Digital work environments
TICE et ENT
L’outil TICE que nous avons choisi est un outil reposant sur internet. Les travaux de Ratinaud (2003) montrent que sur une population d’enseignants du secondaire, la tendance utopique vs contre 60 utopique se répercute sur la structure des RS. Alors que le groupe favorable à l’outil centre sa représentation sur la communication et les possibilités qu’elle offre, ceux défavorables à ce dernier se centrent sur l’immensité de l’information et les dangers qu’elle constitue pour les élèves. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’évoquer cet objet dans leur contexte professionnel, tous ont tendance à le rationaliser dans une dimension d’efficacité et à se focaliser sur le versant de l’information au détriment de celui de la communication. Cette focalisation marque une dérive par rapport aux motivations institutionnelles de généralisation des TICE pour leurs valeurs et/ou facilités communicationnelles. Dans la continuation de ces résultats, les travaux de (Netto, 2011), interrogeant des enseignants et futurs enseignants du primaire sur leurs RS et leurs RP de l’informatique, confirment la présence centrale de la communication et de l’information. De plus, les discours convergent sur une orientation de pratique et prescription dans le domaine professionnel corrélée à une complexification contextuelle (difficulté de matériel, manque de temps) pour les enseignants les plus aguerris. La présence en zone centrale des éléments information et communication se retrouve dans la représentation professionnelle des TIC chez les enseignants du secondaire tunisiens (Souissi, 2014, 2016). Parallèlement, les travaux de Fulton montrent comment outre-Atlantique l’emploi des TICE n’a pas de répercussion sur les croyances pédagogiques des enseignants. Trinquier étudie les représentations véhiculées in situ dans le discours des enseignants en situation pédagogique avec et sans TICE. Elle relève que « les technologies éducatives s’intègrent sans changer considérablement des pratiques ancestrales d’enseignement » (Trinquier, 2009, p. 10) et confirme ainsi les études portant exclusivement sur les pratiques (Bruillard & Baron, 2006; Chaptal, 2007; Lagrange & Grugeon, 2003; Pouts-Lajus, 2002). De façon plus spécifique à l’ENT, les travaux de Daguet et Voulgre (2011) montrent comment les utopies véhiculées par les prescriptions institutionnelles concernant les usages de cet outil sont réalisées dans le domaine administratif mais restent encore inenvisageables dans le domaine pédagogique. Ces véritables pressions de l’institution s’inscrivent pour certains auteurs dans les injonctions paradoxales du système éducatif (Bateson, 1977) confrontant systématiquement la liberté pédagogique nécessaire à l’enseignement et l’obligation d’usage des TICE (Assude, Bessieres, Combrouze, & Loisy, 2010). De plus, une étude menée sur le cartable numérique démontre comment, en phase expérimentale, les personnes intégrées dans ce projet se retrouvent dans un « imbroglio où la place des aspects juridiques, financiers, économiques et politiques est prépondérante » (Collet, Anselm, Narvor, Robin-Brosse, & Terepa, 2005, p. 11). 61 Considérant les représentations de l’utilité de l’ENT, les premières recherches menées par Poyet et Genevois (2007) révélaient une méconnaissance des enjeux d’une plateforme d’enseignement collaborative chez les enseignants. Mais 8 ans plus tard dans une nouvelle étude, en croisant la perception de l’utilité de l’ENT et les pratiques déclarées, les auteurs relevaient une répartition des enseignants selon trois profils : les innovants, ceux effectuant une reconduction des pratiques traditionnelles et les enseignants qui répondent à une logique d’obligation (pression institutionnelle) (Poyet, 2015). Enfin, Schneewele (Schneewele, 2012, 2014; Schneewele et al., 2010), en analysant les représentations de l’ENT chez les enseignants, montrent une migration des notions de communication et d’information dans les zones périphériques, les éléments en zone centrale étant exclusivement évaluatifs (pratique et lent). Cette variation avec les objets internet et informatique évoqués précédemment doit être modérée : le protocole d’identification de la zone du noyau n’ayant pas les mêmes indicateurs sur toutes les études. Le tableau prototypique (chap 5.2.5) sur lequel sont fondés tous ces résultats constitue un outil exploratoire du contenu d’une représentation. Ces résultats, s’ils permettent une première hiérarchie des éléments, nécessitent une seconde phase de mesure de centralité. De plus, les travaux de Schneewele se distinguent en exploitant le rang d’évocation d’un élément28 comme indicateur de la saillance, là où les autres études préféraient un classement hiérarchique demandé aux répondants.
