Distribution et sensibilité des vecteurs du paludisme aux insecticides
Morphologie
Comme tous les diptères, les moustiques présentent une métamorphose complète c’est-à-dire sont holométaboles et passent au cours de leur vie par 4 stades successifs (œuf, larve, nymphe et adulte). Les trois premiers stades dits pré-imaginaux mènent une vie aquatique et les adultes ou imagos sont aériens. La morphologie externe des larves et des adultes permet une différenciation au niveau de la sous-famille (Anophelinae et Culicinae) et des genres (Carnevale & Robert, 2009).
Les œufs
Ils ont une forme incurve et sont pondus isolément à la surface de l’eau. Ils sont munis de deux flotteurs latéraux remplis d’air, ce qui les différencient des Culicinae dont les œufs sont pondus isolément et ne possèdent pas de flotteurs (Aedes) ou sont pondus en amas ou en barquette (Culex). Les œufs d’anophèles ne résistent généralement pas à la dessiccation contrairement à Embranchement Arthropodes Pattes articulées Classe Insecta Corps segmenté en trois parties Sous-classe Pterygota Avec des ailes Ordre Diptera Avec deux ailes Sous-ordre Nematocera Avec des antennes rondes et longues Famille Culicidae Moustiques Sous-famille Anophelinae Anophèles Genre Anopheles 4 ceux des Aedes. L’éclosion a lieu au bout de 36 à 48h après la ponte (Mouchet & Carnevale, 1991).
Les larves
Elles se reconnaissent morphologiquement par la présence d’une tête, d’un thorax et d’un abdomen. Au cours de leur développement, les larves subissent 3 mues et passent par 4 stades larvaires morphologiquement comparables (Carnevale & Robert, 2009). Elles sont détritiphages et se nourrissent près de la surface de l’eau. Les larves d’anophèle remontent à la surface de l’eau pour respirer par des spiracles dorsaux, ce qui leur impose une position parallèle donnant l’impression qu’elles flottent. Cette caractéristique les différencie des Culicinae qui respirent par un siphon d’où la position oblique qu’adoptent ces derniers (Mouchet & Carnevale, 1991). 1.3.3. Les nymphes A la fin du quatrième stade larvaire se produit la nymphose. La cuticule de la larve se fend dorsalement et laisse échapper une nymphe en forme de virgule très mobile, qui ne se nourrit pas et qui respire l’air atmosphérique par des trompettes respiratoires situées à l’avant du céphalothorax (résultat de la fusion de la tête et du thorax). Sa vie dure souvent moins de 48h (Mouchet & Carnevale, 1991).
L’adulte
Le corps de l’adulte ou imago d’anophèle comprend trois parties : tête, thorax et abdomen. – La tête porte deux gros yeux composés avec de nombreux ommatidies, deux antennes de 15 articles avec un fort dimorphisme sexuel. Les mâles d’anophèle ont des antennes avec des soies longues et plumeuses tandis que les femelles ont des antennes courtes et moins fournies avec des soies verticillées (antennes glabres). – Le thorax est composé de nombreuses plaques chitinisées sur les faces dorsale (tergites), ventrale (sternites) et latérale (pleurites). Il porte aussi deux paires de stigmates latéraux servant à la respiration et de nombreuses soies et écailles dont la forme et la disposition est un des critères d’identification des espèces. Le thorax porte une paire d’ailes et trois paires de pattes. – L’abdomen comprend 10 segments dont au moins 7 sont bien visibles. Il porte également des écailles, en nombres variables qui sont utilisées pour l’identification des espèces. Chez la femelle, le neuvième segment porte le vagin et est réduit à une petite plaque tergale à laquelle 5 font suite deux cerques dorsaux. Par contre, la situation est plus compliquée chez le mâle, au huitième segment se croisent l’intestin qui devient dorsal et le spermiducte qui devient ventral et le neuvième segment (génital) est très modifié avec le dixième constituant l’hypopigium ou génitalia. Au repos sur un support, les anophèles adultes ont une position oblique contrairement aux Culicinae qui se tiennent parallèlement à leur support (Carnevale & Robert, 2009). Figure 1 : Principales caractéristiques morphologiques permettant de différencier les Anophelinae des Culicinae (d’après Bruce-Chwatt, 1985)
