes semis alors que les plantes les plus développées présentent des épis caractéristiques en forme de touffe appelés « épi vert » (Thakur et al., 2011; Das, 2017).

Table des matières

REMERCIEMENTS
RESUME
ABSTRACT
TABLES DES MATIERES
SIGLES ET ABBREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION GENERALE ET PROBLEMATIQUE
CHAPITRE 1 Synthèse Bibliographie
1.1. Généralités sur le mil
1.1.1. Origine et systématique
1.1.2. Exigences éco-climatiques
1.1.3. Phénologie
1.1.3.1. Phase végétative
1.1.3.2. Phase de reproduction
1.1.3.3. Groupes de mils cultivés
1.1.4. Importance et utilisation
1.2. Principales contraintes biotiques du mil
1.2.1. Mauvaises herbes et maladies
1.2.2. Insectes ravageurs
1.2.2.1. Foreurs de tiges
1.2.2.1.1. Importance et distribution
1.2.2.1.2. Biologie des foreurs de tiges
1.2.2.1.3. Dégâts et pertes de production
1.2.2.2. Insectes de l’ép
1.2.2.2.1. Mineuse de l’épi du mil
1.2.2.2.1.1. Bio-écologie
1.2.2.2.1.2. Dégâts et pertes de production
1.2.2.3. Autres insectes
1.2.3. Méthodes de lutte contre les principaux insectes ravageurs du mil
1.2.3.1. Lutte culturale
1.2.3.2. Lutte chimique
1.2.3.3. Résistance variétale
1.2.3.4. Lutte biologique
CHAPITRE 2 Caractéristiques de l’Environnement du Bassin Arachidier
2.1. Présentation du bassin arachidier
2.2. Caractéristiques climatiques
2.2.1. Pluviométrie
2.2.2. Température et humidité relative
2.2.3. Vents
2.3. Caractéristiques de l’agriculture
CHAPITRE 3 Abondance et Diversité des Insectes dans l’Agro-écosystème du Mil du Bassin Arachidier
Introduction
3.1. Matériels et méthodes
3.1.1. Choix des parcelles
3.1.2. Piégeage et collecte des insectes
3.1.3. Identifications des insectes
3.1.4. Estimation des variables
3.1.4.1. Calcul de la diversité des insectes
3.1.4.2. Calcul de la fréquence relative des insectes
3.1.4.3. Analyse des données
3.2. Résultats
3.2.1. Abondance et diversité des communautés d’insectes
3.2.2. Abondance et fréquence relative des différentes sous-communautés d’insectes
3.2.3. Densité des espèces dans les différentes sous-communautés d’insectes ravageurs
3.2.4. Fréquence des principaux insectes ravageurs
3.2.5. Densité des espèces dans les différentes sous-communautés d’ennemis naturels
3.2.6. Dynamique de population des principaux insectes ravageurs en fonction des stades phénologiques du mil
3.2.7. Dynamique de population des ennemis naturels en fonction des stades phénologiques du mil
3.3. Discussion
Conclusion
CHAPITRE 4 Impact de la Mineuse de l’Epi et des Foreurs de Tiges sur le Mil et Importance de leur Régulation par les Parasitoïdes dans le Bassin Arachidier
Introduction
4.1. Matériels et méthodes
4.1.1. Choix des parcelles
4.1.2. Echantillonnage des insectes
4.1.2.1. Echantillonnage des foreurs de tiges
4.1.2.2. Echantillonnage de la mineuse de l’épi
4.1.2.3. Pertes de rendement
4.1.3. Identification des insectes
4.1.4. Estimation des variables
4.1.4.1. Distribution spatiale des insectes
4.1.4.2. Incidence des insectes
4.1.4.3. Parasitisme des insectes
4.1.4.4. Pertes de rendement en grains
4.1.5. Enquête agronomique
4.1.6. Analyse des données
4.2. Résultats
4.2.1. Distribution spatiale des larves de foreurs de tiges
4.2.2. Incidence des larves de foreurs de tiges
4.2.3. Densité des larves de foreurs de tiges
4.2.4. Composition et importance relative des espèces de foreurs de tiges du mil
4.2.5. Parasitisme des larves de foreurs de tiges
4.2.6. Importance relative des parasitoïdes des larves de foreurs de tiges
4.2.7. Distribution spatiale des larves de la mineuse de l’épi
4.2.8. Incidence des larves de la mineuse de l’épi
4.2.. Densité des larves de la mineuse de l’épi
4.2.. Parasitisme des larves de la mineuse
4.2.11. Pertes en grains
4.2.12. Pratiques culturales des producteurs
4.2.13. Effet des pratiques culturales sur l’incidence et la densité des larves de foreurs de tiges
4.2.14. Effet des pratiques culturales sur l’incidence et la densité des larves de la mineuse
de l’épi
4.2.15. Effet des pratiques culturales sur les pertes de rendement en grains estimées
4.3. Discussions
Conclusion
CHAPITRE 5 Evaluation de la Résistance des Variétés de Mil aux aux Foreurs de Tiges et à la Mineuse de l’Epi
Introduction
5.1. Matériels et méthodes
5.1.1. Site expérimental
5.1.2. Matériel végétal
5.1.3. Dispositif expérimental
5.1.4. Pratiques culturales
5.1.5. Echantillonnage et paramètres observés
5.1.6. Estimation des variables
5.1.6.1. Incidence des insectes
5.1.6.2. Pertes de rendement en grain
5.1.7. Analyse des données
5.2. Résultats
5.2.1. Incidence des foreurs de tiges
5.2.2. Densité des larves et dégâts des foreurs de tiges
5.2.3. Composition des foreurs de tiges
5.2.4. Incidence de la mineuse de l’épi
5.2.5. Densité des larves et dégâts de la mineuse de l’épi
5.2.6. Rendement et perte en grains
5.3. Discussion
Conclusion
CHAPITRE 6 Identification de la Période Optimale de Lâchers Augmentatifs
de Bracon hebetor pour la Lutte Biologique contre la Mineuse de l’Epi du Mil
Introduction
6.1. Matériels et méthodes
6.1.1. Site et choix des parcelles
6.1.2. Elevage des insectes
6.1.2.1. Elevage Ephestia kuehniella
6.1.2.2. Elevage Bracon hebetor
6.1.3. Suivi des adultes de la mineuse de l’épi
6.1.4. Lâcher de parasitoïdes au champ
6.1.5. Evaluation des paramètres
6.1.5.1. Echantillonnage de la mineuse de l’épi
6.1.5.2. Estimation de l’incidence
6.1.5.3. Estimation du parasitisme des larves
6.1.6. Analyse des données
6.2. Résultats
6.2.1. Dynamique des populations de la mineuse de l’épi
6.2.2. Incidence et parasitisme des larves dans le bloc de lâcher en fonction des premières captures de la mineuse de l’épi du mil
6.2.3. Dégâts dans le bloc de lâcher en fonction des premières captures de la mineuse de l’épi du mil
6.2.4. Incidence et parasitisme de la mineuse de l’épi dans le bloc de lâcher en fonction des stades de développement du mil
6.2.5. Dégâts de la mineuse de l’épi dans le bloc de lâcher en fonction des stades de développement du mil
6.3. Discussion
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3

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