Étude expérimentale du comportement dynamique d’une éolienne offshore flottante soumise à l’action conjuguée de la houle et du vent
Éolien flottant
Différents concepts d’éoliennes flottantes
Les différents concepts de plateformes flottantes peuvent se résumer en quatres grandes catégories représentées sur la figure 1.1 Ces catégories, directement issues du domaine de l’offshore pétrolier, ont été adaptées aux domaine de l’éolien. – La première catégorie doit sa stabilité à une large surface de flottaison (barge). Le couple de renversement est donc compensé par la flottabilité importante du système. Ce système est généralement maintenu en place par un système d’ancrages caténaires, – Pour la deuxième catégorie, la stabilité est renforcée par du lest en partie inférieure du flotteur afin de descendre le centre de gravité de la plateforme. C’est le cas des spar, plateformes verticales cylindriques à grand tirant d’eau. Ce système est, en règle générale, également maintenu en place par un système d’ancrages caténaires, – La troisième catégorie doit sa stabilité à la tension dans les lignes d’ancrages. C’est le cas des Tension Leg Platforms (TLP) qui sont des plateformes connectées aux fonds marins par des lignes d’ancrages verticales. Ces ancrages sont dimensionnés pour garder le système sous tension en toutes circonstances. La raideur importante de l’ancrage place la période propre du système en dessous de la période de la houle, – Une catégorie supplémentaire vient s’ajouter à cette liste, les plateformes semi-submersibles. Il s’agit en fait d’une fusion des concepts de type spar et barge. En effet, la stabilité du système provient non seulement du lest dans la partie inférieure mais également de la raideur hydrostatique due aux trois cylindres bouées. L’utilisation de trois bouées permet de diminuer de manière notable le tirant d’eau nécessaire à la stabilité du système. On utilisera par la suite la terminologie tri-floater pour les plateformes de ce type constituées de trois piles. Comme pour les types barge et spar, ce système est généralement maintenu en place par un système d’ancrages caténaires. Ces différents flotteurs possèdent, de par leur forme et le choix des ancrages, des avantages et inconvénients. A titre d’exemples, la structure de type barge a été étudiée dans Jonkman (2007). On peut y lire que les mouvements importants de ce concept le rend impropre à la commercialisation. En effet, la structure de type barge est beaucoup plus vulnérable aux efforts de houle. En revanche, il s’agit d’une géométrie académique simple appropriée à la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu. Le flotteur de type spar permet d’obtenir de bonnes performances en pilonnement, roulis et tangage. Néanmoins, son tirant d’eau élevé requiert des profondeurs importantes. A la différence des solutions barge et tri-floater, il n’est donc pas possible d’assembler la turbine sur sa plateforme, dans une zone abritée du vent et des vagues, pour ensuite remorquer l’ensemble jusqu’au parc. Le concept de TLP est attractif car il permet de réduire la taille du flotteur (surtout si l’entraxe des bras est 6 2. Éolien flottant Figure 1.1 – Différents concepts de plateformes flottantes (Source : Philippe (2012), LHEEA) grand) et ainsi le coût de matière première (acier et béton). On obtient de plus de très bonnes performances en pilonnement, tangage et roulis. Néanmoins, ce système est plus complexe et plus coûteux à mettre en œuvre (3 ou 6 lignes d’ancrages qui doivent supporter des efforts importants). Pour l’assemblage, le système n’est pas stable sans ancrage, contrairement aux solutions barge, spar et tri-floater. Il est en revanche possible de lester le flotteur afin de le stabiliser et ainsi remorquer l’éolienne flottante jusqu’au parc. Une fois en position, le flotteur est ancré puis délesté pour mettre les lignes d’ancrage en tension. A ce jour, le concept de tri-floater semble apporter un très bon compromis au niveau du coût en matière première, du coût d’installation et de sa tenue à la mer. Nous avons donc choisi ce type de flotteur pour les essais en bassin.
