Parmi les concepts souvent associés à la problématique d’anxiété aux évaluations, mais pouvant nuire à l’établissement d’un langage commun entre chercheurs, cliniciens et intervenants dans le monde de l’ éducation, soulignons le stress et l’ anxiété dite générale. Dans le langage populaire, ces deux termes sont souvent employés comme synonymes (p. ex., je suis stressé, je me sens anxieux). Or, ils s’avèrent être plutôt distincts. il apparait donc important d’établir leurs différences afin de favoriser une meilleure compréhension du vécu réel de l’ élève, permettant ainsi de mieux cibler l’intervention appropriée.
Le concept de stress
Contrairement à la croyance populaire, le stress ne relève pas d’un phénomène nouveau, conséquence de l’ère actuelle. En réalité, le stress est un processus réactionnel qui serait présent depuis le début des temps et qui permet la survie du genre humain (Lupien, 2010). D’un point de vue historique, la définition du concept de « stress » semble avoir évolué en deux temps et de façons très distinctes. D’abord selon sa dimension physiologique, puis sur le plan psychologique. En voici d’ailleurs une description succincte afm de mieux saisir leurs contributions respectives dans les manifestations liées à l’ anxiété aux évaluations.
Stress physiologique
Les recherches sur le stress ont débuté en 1929, alors que Cannon soulève l’hypothèse selon laquelle il serait une réponse physiologique à une menace réelle de l’environnement. Selon lui, il s’ agit d’ une réaction face à un danger qui se traduit par la fuite ou le combat (fight or flight). Il attribue la source de cette réaction au système nerveux sympathique, qui évalue et mobilise les ressources nécessaires pour répondre à la menace perçue. En 1935, Hans Selye, médecin de formation et éminent chercheur en endocrinologie, se penche davantage sur les réactions physiologiques de l’ individu face aux stimuli environnants, approfondissant ainsi les recherches entreprises par son prédécesseur. Ses études effectuées en laboratoire lui permettent d’ accéder au titre de père fondateur du concept de stress. Il définit alors le stress comme l’ensemble des réactions physiologiques non spécifiques que ressent l’ individu lorsqu’ il se voit confronté à des demandes impromptues de la part de son environnement, lesquelles occasionneraient une rupture au sein de l’ homéostasie psychique et somatique de celui ci (Selye, 1956). En milieu scolaire, par exemple, une telle réaction de stress peut être observée lorsque l’élève se voit confronté à une évaluation surprise. Celle ci se déclenche dans le but de permettre une augmentation du niveau d’éveil, laquelle pouvant favoriser la performance si elle ne s’avère pas excessive, et disparaitra une fois complétée.
Stress psychologique
Quelques années plus tard, le concept de stress physiologique est enrichi par l’intégration d’ une dimension psychologique, évoquant l’existence d’un lien dynamique entre la personne et son environnement. Selon Lazarus et Folkman (1984), dès le moment où l’individu perçoit une demande de son environnement, il est en mesure d’ analyser ses ressources personnelles pour y faire face et donc de juger si la demande est raisonnable, exigeante ou si elle dépasse ses capacités de réponse; dans ce dernier cas, elle devient alors une menace pour son bien-être. C’est à la lumière de cette nouvelle avenue que la science se détourne du modèle unidirectionnel de Selye pour s’approprier un modèle bidimensionnel ou, ce que certains nomment le modèle transactionnel (Plancherel, 2001). En d’autres termes, il ne s’agit plus d’une simple réponse à un stimulus, mais bien d’un processus dynamique au cours duquel l’individu évalue la demande de son environnement et, selon les ressources qui lui sont disponibles, interprète celle-ci comme un défi à surmonter, qui le porte à vouloir dépasser ses limites ou, au contraire, comme une menace à fuir, qui risque de le mener à un échec (Dumont, Rousseau, & Bergeron, 2011 ; Plancherel, 2001 ; Servant, 2012).
Reprenant l’ exemple de l’évaluation surpnse exposée précédemment, le stress psychologique représentera le moment où l’élève est informé de la situation et qu’il évalue s’il maitrise suffisamment les notions théoriques pour faire face à celle-ci. Cette analyse l’ amènera à percevoir l’évaluation comme un défi ou une menace pour la réussite de son année scolaire.
Le concept d’anxiété générale
Si la majorité des auteurs s’ entendent pour conceptualiser le stress en se basant sur les définitions de Selye et de Lazarus & Folkman, il semble que ce ne soit pas aussi simple pour l’ anxiété. Ce concept demeure encore mal défini dans la littérature (Graziani, 2008) et, sans contredit, très complexe (Durand & Barlow, 2002). Ces derniers affirment que plus ils tentent de le comprendre, plus la confusion s’ installe quant à sa définition. Servant (2012) l’explique par le fait que le concept d’ anxiété serait parfois distinct, parfois synonyme d’angoisse et de peur au sein de la littérature. Cette confusion de termes varierait selon la culture, le domaine d’études, la langue, l’ étymologie et la symptomatologie sur lesquelles on s’ appuie pour établir leur définition.
Afin de limiter cette confusion, le présent essai reprendra la définition proposée par la majorité des références récentes véhiculées dans les périodiques en Amérique du Nord. Celles-ci s’accordent pour définir l’anxiété générale comme la résultante d’une évaluation cognitive (perception d’un danger imminent) et d’un état émotif désagréable (sentiment d’ appréhension), caractérisé par un degré élevé de peur et d’inquiétude, provenant de l’ anticipation d’une menace future, parfois peu concrète ou subjective, menant à la mobilisation de multiples systèmes psychophysiologiques (American Psychiatric Association, 2013; Durand & Barlow, 2002; Graziani, 2008; Marchand & Letarte, 2004; Putwain, 2008). À titre d’ exemple, l’élève pourrait percevoir la période des examens de fin d’ étape prévue dans deux semaines comme étant potentiellement ardue. il pourrait alors appréhender l’échec et craindre que cela puisse nuire à la réussite de son année scolaire, alors qu’ il ne peut pas en être assuré.
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