SEBAL
SEBAL est une approche intermédiaire qui se base sur l’approche résiduelle et qui utilise à la fois des relations empiriques et des paramétrisations physiques (Bastiaanssen et al., 1998a, 1998b; Jacob et al., 2002a). Ce modèle a été développé pour calculer la répartition de l’énergie à l’échelle régionale avec un minimum de données acquises au sol. Les variables atmosphériques habituellement nécessaires au calcul de l’évapotranspiration par la méthode résiduelle (température de l’air Ta, vitesse du vent ua) sont obtenues à partir des données de télédétection visible – proche infrarouge – infrarouge thermique et de simplifications des équations du bilan d’énergie en conditions limites sèches et humides. L’analyse de la variabilité spatiale induite par les contrastes hydrologiques et énergétiques sur les images permet la détermination des surfaces sèches et humides sur la zone étudiée (cf. Fig. I.1). Le modèle nécessite en entrée les rayonnements incidents (qui peuvent cependant être directement calculés dans certaines configurations de données), les cartes de température de surface Ts, d’indice de végétation NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) et d’albédo. Des relations semi empiriques permettent d’estimer l’émissivité, la rugosité et le rapport G/Rn à partir du NDVI et de l’albédo. L’ensemble de ces informations est utilisé pour calculer les flux Rn, G et H et le flux de chaleur latente LE résultante du bilan d’énergie (Eq. I.1). L’un des principes du modèle SEBAL, lors de l’évaluation pixel par pixel des flux de chaleur sensible et latente est d’établir des relations linéaires entre la température de surface (Ts) et la différence entre les températures de surface et de l’air (dT = Ts – Ta). Les coefficients des expressions linéaires sont déterminés à partir des points extrêmes secs et humides. Ainsi, la différence dT peut être estimée par une simple relation linéaire de la température de surface : dT = a + bTs (I.3) où a et b sont des coefficients empiriques issues des deux points d’ancrage (points secs et humides). Sur les pixels secs, le flux de chaleur latente est supposé être égal à zéro et la différence entre les températures de surface et de l’air de ces pixels est obtenue par inversion de l’expression du flux de chaleur sensible : cp H dT dry ra dry . (I.4) avec Hdry est égal à Rn – G.
Sur les pixels humides, la valeur Rn – G est affectée au flux de chaleur latente, ce qui signifie que le flux de chaleur sensible dans cette condition est égal à zéro. De plus, la différence entre les températures de surface et de l’air sur ces pixels est aussi supposée égale à zéro (dTwet = 0). Après le calcul des différences entre les températures de surface et de l’air sur les pixels secs et humides, les coefficients a et b de l’équation (I.3) peuvent donc être déterminés. Enfin, le flux de chaleur sensible H peut être obtenu sur chaque pixel de façon itérative suivant son expression décrite dans la deuxième partie du document. Les flux Rn, G et H étant connus, par conséquent l’évapotranspiration peut être déterminé suivant l’équation (I.1). Le modèle SEBAL offre une grande facilité d’utilisation et apporte des réponses concrètes aux problèmes posés par la cartographie de l’évapotranspiration. En particulier la cohérence des schémas utilisés permet de diminuer fortement les risques d’erreurs d’estimation de l’évapotranspiration (en particulier en passant par l’estimation directe de la différence dT qui évite de cumuler des erreurs d’estimation des températures de l’air et de surface). Le modèle a ainsi pu être utilisé dans différentes applications pour estimer l’évapotranspiration journalière, mensuelle et saisonnière (Droogers & Bastiaanssen, 2002 ; Bastiaanssen et al., 2005 ; Timmermans et al., 2007; Courault et al., 2009a). Différentes études de validation (cf. entre autres Bastiaanssen et al., 2005 ; Opoku-Duah et al., 2008) et en particulier celle réalisée par Jacob et al. (2002a) ont permis d’analyser et de vérifier la qualité du modèle à la fois sur les variables intermédiaires et sur les flux énergétiques de surface. L’écart obsolu sur l’estimation de l’évapotranspiration journalière est de l’ordre de 10 à 15% (Bastiaanssen et al., 2009 ; Thoreson et al., 2009).
Les études récentes de Teixeira et al. (2009a ; 2009b) ont également permis de réexaminer le rôle des différentes entrées du modèle SEBAL sur l’évaluation de l’évapotranspiration et de la productivité de l’eau. Certaines études (comme Opoku-Duah et al., 2008 ; Courault et al., 2009a) ont montré le rôle de certaines hypothèses d’utilisation de SEBAL, et en particulier de celles portant sur le choix des pixels secs et humides, sur la qualité des résultats obtenus. De fait, l’hypothèse formulée dans le modèle de la présence d’un contraste hydrologique (c’est-à-dire pixels secs et humides) sur la zone étudiée apparaît déterminante. Par ailleurs, Norman et al. (2006) ont montré que l’hypothèse de linéarité entre la température de surface et le gradient de températures de surface et de l’air utilisé dans la définition du flux de chaleur sensible n’est pas valide en toute généralité et en particulier dans le cas de paysages fortement hétérogènes. Pour réduire l’impact des limites du modèle SEBAL pour cartographier l’évapotranspiration à l’échelle régionale et sur des surfaces complexes, Allen et al. (2005a ; 2005b ; 2007) ont développé le modèle METRIC qui associe certains des fondements de SEBAL à des améliorations portant sur l’intégration de certaines mesures in situ (vitesse du vent, température du point de rosée). Ces auteurs, ainsi que Gowda et al. (2008), ont pu évaluer les bonnes performances de ce nouveau modèle.