Contexte de la simulation numérique et expérimentale
Simulation numérique
Ces dernières années ont été le théâtre d’un engouement important pour le domaine de l’éolien flottant et de nombreux codes numériques ont vu le jour afin de simuler le comportement dynamique de ces systèmes sous l’action conjuguée de la houle et du vent. Nous n’allons pas ici procéder à une revue de l’ensemble des codes existants. Toutefois, le lecteur désireux de plus d’informations sur ces codes pourra se reporter à Cordle et al. (2011), Wang et al. (2010) ou encore ABS (2012). De manière générale, il s’agit d’un couplage entre un module hydrodynamique et un module aérodynamique. L’analyse peut se faire dans le domaine fréquentiel ou temporel. En fréquentiel, on se base sur la théorie des écoulements potentiels à surface libre et l’éolienne est représentée de par son action sur le flotteur. Cette méthodologie permet un premier dimensionnement de façon à concevoir le flotteur pour placer ces fréquences propres en dehors des fréquences de houle. Néanmoins, les phénomènes non-linéaires et transitoires ne sont pas pris en compte dans ce type d’approche. La modélisation en domaine temporel permet une analyse plus précise. Les efforts aérodynamiques sur le rotor sont pris en compte par le biais de la Blade Element/Momentum theory (BEM). Les coefficients aérodynamiques des profils s’obtiennent généralement par le biais d’essais en soufflerie ou de tables. Dans cette approche, les systèmes de contrôle de l’éolienne (Blade Pitch Control) mais aussi le comportement structurel de la tour et des pales 7 Chapitre 1. Éolien flottant et approche à échelle réduite peuvent être modélisés. En domaine temporel, les efforts hydrodynamiques s’obtiennent généralement par le biais de l’équation de Morison ou encore par la théorie des écoulements potentiels à surface libre. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à l’outil de simulation développé au LHEEA (Philippe et al. (2011) et Philippe et al. (2012)). Le module aérodynamique utilisé est le code FAST développé au National Renewable Energy Laboratory (NREL). Ce code permet de simuler le comportement d’éolienne bi ou tri-pales à axe horizontal. Le lecteur désireux de plus d’informations sur les fonctionnalités offertes par ce code pourra se référer aux manuels utilisateurs Jonkman & Buhl Jr (2005) et Laino & Hansen (2002). Pour le module de tenue à la mer, le code Achil3D (Babarit, 2010) est utilisé pour la résolution du problème en domaine temporel. En domaine fréquentiel, c’est le code Aquaplus qui est utilisé (Delhommeau, 1993). Ces deux codes utilisent la théorie des écoulements potentiels à surface libre.
Simulations en bassin
Les essais en bassin, mêlant vent et houle, apparaissent comme une alternative mais aussi et surtout comme un complément à la simulation numérique. Ces essais permettent d’apporter des éléments de réponse sur le comportement aéro et hydrodynamique d’une éolienne flottante. Ils ont également pour but de valider les modèles numériques développés. Ces essais sont donc apparus plus tardivement et on n’a dénombré que peu d’études sur ce sujet au début de cette thèse. La première étude référencée, Molin et al. (2002), date de 2002. Les auteurs y ont caractérisé le comportement dynamique d’une éolienne tripale orientée amont sur un support à ancrage tendu (TLP) sous l’effet de la houle et du vent et à l’échelle du 1/49e . Comme le soulignent les auteurs, ces essais ne sont pas vraiment représentatifs du comportement d’un système réel car la raideur des tendons était très exagérée par rapport à ce qui est économiquement réalisable. Néanmoins, ces essais réalisés de façon conjointe dans un bassin de génie océanique (BGO-First) et une soufflerie air-eau (IRPHE) ont permis de mettre en évidence un certain nombre de résultats relatifs à ce type de flotteur : – Le comportement vibratoire pour un flotteur de type TLP est important, – L’influence de la rotation des pales sur les mouvements de la structure (notamment dans la direction