Diversité combinatoire et inégalité de prévalence des types de peuplements
Aspect combinatoire
Le croisement des types biogéographiques de niveau 1 (11 GRECO) et des types de peuplements de l’inventaire (117) amène à un nombre de parties théoriques de 1287. De plus, les besoins d’analyse des ressources forestières peuvent amener à introduire d’autres facteurs fondamentaux de stratification, par exemple la destination foncière de la forêt, qui accroît ce nombre de parties théoriques d’un facteur 3 au minimum (forêt domaniale, communale, privée), amenant ce nombre théorique à 386 1. L’ensemble des types de peuplements n’existant pas dans toutes les GRECO, le nombre de parties réelles est en réalité moindre (897/1287, ou encore 1861/3861), mais reste à nouveau trop élevé pour être accessible à l’entendement humain. Il y a donc nécessité de contraindre cette partition.
Inégalité de prévalence des types de peuplement
L’examen de l’importance en surface des types de peuplements existant au sein de chaque GRECO montre une forte inégalité dans leur prévalence, qui est générale à l’ensemble des GRECO (elle se retrouve aussi au grain des SER, indiquant que l’inégalité de taille des GRECO n’en est pas la cause profonde). Ainsi, les trois premiers types les plus abondants représentent entre 16.8 % et 46.2 % (moyenne 30%) de la surface forestière des GRECO. Les 50% de types les plus importants représentent entre 81.0 % et 92.7 % (moyenne 87 %) de ces surfaces. Cette inégalité de distribution est illustrée pour la GRECO Grand-Est semi continental (3 premiers types et 50% de premiers types à 19.3% et 92.2% de la surface, respectivement) et la SER Ardenne Primaire (3 premiers/50% premiers types à 42.0% et 92.5% de la surface, respectivement) en figure 2. Ce phénomène demeure un fait classique en écologie, propre à toute problématique de quantification de diversité en espèces (distributions de diversité-abondance ; McGill et al., 2007).
Stratégie et principes de construction de la partition
Les informations de types de peuplements, établis à partir des données de composition collectées pendant la décennie 2006 – 2015 sur les points de sondage temporaires de l’inventaire ont été utilisées. Plusieurs principes de décision leur ont été appliqués pour élaborer la partition des compositions. Principe de troncature Une première stratégie de réduction de cette diversité consiste à expliciter les types de compositions dominantes (« compositions synthétiques explicites », ou CSE) d’une GRECO jusqu’à un certain seuil de surface forestière cumulée, et de regrouper les types secondaires en groupes génériques (« compositions synthétiques génériques », ou CSG, Tableau 1). C’est ce que nous appelons le principe de troncature. Un seuil heuristique minimum à cette explicitation, qui s’est avéré possible à atteindre, est de 50% de la surface forestière d’une GRECO. Par ailleurs, une contrainte quantitative de représentativité des CSE a été introduite, avec un second seuil minimum de 50,000 ha (0,3% de la surface de la forêt française). Les compositions se situant en-deçà de ces critères ont été regroupés selon trois compositions synthétiques génériques : les peuplements de feuillus, les peuplements résineux (à chaque fois purs ou en mélanges), ou peuplements mixtes feuillus/résineux. Essences « attracteur » et principe d’agrégation L’examen des types de peuplements de chaque GRECO révèle que certaines essences ligneuses – ou groupes d’essences – dominants ont tendance à participer à des mélanges d’essences (voir aussi Morneau et al., 2008) et se retrouvent dans des types dominants distincts, sans que ces derniers soient fondamentalement différents (au plan de leur gestion courante, de leur histoire, ou de leur dynamique). Ces essences sont qualifiées Annexe IV.1 356 d’« attracteur ». C’est emblématiquement le cas du chêne pédonculé dans le Nord de la France (cas de la GRECO Centre-Nord semi-océanique, Tableau 4), ou encore des mélanges structurés autour des essences Hêtre/Sapin pectiné/Épicéa commun (cas des GRECO Alpes, Jura et Vosges). Ce constat amène alors à poser un principe d’agrégation de ces types, qui