DIVERSIFICATION DANS LE SECTEUR SECONDAIRE DES IDE CHINOIS AU MEXIQUE

DIVERSIFICATION DANS LE SECTEUR SECONDAIRE DES IDE CHINOIS AU MEXIQUE

L’étude du cas du Mexique se fonde sur la divergence notable entre le développement de ses relations commerciales avec la Chine depuis une quinzaine d’années et la faiblesse des IDEE en provenance de ce pays. En effet, nous avons vu dans la partie précédente que l’explosion des IDES chinois dans le monde et en ALC à partir du milieu des années 2000 fut portée à la fois par les besoins de la Chine en matières premières et par la facilitation du commerce. Or, le Mexique, grâce à sa proximité géographique avec les États-Unis, représente une plateforme d’exportation idéale pour les entreprises chinoises. Le secteur manufacturier mexicain porte ainsi les espoirs d’une diversification des relations entre la Chine et l’ALC, afin de contrebalancer le risque de « reprimarisation » des économies latino-américaines évoqué plushaut. La question principale de cette partie est donc de comprendre pourquoi les entreprises chinoises sont-elles si peu présentes au Mexique et quels enseignements peut-on tirer du parcours de certaines d’entre-elles dans le secteur manufacturier pour la politique industrielle et l’accueil des IDE chinois dans ce pays. Nous pensons que la faiblesse de ces derniers est rattachée aux conflits commerciaux qui ont jalonné les relations bilatérales, malgré un potentiel de développement des investissements dans le secteur secondaire, où certaines entreprises chinoises adaptent déjà leurs processus de production afin d’exporter vers les États-Unis. Nous évoquerons dans un premier chapitre les tensions politiques des relations sinomexicaines, marquées par des échanges commerciaux inégaux qui n’ont pas favorisé la création d’un environnement institutionnel nécessaire à l’approfondissement de ces échanges. Ensuite, le deuxième chapitre abordera d’un point de vue statistique la faiblesse des IDEE chinois au Mexique, lesquels constituent une part mineure du total de ces opérations au niveau national et par rapport aux autres pays en ALC, même si des différences apparaissent au niveau méso-économique avec le poids du secteur manufacturier. Enfin, le troisième chapitre élaboré sur la base d’une étude de cas d’entreprises chinoises implantées au Mexique permettra de préciser ces particularités au niveau micro-économique, en abordant les conditions spécifiques et les motivations des IDE en provenance de Chine. 

 DES TENSIONS POLITIQUES LIÉES AU DÉSÉQUILIBRE DES ÉCHANGES COMMERCIAUX 

Afin de comprendre pourquoi la croissance du commerce entre la Chine et le Mexique n’a-t-elle pas entraîné un saut qualitatif dans la relation bilatérale, en termes d’investissements notamment, il faut d’abord revenir sur le contexte politique et sur la structure du commerce entre les deux pays. Ainsi, l’instabilité des relations diplomatiques et la définition tardive d’une stratégie du côté mexicain peuvent s’expliquer, au niveau régional, par la concurrence qu’a exercé la Chine sur les exportations mexicaines au sein de l’ALENA, et, au niveau national, par l’ampleur du déficit commercial du Mexique, où s’est répandue l’idée d’une « menace » chinoise provoquant une méfiance mutuelle entre les pouvoirs publics et les investisseurs. 

Le développement d’une relation bilatérale en dents de scie

 Le Mexique initia ses relations diplomatiques avec la RPC en février 1972, devenant ainsi un des premiers pays latino-américains à reconnaître les autorités de Beijing. Durant une dizaine d’années les deux pays collaborèrent activement sur la scène internationale notamment à travers le groupe des 77 représentant les intérêts économiques et politiques des pays en développement au sein des Nations Unies230. Cette initiative eut lieu lors de la création de la CNUCED en 1964, dans le cadre d’une classification de trois groupes de pays comprenant également les économies avancées de marché et les économies de planification centralisée. Le Mexique et la Chine participèrent aussi avec 38 autres pays à la rédaction de la Carte des droits et devoirs économiques des États en 1973. Ces efforts visant à la création d’un nouvel ordre économique international débouchèrent en 1982 sur le sommet de Cancun qui réunit les dirigeants de 22 pays développés et en développement, y compris le gouvernement chinois.

 Une concurrence commerciale défavorable pour le Mexique

 D’après Acevedo et Zabludovsky le processus d’ouverture de l’économie du Mexique peut être divisé en trois périodes à partir de 1994245. Comme nous l’avons vu précédemment, l’entrée en vigueur de l’ALENA cette année-là représenta l’acte fondateur de la politique commerciale mexicaine pour les années à venir. Cet accord garantit aux exportations mexicaines des débouchés importants sur le marché nord-américain, et elles furent aussi favorisées par la dépréciation du peso à partir de 1995 et la croissance soutenue de l’économie des États-Unis durant le second mandat du président Bill Clinton (1997-2001). En effet, durant les premières années de l’ALENA, le Mexique disposait d’un avantage concurrentiel certain sur le marché des États-Unis grâce à des salaires peu élevés vis-à-vis des pays offrant des exportations similaires comme le Canada, l’Angleterre, le Japon, l’Allemagne ou la Suède (Figure 17). Toutefois, cet avantage se réduisit comme peau de chagrin face à la montée en puissance de la Chine, surtout à partir de son adhésion à l’OMC. En effet, l’entrée de la Chine au sein du système multilatéral de commerce en 2001 assura l’accès de ses produits aux marchés des autres pays membres dont celui des États-Unis. Les producteurs mexicains se retrouvèrent soudainement face à des concurrents bénéficiant de la faiblesse relative des salaires chinois et soutenus par la politique publique de promotion des exportations de leur gouvernement. L’offre exportatrice du Mexique souffrit également des déséquilibres macro-économiques entre la Chine et les États-Unis. D’une part, la politique de change des autorités chinoises freina l’appréciation du renminbi et augmenta la demande de dollars US suite aux rachats massifs de titres du trésor américain. D’autre part, l’adhésion de la Chine à l’OMC coïncida avec une phase d’appréciation du peso mexicain. Ces facteurs affectèrent de manière négative la compétitivité des producteurs mexicains qui se retrouvèrent confrontés sur le marché américain à la fin des années 2000 à des offres exportatrices similaires de la part du Canada et de la Chine (Figure 18 et 19).

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