transverse) est forte, – Selon les auteurs, les effets du vent et des vagues seraient découplés : la réponse du système en vent + houle est à peu près égale à la somme des réponses en vent seul et houle seule. En 2010, Nihei & Fujioka (2010) ont également effectué une expérience en bassin avec un flotteur de type TLP. Cette fois-ci, l’échelle est le 1/100e pour une éolienne de référence tripale de 5MW orientée amont. Il s’agit en fait d’un modèle très simplifié (pas de vrillage des pales, pas de respect des centres de gravité et des inerties par rapport à une éolienne offshore classique). Cette expérience a néanmoins permis de mettre en évidence deux points importants. Le premier point concerne la difficulté de travailler avec une petite échelle géométrique (masse d’une pale de 20 g) et les contraintes qui en découlent sur le moyen d’essai (vitesse de vent trop faible, vagues de faible amplitude). Le deuxième et dernier point concernerait la présence d’un amortissement positif dû au vent. En effet, en présence de houle et de vent,Éolien flottant les auteurs observent une stabilisation du mouvement de tangage par rapport au cas houle seule. La tension dans les lignes d’ancrage ainsi que le moment de flexion de la tour sont également réduits. Quelques années plus tôt, en 2006, Nielsen et al. (2006) ont étudié au bassin de Marintek le concept HYWIND à l’échelle du 1/47e . Dans cette étude, le flotteur est de type spar et l’éolienne est équipée d’un système de contrôle de l’angle de calage des pales (blade pitch control). Les auteurs ont mis en évidence un amortissement négatif du fait de ce système. Ils ont également apporté des modifications pour résoudre ce problème. On observe cette fois-ci une influence positive importante de ce nouveau système de contrôle sur l’amortissement du mouvement de tangage du flotteur. Ces études ont également été comparées avec un modèle numérique obtenu à partir du couplage entre un code aéroélastique et un code d’hydrodynamique. Les résultats numériques obtenus sont en bon accord avec l’expérience. (Roddier et al., 2010) ont étudié le concept Windfloat à l’échelle du 1/105e . Il s’agissait de la seule étude référencée sur une structure de type semi-submersible. Il est à bien noter que cette étude a été effectuée dans un cas simplifié où le rotor est modélisé par un disque. Cette étude a également permis de valider un code numérique. L’accord entre les simulations réalisées et les mesures est correct. Malheureusement, pour l’ensemble de ces études, aucune donnée sur la qualité du vent généré n’est rendue publique. Il est important de préciser que les conclusions obtenues lors de ces études sont fortement dépendantes du type de flotteur étudié et de son système d’ancrage. Les résultats obtenus sont donc difficilement généralisables d’une plateforme à une autre. Ces études ont cependant permis de développer une méthodologie et d’améliorer la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu. D’autres études plus récentes viennent étoffer la veille scientifique sur le développement de l’éolien flottant. En 2011, le consortium deepCwind a réalisé des essais à Marin (PaysBas) sur trois types de flotteurs supportant la même éolienne. Il s’agit de la première étude, à ce jour, qui compare différentes plateformes flottantes (Goupee et al. (2012) et Koo et al. (2012)). Les flotteurs sont de types spar, semi-submersibles et TLP. Dans cette étude, un réel effort a été effectué sur le dimensionnement de la maquette et du dispositif de soufflage. Les informations sur le dimensionnement de la maquette et sur la qualité du vent généré sont respectivement disponibles dans Martin et al. (2012) et Kokubun et al. (2012). Ces essais ne seront pas développés ici car leur parution tardive n’a pas contribué au développement de la méthodologie d’essai ainsi qu’au dimensionnement de la maquette. En revanche, l’approche utilisée lors de ces essais ainsi que les résultats seront comparés dans la suite du manuscrit.
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