Le métier d’enseignants
Dans les études portant sur les représentations qu’ont les enseignants de leur métier, se mêlent les différents niveaux d’enseignement : secondaire et primaire. Bien que défini par le même référentiel, il n’en demeure pas moins des différences notables. Ainsi, la polyvalence disciplinaire qui définit le métier d’enseignant au primaire, le rapport à l’autorité institutionnelle ou encore le traitement salarial sont autant d’éléments qui font évoluer les enseignants du premier et second degré dans des environnements différents. Ces différences (non exhaustives) induisent des représentations différentes du métier dès les premiers pas dans la profession (Rinaudo, 2004). Pourtant de nombreux items persistent dans les deux populations. Les parties qui suivront présenteront une sélection des différents travaux portant sur ce sujet. Nombre d’études traitant sur des représentations du métier d’enseignant portent plus précisément sur les enseignants stagiaires . Les partenariats 28 Prend en compte l’ordre d’écriture dans le questionnaire 29 Demande aux répondants : classer les réponses de 1 à X, 1 étant le plus significatif de l’objet, X le moins. 62 entre université et IUFM (puis ESPE) rendent accessibles ce public et les résultats, réels témoins de la professionnalisation, sont aisément exploitables par les formateurs. Si ces travaux nous apportent des éléments concernant une stabilité dans la représentation du métier des différentes générations, il n’en reste pas moins une faiblesse concernant la connaissance des enseignants en poste. Cette population reste plus souvent sondée par des enquêtes d’opinion ou des études sur les pratiques. Nous exposerons ici une sélection de résultats, loin d’être exhaustive. Elle nous permettra d’avoir une première approche des tendances retrouvées de façon longitudinale. Plusieurs travaux ont démontré comment la représentation du métier d’enseignant préexiste et se construit au fil de la formation initiale, se spécialisant dès l’intention d’orientation dans ces carrières (Monnier, 1992; Trinquier & Bouyssières, 1993). Une fois intégrés dans les IUFM ou les ESPE, les étudiants vont construire des représentations pré-professionnelles communes par leur première confrontation avec l’exercice de la fonction ou le mémoire de professionnalisation exigé dans leur cursus (Netto, 2011; Perez-Roux, 2006, 2006, 2007a, 2015). Les représentations du métier chez les enseignants en poste (du primaire au secondaire) s’articulent autour des notions de transmission de connaissance, d’éducation, de valeurs humaines et des difficultés du métier (Broyon & Changkakoti, 2008; Legendre, 2004; Netto, 2011). Nous noterons que la situation sociale d’exercice semble influencer la représentation du métier chez les professeurs des écoles. Lorsqu’ils enseignent en zone d’éducation prioritaire (ZEP), ils s’éloignent des représentations citées précédemment et se spécialisent sur une orientation d’éducateur et pédagogue (Fontani, 2004, 2006). Enfin, une étude concernant le ressenti des enseignants face à la perception de leur profession comme source de valorisation sociale par la société montre, dans le primaire comme dans le secondaire, une vision dévalorisante du métier (Farges, 2011).
La communication dans le métier d’enseignant
Nous n’avons trouvé que très peu de travaux concernant spécifiquement la représentation professionnelle de la communication chez les enseignants. Cependant, plusieurs reposent sur les opinions ou encore les croyances sur cet objet dans le métier. Nous relaterons ici les éléments apparaissant sur ces études. Les premiers travaux présentés ici portent sur trois établissements secondaires engagés dans un projet d’amélioration de la communication (Leclerc, Claus, & Dupont, 1999; Leclerc, Ossandon, & Delforge, 1998). Les représentations de la communication ont fait remonter trois types de communication : 63 inter-personnelle : aux dires des enseignants, la prééminence d’une cohésion d’équipe et l’importance donnée aux élèves. En opposition, les autres acteurs du système relataient des difficultés face à l’individualisme du corps enseignant et leur incapacité à se remettre en question. De plus la communication avec les parents est, lorsqu’elle est présente, systématiquement négative quelle que soit la profession questionnée. organisatrice : elle concerne tous les membres de l’établissement et reste à vocation interne. Principalement basée sur des préoccupations fonctionnelles (recherche de stage, gestion planning, problème de discipline…) cette typologie de communication est perçue positivement. institutionnelle : ici ce sont les équipes de directions dans leurs actions de communication qui spécifient le versant institutionnel. les canaux matériels de communication : Dans cette partie c’est la formalité des communications qui scinde la communauté éducative. Ainsi, alors que les directions privilégient les communications formelles, les enseignants y semblent réticents. Dans un périmètre restreint à la classe, les travaux de Perrenoud désignent la communication comme « une question de survie et de régulation pédagogique et, dans une certaine mesure, des situations didactiques et des apprentissages des élèves. » (Perrenoud, 1994a, p. 16). L’auteur relève de nombreuses peurs présentes chez les enseignants à l’idée d’un hypothétique dysfonctionnement communicationnel en classe. Ces craintes, associées à la pression de la hiérarchie pour « tenir la classe », les amènent à avoir des comportements opposés à leurs valeurs concernant la communication dans la classe.
L’information dans le métier d’enseignant
Le rapport des enseignants à l’information est un travail peu documenté. Orientées fréquemment sur les enseignants documentalistes, les études portant sur l’information dans le métier ne sont pas forcément représentatives de l’ensemble de notre population. Les travaux de Liquette (2005) montrent même un éloignement significatif des représentations du système d’information de l’établissement entre les enseignants disciplinaires et les enseignants documentalistes. Les premiers identifiant le CDI comme plateforme de transfert d’informations, les seconds appréhendant ce dernier comme producteur d’informations. Les travaux de Alava (1994, 1997) montrent chez les enseignants disciplinaires une insertion des pratiques informationnelles construite par auto-formation, ces pratiques sont corrélées aux stratégies 64 d’enseignement. L’information était alors perçue comme sur-abondante, provoquant une sousinformation. Ainsi le rejet chez une partie des enseignants des informations à caractères pédagogique au profit des textes orientés sur la didactique s’inscrit dans une vision disciplinaire du métier d’enseignant. La maîtrise du flux d’information se fait par sélection en accord avec les conceptions dominantes des enseignants.
1 Introduction |