Puisque les différents types de relation dyadique – mère ou père-enfant, conjugal ou parental – n’arrivaient pas à expliquer toute la variance des variables associées au développement socioaffectif de l’ enfant, certains chercheurs ont envisagé un concept plus englobant, plus représentatif d’une dynamique triadique père, mère et enfant.
D’un point de vue très général, la coparentalité peut être définie comme la façon dont les parents travaillent conjointement à l’ éducation de leur enfant (Feinberg, 2003), comme du parentage partagé (Deutsch, 2001), ou encore comme la qualité de la coordination entre les conjoints dans leur rôle de parents (van Egeren & Hawkins, 2004).
La coparentalité peut également être représentée par la collaboration et le soutien prodigués par chaque conjoint dans leur engagement mutuel envers l’éducation de leur enfant. En d’ autres mots, il s’ agit d’une dynamique interactionnelle impliquant au moins deux adultes partageant un rôle commun : être parent. Feinberg (2003) a utilisé les termes construction et organisation pour décrire la complémentarité des rôles parentaux, et par le fait même, la relation coparentale. Le terme construction fait référence à la nécessité, pour les parents, de travailler de concert pour créer et développer les liens à l’intérieur de la famille de même qu’ au fait de devoir se prodiguer un soutien mutuel alors que le terme organisation renvoie davantage aux responsabilités partagées dans le quotidien.
Cette définition de la relation particulière entre deux adultes responsables d’un même enfant rencontre peu de barrières. En effet, la coparentalité inclut les parents de même sexe, les grands-parents, les tuteurs légaux, les parents adoptifs, etc. qui font tous partie d’une dyade parentale et doivent travailler en co-construction avec leur partenaire pour prodiguer la meilleure éducation possible à l’ enfant. Évidemment, la coparentalité est un construit multidimensionnel. Toutefois, les études empiriques diffèrent légèrement quant à leur façon de conceptualiser ce construit. Margolin, Gordis et John (2001) ont mis en évidence, grâce à une analyse factorielle, un modèle en trois catégories : la coopération, le conflit et la triangulation (les deux parents tentent de mettre l’ enfant de leur côté, lors d’un conflit, au détriment de l’ autre parent). De son côté, Feinberg (2003) a dressé le portrait de la coparentalité selon quatre dimensions interdépendantes : 1) accord /désaccord sur l’ éducation de l’enfant; 2) division des tâches concernant l’ éducation de l’ enfant; 3) soutien! opposition entre les deux parents; 4) gestion conjointe des interactions familiales (équilibre dans les interactions). De ces différentes conceptualisations, nous pouvons toutefois faire ressortir la perception commune des auteurs quant au coparentage de type positif (collaboration, coopération, accord, soutien) ou de type négatif (désaccord, opposition, iniquité, conflit).
Un survol de la documentation des dernières décennies permet de constater que la coparentalité est un concept qui a existé sous différentes formes et appellations. Des termes tels que l’alliance parentale, la relation interparentale ou même le parentage conjoint ont été utilisés pour tenter d’ expliquer ce concept de deux parents travaillant ensemble pour l’éducation de leur enfant. Ces façons de nommer cet aspect de la relation triadique, bien que différentes, visaient un même but: comprendre le fonctionnement apparent et sous-jacent du triangle mère-père-enfant. L’utilisation du terme coparentalité a d’abord été proposée pour expliquer la relation entre deux parents séparés ou divorcés, puis, elle s’ est élargie pour inclure les familles nucléaires, les parents adoptifs, les conjoints de même sexe, etc. Pour les familles biologiques, la coparentalité est ressortie comme étant un bon prédicteur de différents aspects du développement de l’ enfant et particulièrement de la sphère sociale. En effet, certaines recherches ont démontré que la coparentalité positive et soutenante pouvait amener les enfants à développer des relations positives avec les pairs, favoriser l’autorégulation et encourager la compétence sociale (Feldman & Masalha, 2010; Karreman, De Haas, van Tuijl, van Aken, & Dekovic, 2008). En revanche, la coparentalité hostile ou compétitive semblait engendrer des problèmes intériorisés ou extériorisés tels que l’ agressivité, les troubles de comportement et même la désinhibition comportementale (Belsky, Putnam, & Crnic, 1996; Cummings & Wilson, 1999; Katz & Low, 2004).
Bien que la définition de la coparentalité rencontre peu de résistance sur les critères d’inclusion et d’ exclusion au plan conceptuel, ce concept demande à être bien structuré. Au début des années 1980, et ce, jusque vers le milieu des années 1990, les études sur la coparentalité portaient essentiellement sur le rôle des parents séparés et sur leur façon d’arrimer leurs obligations parentales afin de causer le moins de préjudices possible à l’ enfant (Ahrons, 1981 ; Maccoby, Depner, & Mnookin, 1990). Ces recherches abordaient les clés de la réussite ou de l’échec de la relation coparentale une fois le divorce prononcé. C’est d’ ailleurs ainsi que Camara et Resnick (1998) ont démontré que le degré de coopération et de compromis, chez les parents divorcés, expliquait davantage l’ ajustement social de l’ enfant que l’intensité ou la quantité de conflits entre les parents.
Distinction entre les différentes relations à l’intérieur de la famille
Que la coparentalité apporte une explication supplémentaire au développement de l’ enfant après avoir contrôlé l’influence de la relation conjugale ou parentale semble être une évidence. Pourtant, la coparentalité a été associée à la fois à la relation conjugale et à la relation parentale puisque ces trois systèmes ont souvent été comparés et certaines études ont démontré des liens ambigus entre ces variables. Bien que la coparentalité s’ attarde à la triade mère-père-enfant alors que les relations conjugale et parentale s’intéressent uniquement aux dyades homme-femme ou parent-enfant, ces trois systèmes peuvent, de prime abord, sembler corrélés et non exclusifs. D’ailleurs, Morrill, Hines, Mahmood et Cordova (2010) ont analysé deux modèles statistiques pour tenter d’ expliquer la place de la coparentalité au sein des relations familiales. Ils ont testé le modèle traditionnel de relation indirecte qui prédit que la qualité de la relation conjugale devrait influencer la qualité de la coparentalité qui, à son tour, devrait influencer les pratiques parentales. Le second modèle analysé propose que la coparentalité prédise directement et simultanément la qualité de la relation conjugale et les pratiques parentales. Étonnamment, les deux modèles se sont révélés significatifs. Les auteurs ont donc conclu que la coparentalité, selon les aspects observés, pouvait être perçue comme étant un processus ou un élément déclencheur de la qualité des relations familiales.
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