forme le second principe d’élaboration de la partition. Un type résultant est ainsi « Chêne pédonculé en peuplement pur ou accompagné de feuillus divers ». Dans cette situation, il n’y a pas de raison d’omettre les compositions associées dont l’importance se situe au-delà des premiers 50% des surfaces forestières des GRECO. Ces compositions ont donc été agrégées aux types dominants. Principe d’omission Certains types de peuplements de la nomenclature de l’inventaire forestier national restent par ailleurs peu informatifs, parce qu’ils reposent déjà sur des pré-regroupements de types élémentaires. C’est par exemple le cas de compositions telles que les « feuillus indigènes purs », ou les « autres mélanges résineux à 2 essences ». Dans cette situation et bien qu’étant dominantes, ces compositions ont été rattachées aux CSG (compositions feuillues, résineuses ou mixtes). Ces deux derniers principes forment une entorse au principe de troncature, puisque d’une part des peuplements situés au-delà d’un seuil de 50% peuvent être intégrés à des CSE, et d’autre part des peuplements situés en deçà du seuil peuvent être intégrés à des CSG. Principes complémentaires Deux principes complémentaires ont été mis en œuvre : un principe d’homogénéisation des CSE entre GRECO voisines, et un critère d’origine dynamique des peuplements. Tout d’abord, l’examen des CSE élaborées révèle logiquement des identités ou similitudes entre GRECO voisines au plan géographique ou géophysique. Dans le premier cas, cela a pu conduire à retenir des CSE dont l’importance se situait en deçà des 50,000 ha (cas des peuplements de sapin dans plusieurs massifs de montagne). Dans le second, il est apparu utile d’introduire des CSE à variantes compositionnelles pour en faire ressortir l’unité (cas des hêtraies et hêtraies-chênaies qui peuvent être distinguées dans les plaines du Nord de la France, mais qui sont d’importance insuffisante pour être distinguées dans le Grand-Ouest, Figure 1 et online material 2). Enfin, l’application du principe de l’essence « attracteur » a pu conduire à des hésitations du fait de leur intersection non nulle (par exemple les CSE « chêne-charme » et « chêne pédonculé et feuillus »). Dans ce dernier cas, il nous est apparu utile de faire intervenir un critère d’origine des peuplements, et notamment le mode de gestion en taillis des « charmaies chênaies » qui les distingue de mélanges de chêne avec d’autre feuillus. Les raisonnements et principes exposés sont illustrés sur trois exemples.
Exemples de construction des compositions synthétiques explicites
Exemple 1. Compositions synthétiques explicites, génériques, et regroupements en Méditerranée Le Tableau 3 présente l’analyse conduite sur la GRECO « Méditerranée », où les types de peuplements de l’inventaire forestier sont classés par surface décroissante, associée à leur pourcentage dans la surface forestière de la GRECO : (i) Le principe d’omission conduit tout d’abord à écarter le 3e type de peuplement, dont la composition n’est pas déterminée. Il conduit ensuite à regrouper les types dont la composition n’est pas explicite (en gris dans le tableau) dans les CSG, (ii) Le principe de troncature amène ensuite à retenir les 4 premiers types de peuplements (chêne vert, chêne pubescent, pin d’Alep, mélange de chênes vert/pubescent), pour un total de 52.6% de la surface couverte. Avec une surface de 97,000 ha pour le 4e type, ils dépassent tous le seuil minimal de 50,000 ha, (iii) L’examen du 5e type de peuplement (mélange Chêne – Pin d’Alep) retient l’attention, puisque son importance est égale à celle du type précédent. L’examen des types suivants permet de repérer des mélanges similaires (Chêne – Pin sylvestre, Chêne – Pin maritime). Les chênes (vert et pubescent) ont donc une tendance nette à former des mélanges avec les pins dans cette région. En mobilisant le principe d’agrégation, on établit donc une nouvelle composition synthétique – le mélange « Chênes – Pins ». Son importance est considérable, puisqu’il occupe alors une surface >150,000 ha, qui le positionne en réalité au 3e rang des CSE de la GRECO, devant celle définie par le Pin d’Alep.