Approches déterministes
L’estimation de l’évapotranspiration peut se baser sur des modèles plus détaillés, dans lesquels l’ensemble des mécanismes de transfert au niveau du sol et/ou des couverts végétaux (transferts radiatifs, transferts turbulents, transferts hydriques) sont paramétrés indépendamment des mesures de télédétection. Ces modèles sont souvent qualifiés de modèles de Transfert Sol-Végétation-Atmosphère (modèles TSVA ; SVAT models en anglais). Leur résolution temporelle est inférieure à l’heure, en accord avec la dynamique des processus atmosphériques et de surface (Deardorff, 1978; Dickinson et al., 1986; Sellers et al., 1996). Cette résolution temporelle fine revêt également de l’importance lorsque les modèles sont utilisés en combinaison avec les données de télédétection, car celles-ci sont acquises instantanément. Nous faisons référence ici à des modèles aussi divers que MAGRET (Lagouarde, 1991 ; Courault et al., 1996), MESO-NH développé par le laboratoire d’aérologie et le CNRM de Toulouse (http://www.aero.obs-mip.fr/mesonh/index2.html; Courault et al., 2003), ISBA (Noilhan & Planton, 1989 ; Noilhan & Mahfouf, 1996), PBL (Brunet et al., 1991), SiSPAT (Braud et al.,1995 ; Demarty et al., 2002 ; Ji et al., 2009). Dans tous les cas, les modèles TSVA donnent accès à un fonctionnement détaillé des couverts végétaux et des sols, et pas seulement à un nombre limité de variables finales telles que l’évapotranspiration, comme c’est le cas dans les approches semi empiriques et résiduelles présentées plus haut. En particulier, ils simulent des variables intermédiaires en lien avec les processus physiologiques ou les processus hydrologiques (Braud et al., 1995; Tuzet et al., 2003).
Ils peuvent être utilisés pour simuler l’humidité des sols, et ainsi servir d’interface avec des modèles hydrologiques ou météorologiques. Ils ne dépendent pas des données de télédétection pour leur mise en oeuvre. Cependant, ils peuvent être employés en combinaison avec ces mesures en utilisant des méthodes d’assimilation permettant ainsi leur amélioration (Olioso et al., 1999a ; 1999b ; 2006 ; Calvet et al., 2001; Demarty et al., 2004). Dans les modèles TSVA, le flux de chaleur latente n’est pas calculé comme résidu de l’équation du bilan d’énergie (I.1), mais paramétré à partir de la pression de vapeur de l’air et d’un coefficient d’échange de la vapeur d’eau (cf. partie 2). Beaucoup de modèles TSVA intègrent une description détaillée des transferts hydriques et de chaleur dans le sol, ce qui nécessite de connaître toute une série de paramètres physiques, comme les courbes de rétention, conductivités hydriques et thermiques (ex. SiSPAT, Braud et al., 1995), ou comme la capacité au champ et le point de flétrissement (ex. ISBA, Noilhan et Planton, 1989).
La description du bilan d’énergie de la surface peut faire appel à des équations plus ou moins complexes, en particulier séparant ou pas le fonctionnement de la végétation de celui de la surface du sol. On parle alors de système ‘bi-couche’ en opposition à un système monocouche ne se basant que sur un seul bilan d’énergie (cf. Fig. I.2) (Norman et al., 1995 ; Anderson et al., 1997 ; Sanchez et al., 2008 ; Timmermans et al., 2007 ; Friedl, 2002). Elle permet une meilleure description du fonctionnement physiologique des couverts végétaux, mais aussi, et peut être surtout, une bien meilleure description du lien entre les transferts turbulents et la température de surface telle qu’elle peut être mesurée par télédétection. Il faut noter ici que ces descriptions bi-couches sont aussi bien utilisées au sein de modèles TSVA que pour le calcul du flux de chaleur sensible dans les approches résiduelles (par exemple Timmermans et al. 2007 ; French et al., 2005; Anderson et al., 1997). Toutefois, les hypothèses et les éléments nécessaires à la résolution des bilans d’énergie sol et végétation dans les modèles bi-couche sont complexes. Si les modèles bi-couches permettent de prendre en compte l’ensemble des interactions entre les différentes surfaces, il est nécessaire en revanche de disposer de données permettant d’approcher la complexité du couvert, comme par exemple des données radiométriques IRT multi-angulaires, permettant par exemple de séparer la réponse du sol de la réponse du couvert (Jia, 2004). Même si en théorie cette approche apparaît plus réaliste, de nombreux auteurs ont montré qu’ils ne sont pas forcements supérieurs à une simple approche mono-couche. En effet, correctement calibrée une approche mono-couche donne souvent des résultats plus satisfaisants pour la description du bilan d’énergie qu’une approche bi-couche avec un mauvais paramétrage (Li et al., 2005; French et al., 2005 ; Kustas et al., 2007; Timmermans et al., 2007). Le point déterminant de la calibration des approches monocouches, en particulier lorsqu’elles sont utilisées en combinaison avec des mesures de télédétection dans l’infrarouge thermique repose sur la paramétrisation de la rugosité thermique (ou du rapport rugosité thermique – rugosité mécanique). Ce point sera particulièrement abordé dans le chapitre 3 de ce mémoire.
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