Le cycle biologique
Le cycle biologique des anophèles est rythmé par deux phases : une phase aquatique ou préimaginale (œuf, larve et nymphe) et une phase aérienne menée par les adultes (mâles et femelles). Le temps nécessaire pour le développement de chaque stade dépend de la température de l’eau et d’autres facteurs comme la température (OMS, 2003). L’anophèle femelle ne s’accouple qu’une fois dans sa vie et a besoin d’un repas de sang tous les 2 ou 3 jours pour assurer la maturation de ses œufs. A chaque ponte, elle dépose 100 à 150 ANOPHELINAE CULICINAE Œufs Larves Têtes Position au repos ♂ ♀ ♂ ♀ ♂ ♀ 6 œufs à la surface de l’eau. Les œufs éclosent et libèrent les larves qui passent par quatre stades avec une augmentation de taille de l’ordre de 1 à 10 fois du stade I au stade IV. A la fin du quatrième stade larvaire se produit la nymphose qui donne la nymphe qui après émergence fait passer l’insecte de la vie aquatique à la vie aérienne de l’adulte (mâle et femelle). Les mâles se nourrissent uniquement de jus sucré tandis que les femelles en plus du sucré, se nourrissent de sang (Carnevale & Robert, 2009). Figure 2 : Cycle biologique des anophèles (d’après Carnevale & Robert, 2009)
Les principaux vecteurs du paludisme en Afrique
Seuls les moustiques du genre Anopheles assurent la transmission du paludisme humain en Afrique. Parmi les nombreuses espèces d’anophèle, seule une cinquantaine jouent actuellement un rôle dans la transmission ; une vingtaine assurant l’essentiel de la transmission dans le monde (Pagès et al., 2007). En Afrique continentale, la faune anophélienne des vecteurs de plasmodies humaines est dominée par les espèces du complexe An. gambiae et du groupe funestus qui interviennent pour 90% dans la transmission. Ces vecteurs majeurs couvrent quasiment toute l’Afrique subsaharienne et, maintiennent cette région sous une forte emprise du paludisme (Carnevale & Robert, 2009). Les anophèles du complexe An. gambiae sont probablement les plus répandus et sont ceux qui assurent la plus grande partie de la transmission du paludisme en Afrique. La taxonomie divise ce complexe en une dizaine d’espèces morphologiquement identiques et inféodées à divers types de collection d’eau allant de l’eau saumâtre à l’eau douce (Djogbénou, 2009). On distingue An. gambiae, An. coluzzii et An. arabiensis qui sont d’excellents vecteurs du 7 paludisme. An. melas et An. merus sont des espèces d’eaux saumâtres respectivement des côtes occidentales et orientales d’Afrique. An. quadriannulatus, An. bwambae, An. comorensis, An. amharicus et An. fontenillei ne sont pas anthropophiles et jouent un rôle moindre dans la transmission (Mouchet & Carnevale, 1991 ; Coetzee et al., 2013 ; Barron et al., 2018).
Les vecteurs du paludisme au Sénégal
Globalement, une vingtaine d’espèces d’anophèle ont été décrites au Sénégal (Diagne et al.,1994). An. gambiae, An. arabiensis, An. coluzzii et An. funestus sont connus comme les vecteurs majeurs alors que An. melas, An. pharoensis et An. nili sont des vecteurs secondaires (Faye et al., 1995 ; Diop et al., 2002 ; Dia et al., 2003). An. coluzzii et An. gambiae prédominent dans les régions de savane humide du sud alors qu’An. arabiensis était majoritairement trouvé dans les régions de savane sahéliennes et soudanosahéliennes (Fontenille et al., 1997 ; Dia et al., 2008). Cependant, depuis quelques années, on note sa forte présence dans les zones soudano-guinéennes (Niang et al., 2014 ; 2016). An. funestus est présent dans toutes les zones bioclimatiques du Sénégal (Fontenille et al., 1997 ; Dia et al., 2003, 2008). An. melas est connu principalement le long du littoral et dans la zone du Sine-Saloum (Diop et al., 2002) alors que An. pharoensis est présent dans toutes les zones biogéographiques mais est prédominant surtout dans les zones de riziculture de la vallée du fleuve Sénégal et de Casamance (Faye et al., 1995). La présence d’An. nili est signalée dans le sud-est du Sénégal où son implication dans la transmission a été décrite (Dia et al., 2003).
Chapitre 1 : Synthèse bibliographique |